Rare rencontre du chef d'Etat major américain avec les talibans

Le général Mark Milley a évoqué mardi avec les négociateurs talibans "la nécessité de réduire immédiatement la violence et d'accélérer les progrès vers une solution politique. (AFP)
Le général Mark Milley a évoqué mardi avec les négociateurs talibans "la nécessité de réduire immédiatement la violence et d'accélérer les progrès vers une solution politique. (AFP)
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Publié le Vendredi 18 décembre 2020

Rare rencontre du chef d'Etat major américain avec les talibans

  • Désireux de mettre un terme aux "guerres sans fin", le président républicain sortant a décidé de ramener le 15 janvier à 2500 soldats la présence militaire américaine dans le pays, laissant à son successeur Joe Biden la décision d'un retrait total
  • C'est la deuxième rencontre du général Milley avec les talibans. Il s'était déjà rendu en juin au Qatar, où les talibans ont leur bureau politique, mais cette première rencontre n'avait pas été rendue publique

Le chef d'état-major américain a discuté d'une "réduction de la violence" en Afghanistan au cours d'une rare rencontre avec les négociateurs talibans à Doha, au moment où Donald Trump accélère le désengagement des Etats-Unis d'une guerre de près de 20 ans.

Désireux de mettre un terme aux "guerres sans fin", le président républicain sortant a décidé de ramener le 15 janvier à 2500 soldats la présence militaire américaine dans le pays, laissant à son successeur Joe Biden la décision d'un retrait total alors même que les pourparlers de paix entre le gouvernement afghan et les talibans ont été suspendus jusqu'au 5 janvier. 

Le général Mark Milley a évoqué mardi avec les négociateurs talibans "la nécessité de réduire immédiatement la violence et d'accélérer les progrès vers une solution politique qui contribue à la stabilité de la région et sauvegarde les intérêts des Etats-Unis", selon un communiqué du Pentagone publié jeudi.

Au cours d'une tournée non annoncée de quatre jours au Moyen-Orient, le plus haut gradé de l'armée américaine s'est rendu le lendemain en Afghanistan où il a rencontré le président afghan Ashraf Ghani, a précisé l'armée américaine.

Pour des raisons de sécurité à l'approche du premier anniversaire de l'élimination par les Etats-Unis du général iranien Qassem Soleimani, aucune information n'a été divulguée sur cette tournée, y compris par les trois journalistes américains qui accompagnaient le chef d'état-major, avant qu'il quitte la région.

C'est la deuxième rencontre du général Milley avec les talibans. Il s'était déjà rendu en juin au Qatar, où les talibans ont leur bureau politique, mais cette première rencontre n'avait pas été rendue publique.

En vertu d'un accord séparé avec les talibans conclu en février à Doha, les Etats-Unis ont accepté de retirer toutes leurs troupes d'Afghanistan d'ici mai 2021 en échange de garanties en matière de sécurité et d'un engagement des talibans à discuter avec Kaboul.

L'armée américaine comptait 13 000 hommes en Afghanistan il y a un an, et la présence américaine avait été ramenée à 5000 soldats en juin puis 4500 en novembre.

- "Impasse stratégique" -

Le Pentagone prévoyait de maintenir le contingent américain à ce niveau début 2021 en attendant de constater des avancées dans les pourparlers interafghans mais Donald Trump a exigé de réduire le contingent américain à 2500 avant la fin de son mandat.

Le retrait est en cours, précise-t-on au Pentagone.

Le retrait américain suscite l'inquiétude d'élus et d'experts qui considèrent que ce nombre n'est pas suffisant pour contrer une résurgence des insurgés jihadistes. Les alliés des Etats-Unis au sein de l'Otan ont maintenu leurs effectifs en Afghanistan.

L'Alliance atlantique a annoncé qu'elle déciderait de la suite à donner à sa mission dans le pays en février, soit après la prise de fonctions du nouveau président américain Joe Biden.

Or l'Afghanistan est en proie à une recrudescence des violences, les talibans ayant mené ces dernières semaines des attaques quasi-quotidiennes contre les forces gouvernementales, et il n'est pas certain qu'une nouvelle administration démocrate acceptera le retrait total prévu selon les termes de l'accord de Doha.

M. Biden n'a pas présenté de plan détaillé sur l'Afghanistan, mais il a promis pendant la campagne de "mettre fin aux guerres interminables" et de rapatrier "la grande majorité" des troupes américaines d'Afghanistan, tout en y maintenant une mission contreterroriste pour contrer Al-Qaïda et le groupe jihadiste Etat islamique.

Lorsqu'il était vice-président de Barack Obama, il s'était opposé à l'envoi de renforts dans le pays en 2009, mais son point de vue ne l'avait pas emporté.

