PARIS : Élisabeth Borne est confrontée vendredi soir à l'Assemblée à une nouvelle motion de censure, la 18e depuis son arrivée à Matignon et la première d'une série, mais sans grand risque dans l'immédiat pour le gouvernement puisque les LR n'ont pas l'intention de la voter.
C'est l'alliance de gauche Nupes qui a déposé cette motion, après l'activation par la Première ministre du premier 49.3 de la saison pour faire adopter sans vote le projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027.
Cet épisode augure de rudes batailles parlementaires dans les semaines à venir. Le gouvernement devrait avoir recours à cette arme constitutionnelle contestée une dizaine d'autres fois au cours de l'automne pour faire adopter les budgets de l'État et de la Sécurité sociale car il ne dispose que d'une majorité relative à l'Assemblée nationale.
Le débat sur la motion de censure aura lieu en fin de soirée, la séance reprenant à 21H30, et le vote interviendra peu après minuit. La gauche entend contester la «cure d'austérité voulue par le gouvernement».
«On a un gouvernement qui est 49.3 dépendant», a dénoncé le chef du groupe socialiste Boris Vallaud, dont le collègue Philippe Brun présentera la motion de gauche.
«Ce n'est pas seulement la brutalité du 49.3, c'est aussi la brutalité de ce qu'il y a dedans», a accusé la cheffe des députés insoumis Mathilde Panot vendredi sur Sud Radio. «C'est la pire trajectoire d'austérité que notre pays aura vécue, puisque on nous propose de faire 70 milliards d'économies d'ici à 2027», a-t-elle détaillé.
Le Rassemblement national (RN) soutiendra la motion de censure de gauche, en reprochant à Élisabeth Borne de «brutaliser la démocratie» pour «satisfaire la Commission européenne».
Le député RN Sébastien Chenu a justifié vendredi sur franceinfo la décision de son groupe de ne pas déposer sa propre motion: «On se réserve (pour) le budget en lui-même».
De fait, la censure n'a guère de chance de passer, puisque le président des députés Les Républicains (LR), Olivier Marleix, a fait savoir jeudi que son groupe ne la voterait pas. Pour faire tomber le gouvernement, la motion doit recueillir une majorité absolue de 289 voix.
- «Pas de risque» -
Le projet de loi de programmation des finances publiques, rejeté par l'Assemblée nationale il y a un an, doit servir de feuille de route pour la trajectoire budgétaire française de 2023 à 2027.
Il prévoit notamment de ramener le déficit public de 4,8% du produit intérieur brut (PIB) en 2022 à 2,7% en 2027, sous l'objectif européen de 3%, dans un contexte où la charge de la dette explose.
Dans la version du texte soumise au 49.3, le gouvernement a rétabli un article, rejeté en commission, visant à faire contribuer les collectivités locales à l'effort, par une trajectoire de baisse des dépenses de fonctionnement.
L'exécutif tient particulièrement à cette loi qui conditionne, affirme-t-il, le versement par Bruxelles à la France de 17,8 milliards d'euros sur la période 2023-2024, un argument que conteste la gauche.
«Clairement, le pays a besoin de ces 17 milliards d'euros», a estimé Olivier Marleix (LR).
«Nous avons besoin de cette loi de programmation (...). Nous ne pouvons pas prendre le moindre risque», avait aussi martelé Élisabeth Borne mercredi à l'Assemblée, avant d'engager la responsabilité de son gouvernement pour la douzième fois depuis son arrivée à Matignon.
La dernière fois, il s'agissait de faire passer sans vote la réforme des retraites dans une atmosphère de crise sociale et politique. Une motion de censure transpartisane avait alors été repoussée de justesse, à neuf voix près.
Dans le camp présidentiel, le rapporteur du budget Jean-René Cazeneuve (Renaissance) dénonce la coalition de groupes «diamétralement opposés» qui «s'allient uniquement pour battre le gouvernement».
Les macronistes s'emploient à banaliser au 49.3. «Un outil comme un autre» en cas «d'obstruction» ou de «majorité relative», «il n'y a pas à le diaboliser», a souligné la présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet.