AL-MOUKALLA: Au Yémen, les Houthis ont déclaré qu’ils procéderaient à la vente des propriétés saisies des partisans de l’ancien président Ali Abdallah Saleh et qu’ils utiliseraient les bénéfices pour payer les fonctionnaires après que, à Sanaa, les membres du parti de M. Saleh ont soutenu l’intensification des demandes de paiement des salaires.
Un signe indique la détérioration des relations entre les deux alliés: le chef houthi Mohammed Ali al-Houthi a annoncé samedi qu’il avait ordonné aux autorités de Sanaa la mise aux enchères des maisons et d’autres propriétés des partisans de M. Saleh et des Yéménites qui soutenaient le gouvernement internationalement reconnu à Sanaa ainsi que dans d’autres zones placées sous leur contrôle. Le but de ce gouvernement était de rémunérer les fonctionnaires qui n’ont pas été payés depuis la fin de l’année 2016.
L’ordre du chef des Houthis intervient quelques jours après que Sadeq Amine Abou Rass, le chef du parti de l’ancien président – le Congrès général du peuple –, a exprimé pour la première fois depuis des années son soutien aux revendications croissantes en matière de salaires dans la fonction publique – une déclaration qui a rendu furieux les Houthis.
«Les gens ont le droit de parler de leur salaire. Nous devons leur accorder notre compassion et leur fournir ce qui est en notre pouvoir», a lancé M. Abou Rass à l’occasion du 41e anniversaire du Congrès général du peuple, le 24 août dernier.
«Nous devons être transparents. En tant qu’État, nous devons présenter nos budgets, nos ressources ainsi que tout le reste au peuple et déclarer que ce sont nos budgets. Nous devons dire que nous avons dépensé tel montant pour l’armée et tel autre pour la sécurité.»
Les Houthis ont tué M. Saleh, un ancien allié, à la fin de l’année 2017 alors qu’il avait mené à Sanaa un bref soulèvement militaire contre eux.
Si de nombreux loyalistes de M. Saleh ont fui le harcèlement des Houthis après la mort de leur chef, d’autres, comme M. Abou Rass, sont restés à Sanaa et ils ont continué d’exercer des fonctions au sein du gouvernement houthi.
S’adressant mercredi à un rassemblement de partisans, Mehdi al-Machat, président du Conseil politique suprême des Houthis, a qualifié d’«imbéciles» Abou Rass et d’autres Yéménites qui ont demandé à leur mouvement de rémunérer les fonctionnaires. Il a affirmé que leur milice n’avait pas les moyens financiers de le faire.
Depuis l’année dernière, la pression exercée sur les Houthis pour qu’ils paient des dizaines de milliers d’employés publics placés sous leur contrôle s’est accrue. En effet, des rapports indiquent que la milice a généré des milliards de riyals de revenus grâce au port de Hodeïda pendant le cessez-le-feu négocié par l’ONU et appliqué en avril 2022.
Les enseignants de Sanaa et d’autres provinces yéménites sont en grève depuis plus d’un mois pour faire pression sur les Houthis afin qu’ils paient leurs salaires.
Les professeurs d’université des zones contrôlées par les Houthis ont également menacé de cesser d’enseigner si leurs salaires n’étaient pas payés.
Les Houthis ont répondu à ces demandes en remplaçant les instructeurs par des alliés, en agressant brutalement les journalistes et en menaçant les militants et les hommes politiques.
Les observateurs au Yémen affirment que les critiques d’Abou Rass à l’égard des Houthis signifient que le fossé se creuse entre les deux partis. Elles témoignent en outre, selon eux, du désir du Congrès général du peuple d’abandonner le camp des Houthis.
Ali al-Fakih, rédacteur en chef d’Almasdar Online, a confié à Arab News que le Congrès général du peuple, basé à Sanaa, avait utilisé les revendications salariales du public pour marquer son indépendance vis-à-vis des Houthis. Il s’est dit préoccupé par le ressentiment du public face aux salaires impayés à la lumière d’informations selon lesquelles les médiateurs régionaux et internationaux faisaient pression pour désigner le Congrès général du peuple, à Sanaa, comme une entité distincte des Houthis.
«Des efforts internationaux sont déployés pour inclure le Congrès général du peuple, à Sanaa, en tant que partie indépendante dans les négociations. Lorsque ces dernières ont lieu, le Congrès général du peuple à Sanaa fait généralement partie de la délégation des Houthis», a soutenu M. Al-Fakih.
Ce dernier a expliqué s’attendre à ce que les Houthis répondent aux critiques du Congrès général du peuple en harcelant ses membres ou en tentant de discréditer le parti, dans la mesure où leur statut de «seul» représentant des Yéménites serait miné par la participation indépendante du Congrès général du peuple au processus politique.
«Les Houthis considèrent les partis qui répondent aux préoccupations et aux demandes du peuple comme une menace», a précisé M. Al-Fakih. «En conséquence, ils continueront à fragmenter le reste du parti qui vit dans leurs régions et à restreindre ses dirigeants. Ces derniers utilisent un discours qui dépasse ce qui est autorisé.»
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com