L'intervention en Afghanistan, lancée en octobre 2001, a coûté plus de 1000 milliards de dollars aux Etats-Unis et la vie à quelque 2400 militaires américains. Mais après avoir chassé rapidement du pouvoir les talibans, accusés d'avoir hébergé Al-Qaïda, la nébuleuse jihadiste responsable des attentats du 11-Septembre, la victoire n'a jamais été proche sur le terrain.

"Après deux décennies d'efforts permanents, nous avons obtenu des succès modestes", admettait début décembre le général Milley. "Je dirais aussi que depuis au moins 5 à 7 ans, nous sommes dans une impasse stratégique."


Trump menace de poursuivre Google, accusé de partialité contre lui

L'ancien président américain et candidat républicain à la présidence Donald Trump prononce un discours au Prairie du Chien Area Arts Center à Prairie du Chien, dans le Wisconsin, le 28 septembre 2024. (Photo par KAMIL KRZACZYNSKI / AFP)
L'ancien président américain et candidat républicain à la présidence Donald Trump prononce un discours au Prairie du Chien Area Arts Center à Prairie du Chien, dans le Wisconsin, le 28 septembre 2024. (Photo par KAMIL KRZACZYNSKI / AFP)
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  • Donald Trump a menacé vendredi de poursuivre Google en cas d'élection à la présidence des Etats-Unis.
  • "Nous ne manipulons absolument pas les résultats en faveur d'un candidat", a assuré Google.

NEW-YORK : Donald Trump a menacé vendredi de poursuivre Google en cas d'élection à la présidence des Etats-Unis, accusant le groupe technologique de mettre en avant des articles lui étant défavorables au bénéfice de la candidate démocrate Kamala Harris.

Le milliardaire a régulièrement reproché aux géants technologiques de pencher à gauche et de chercher à lui mettre des bâtons dans les roues.

Il s'en était notamment pris à Facebook et Twitter après que les plateformes ont suspendu ses comptes suite à l'assaut du Capitole, le 6 janvier 2021. Tous deux ont depuis levé cette suspension.

"Il a été établi que Google a utilisé illégalement un système pour ne proposer que des publications négatives pour Donald J. Trump, certaines inventées pour l'occasion", a écrit le candidat républicain sur son réseau Truth Social.

"Dans le même temps", Google "ne présente que des choses positives sur la camarade Kamala Harris", a poursuivi Donald Trump, reprenant le surnom qu'il utilise pour qualifier la vice-présidente de communiste.

Il faisait référence à une étude publiée par l'observatoire Media Research Center (MRC), proche des milieux conservateurs.

Selon elle, la requête "Donald Trump course à la présidentielle 2024" ne fait ressortir le site officiel du candidat républicain qu'en sixième position, derrière des liens vers des sites d'information que MRC classe à gauche.

Parmi eux figure le New York Times et le Washington Post.

Un observateur du MRC a affirmé que les articles sur ces sites avaient des titres "méprisants" pour Donald Trump.

L'ancien chef de l'Etat a enjoint le ministère de la Justice de se saisir de cette question, faute de quoi il a promis de le faire lui-même en cas de victoire au scrutin présidentiel du 5 novembre.

Sollicité par l'AFP, Google a affirmé que les sites officiels des deux candidats apparaissaient la plupart du temps en tête des résultats pour une recherche ordinaire sur l'élection, estimant que ce n'était pas le cas de la requête utilisée par le MRC.

"Nous ne manipulons absolument pas les résultats en faveur d'un candidat", a assuré Google.


Belgique : Interpellé sur la place des femmes, le pape suscite « l'incompréhension »

Le pape François quitte l'audience générale hebdomadaire sur la place Saint-Pierre au Vatican, le mercredi 28 août 2024. (AP)
Le pape François quitte l'audience générale hebdomadaire sur la place Saint-Pierre au Vatican, le mercredi 28 août 2024. (AP)
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  • "L'Eglise est une femme", a répondu François. "Ce qui caractérise la femme, ce qui est féminin, n’est pas déterminé par le consensus ou les idéologies", a-t-il poursuivi, sans aborder ce que pourraient être les évolutions concrètes sur la place des femmes
  • Cet échange en Belgique intervenait à quelques jours de l'ouverture au Vatican de l'Assemblée générale du Synode sur l'avenir de l'Eglise, un vaste chantier du pape qui se penche notamment sur la place des femmes dans l'Eglise.

BRUXELLES : Le pape François a été vivement interpellé samedi par des étudiants sur la question de l'égalité des genres et la place des femmes dans l'Eglise catholique, mais sa réponse a suscité déception et incompréhension, y compris de la part de l'université belge qui l'accueillait.

Au deuxième jour de sa visite en Belgique, le pontife argentin avait programmé un échange à l'université catholique francophone de Louvain-la-Neuve (UCL), sur le thème de l'écologie et de la crise climatique.

Une occasion saisie par étudiants et professeurs pour l'interpeller aussi sur la justice sociale et la pauvreté, "majoritairement féminine" en raison du "système de domination" offrant aux hommes les premiers rôles dans la société. Et a fortiori dans l'Eglise.

"L'invisibilisation des femmes (...) a des conséquences sur la manière de vivre la transition écologique", ont-ils proclamé dans un texte lu en public devant plusieurs centaines d'étudiants et de membres du corps académique et universitaire.

"L'appel à un développement intégral nous paraît peu compatible avec les positions sur l’homosexualité et avec la place des femmes dans l’Église catholique", ont-ils ajouté.

"L'Eglise est une femme", a répondu François. "Ce qui caractérise la femme, ce qui est féminin, n’est pas déterminé par le consensus ou les idéologies", a-t-il poursuivi, sans aborder ce que pourraient être les évolutions concrètes sur la place des femmes dans l'Eglise.

Immédiatement après cet échange, l'UC Louvain a publié un communiqué disant son "incompréhension" et sa "désapprobation". Affirmer comme le pape l'a fait que la femme est "accueil fécond, soin, dévouement vital" est "une position réductrice", a fustigé l’université, qui se veut "inclusive" et opposée au sexisme.

Valentine Hendrix, qui suit un master de relations internationales à l'UCL, s’est dite "extrêmement déçue" par les propos du pape. "Il nous a vraiment laissées sur le côté, on est vraiment choquées de ce qu’il a dit à propos du rôle de la femme dans la société : on a un rôle fécond, conjugal, de maternité, aujourd’hui c'est exactement tout ce dont on veut s’émanciper", a regretté l'étudiante de 22 ans.

Une déception partagée par le climatologue Jean-Pascal Van Ypersele, figure de l'université catholique francophone. Le pape "n'a pas été à la hauteur", selon lui. "Répondre +L'Eglise est une femme+, c'est tout à fait passer à côté du cœur de l'interpellation".

- Hommage controversé au roi Baudoin -

Depuis son élection en 2013, le pape argentin a insisté sur la place faite aux femmes, multipliant par exemple les nominations à des postes de responsabilité dans la Curie, le gouvernement central du Saint-Siège. Mais les associations lui reprochent de ne pas faire assez en ce sens, notamment en refusant d'ouvrir la voie au diaconat féminin.

Cet échange en Belgique intervenait à quelques jours de l'ouverture au Vatican de l'Assemblée générale du Synode sur l'avenir de l'Eglise, un vaste chantier du pape qui se penche notamment sur la place des femmes dans l'Eglise.

Vendredi déjà, Luc Sels, recteur de la KU Leuven, le pendant flamand de l'université catholique de Louvain, avait soulevé face au pape la "grosse différence entre hommes et femmes dans l'Eglise", qui pourtant est "de facto si souvent soutenue par des femmes".

"L'Eglise ne serait-elle pas plus chaleureuse avec une place plus importante accordée aux femmes également dans le sacerdoce ?", a-t-il demandé. Une question à laquelle François n'a pas répondu.

Samedi, le pape a suscité une autre controverse en s'écartant de son programme officiel pour aller s'incliner à Bruxelles sur la tombe de l'ancien souverain belge Baudouin (1951-1993), dont il a salué le "courage" pour s'être opposé en 1990 à la "loi meurtrière" sur l'avortement.

Le palais royal belge a tenu à préciser que le roi Philippe, neveu de Baudouin, et son épouse Mathilde avaient accompagné le pape, "par courtoisie", lors de cette "visite impromptue" et au "caractère strictement privé" à la crypte royale de Laeken. Une manière de prendre ses distances avec le geste de François.

Arrivé jeudi soir en Belgique, le pape doit conclure sa visite dimanche par une grand-messe au stade Roi Baudouin à Bruxelles, où sont attendus plus de 35.000 fidèles.


Israël : l'élimination de Nasrallah conforte Netanyahu dans sa posture va-t-en-guerre

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L'élimination par Israël du chef du Hezbollah libanais, Hassan Nasrallah, semble conforter le Premier ministre Benjamin Netanyahu dans sa posture va-t-en-guerre, face aux attaques auxquelles il fait face tant à l'étranger qu'à l'intérieur de son pays.

A l'heure où Israël affiche sa détermination à en finir avec la menace que le Hezbollah fait peser à sa frontière nord, l'Etat hébreu fait face à une pluie de critiques internationales pour ses frappes au Liban dont l'intensité s'est nettement accrue depuis une dizaine de jours, faisant craindre une guerre régionale, alors qu'il est vilipendé pour sa campagne de représailles militaires sur la bande de Gaza, jugées largement disproportionnées à l'étranger, après l'attaque sanglante lancée par le mouvement islamiste palestinien Hamas le 7 octobre.

Très impopulaire en Israël avant le début de la guerre, à cause d'un projet de réforme de la justice ayant profondément divisé le pays, M. Netanyahu fait aussi face à une contestation interne croissante.

Pas une semaine ne passe sans que des milliers manifestants l'exhortent, en vain depuis des mois, à signer un accord de trêve avec le Hamas dans la bande de Gaza qui permettrait la libération des 97 otages enlevés le 7 octobre et toujours détenus dans le petit territoire palestinien.

Mais la confirmation samedi par le Hezbollah de la mort de Nasrallah dans une frappe israélienne menée la veille sur un groupe d'immeubles de la banlieue sud de Beyrouth n'est pas de nature à attirer trop de critiques en Israël ou le chef du "Parti de Dieu" était largement honni.

- "Mesure de justice" -

Et à l'étranger, le président américain Joe Biden, grand partisan et défenseur d'Israël, qui ne cache pas son agacement depuis des mois face à l'acharnement de M. Netanyahu à poursuivre la guerre à Gaza jusqu'à l'anéantissement du Hamas, a jugé samedi que la mort de Nasrallah était "une mesure de justice pour ses nombreuses victimes parmi lesquelles des milliers de civiles américains, israéliens et libanais".

Samedi soir, M. Biden a néanmoins pressé pour un cessez-le-feu.

De retour samedi soir en Israël après un discours à la tribune des Nations unies où il a menacé la veille de frapper la République islamique d'Iran, sa bête noire, si celle-ci venait à attaquer Israël, promis de continuer à combattre le Hezbollah au Liban et donné d'autre choix au Hamas que de "se rendre, déposer les armes, et libérer les otages", M. Netanyahu a enfoncé le clou.

Avec l'élimination de Nasrallah, "nous sommes (rendus) à ce qui sera vu (plus tard) comme un tournant historique", a-t-il déclaré : "Nous sommes en train de gagner" et "nous sommes déterminés à continuer de frapper nos ennemis".

Disant agir en soutien au Hamas, le Hezbollah, patronné par l'Iran, a commencé à tirer des roquettes sur le nord d'Israël dès le 8 octobre. Plus de 11 mois d'affrontements transfrontaliers meurtriers entre la branche militaire du mouvement chiite et l'armée israélienne ont forcé le déplacement de dizaines de milliers de personnes de part et d'autre de la frontière israélo-libanaise.

Mi-septembre, le gouvernement israélien a élevé le retour chez eux des déplacés du Nord au rang des buts de guerre poursuivis par Israël.

Sur le plan intérieur, la mort de Nasrallah ne peut que renforcer la position de M. Netanyahu, estime Kobi Michael, analyste à l'Institut Misgav pour la sécurité nationale et la stratégie sioniste.

- "Très large consensus" -

"Il y a un très large consensus au sein de la société israélienne dans sa grande majorité pour résoudre le problème avec le Hezbollah", même "si cela nécessite une véritable guerre", dit-il à l'AFP alors que M. Netanyahu, poursuivi en justice pour des affaires de corruption, apparaît prisonnier de ses alliés d'extrême droite, sans lesquels il perdrait sa majorité, et qui menacent de quitter le gouvernement en cas de signature d'un cessez-le-feu avec le Hamas à Gaza ou avec le Hezbollah au Liban.

Aux yeux de James Dorsey, professeur à la S. Rajaratnam School of International Studies de Singapour, l'élimination de Nasrallah est un avertissement de taille pour les ennemis d'Israël. C'est "la cerise sur le gâteau", dit-il à l'AFP.

Désormais "si vous êtes l'Iran, si vous êtes la Syrie, (les rebelles yéménites) Houthis, (...) un groupe chiite irakien (soutenu par l'Iran), vous allez devoir regarder à votre sécurité de très près", ajoute M. Dorsey

Yossi Melman, correspondant pour les affaires de défense et de sécurité du quotidien de gauche Haaretz, estime pour sa part que l'élimination de Nasrallah est "un coup dur porté au Hezbollah".

"Néanmoins, estime-t-il dans un message sur son compte X, l'organisation va se remettre, nommer des remplaçants aussi impitoyables à sa place et à celle des autres dirigeants (du Hezbollah) éliminés" par Israël depuis juillet.

"Les tirs de missiles (sur le Nord d'Israël vont continuer et) les déplacés ne vont pas rentrer rapidement" chez eux prédit-il, "mais Netanyahu est renforcé politiquement".