La faim dans le monde augmente mais le financement des programmes d'aide diminue, alerte le PAM

Abdel-Mageed Yahia, directeur du bureau des Émirats arabes unis et représentant auprès du CCG, Programme alimentaire mondial des Nations Unies, lors d'une interview avec Ali Itani, directeur régional d'Arab News en français (Photo AN).
Abdel-Mageed Yahia, directeur du bureau des Émirats arabes unis et représentant auprès du CCG, Programme alimentaire mondial des Nations Unies, lors d'une interview avec Ali Itani, directeur régional d'Arab News en français (Photo AN).
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Publié le Lundi 04 septembre 2023

La faim dans le monde augmente mais le financement des programmes d'aide diminue, alerte le PAM

  • Si les changements climatiques, les guerres et les pandémies n'ont rien de nouveau, la conjonction de tous ces événements a contraint le PAM à «établir des priorités»
  • Alors que la crise soudanaise et le changement climatique font des ravages parmi les populations affamées du Sahel et de la Corne de l'Afrique, un conflit menace la sécurité alimentaire du monde entier : l'invasion de l'Ukraine par la Russie

DUBAΪ : Alors que les conflits, les catastrophes naturelles et le changement climatique frappent des régions du monde, une épidémie parallèle se propage : environ 345 millions de personnes dans 79 pays sont confrontées à une famine sévère.

Abdel-Mageed Yahia, directeur du bureau du Programme alimentaire mondial aux Émirats arabes unis et représentant de la région du Conseil de coopération du Golfe, affirme que si les besoins alimentaires ne sont pas satisfaits, ce fléau pourrait devenir catastrophique.

« Il est vrai que cette année, nous sommes confrontés à un niveau de famine sans précédent », a-t-il déclaré lors d'une interview spéciale avec Arab News Japan enregistrée à Dubaï.

« Nous avons dit que 2023 serait une année difficile, bien que nous ayons eu beaucoup de succès en 2022, lorsque nous avons pu atteindre environ 140 millions de personnes. »

Sur les plus de 340 millions de personnes confrontées à la faim dans le monde, a-t-il ajouté, 40 millions se trouvent « au niveau extrême de la faim, qui est à un pas de la famine ».

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Des jeunes filles soudanaises qui ont fui le conflit à Geneina, dans la région soudanaise du Darfour, reçoivent des portions de riz de la part de volontaires de la Croix-Rouge à Ourang, dans la banlieue d'Adre, au Tchad, le 25 juillet 2023 (Photo, Reuters).

Selon Yahia, « tout cela commence par les conflits auxquels nous assistons dans différentes parties du monde, du Moyen-Orient à l'Afrique, de la Corne de l'Afrique et du Sahel à l'Afghanistan ».

Le changement climatique joue également un rôle majeur, a-t-il ajouté : « Le ralentissement économique est une autre cause, et c'est la conséquence du Covid-19 ».

Les variations à long terme des températures et des conditions météorologiques peuvent être naturelles, mais la quasi-totalité des recherches indiquent que l'homme est le principal responsable du réchauffement de la planète au cours des 200 dernières années.

Cependant, les conflits sont le facteur « numéro un » de l'insécurité alimentaire, a affirmé Yahia.

« Je peux vous donner l'exemple du Soudan, ou, en l'espace de quatre mois seulement depuis le début du conflit, quatre millions de personnes déplacées, se sont installées ailleurs au Soudan ou ont fui le pays pour se réfugier dans les pays voisins. »

« Cela a créé un fardeau pour les pays de destination, tels que le Sud-Soudan, qui avaient déjà du mal à offrir une assistance (aux populations déplacées existantes) ».

Cette situation n'est pas propre au Soudan et à ses voisins. Yahia, qui a été représentant du PAM, directeur de pays et coordinateur d'urgence en Jordanie, responsable de l'une des plus importantes opérations d'urgence du PAM dans la région du Moyen-Orient, a une expérience de terrain en matière de crises alimentaires.

Il a souligné que l'accueil d'environ un demi-million de réfugiés syriens que le PAM soutient en Jordanie, et d'un million d'autres au Liban, ne fait qu'ajouter aux défis auxquels les pays bénéficiaires sont déjà confrontés.

Si les changements climatiques, les guerres et les pandémies n'ont rien de nouveau, la survenue de tous ces événements en même temps a contraint le PAM à « établir des priorités », a expliqué Yahia.

« En d'autres termes, il faut prendre à ceux qui ont faim pour donner à ceux qui sont affamés. C'est exactement la situation dans laquelle nous nous trouvons. Lorsque vous êtes confronté à un nombre croissant de populations ayant besoin d'une aide humanitaire d'une part et à une diminution des fonds d'autre part, c'est exactement ce que vous faites », a-t-il déclaré.

« Nous nous débattons également avec le financement, parce qu'il y a maintenant des priorités concurrentes, de l'Afghanistan au Yémen, à la Syrie, à la Corne de l'Afrique, au Sahel, au Soudan ».

Selon lui, le PAM ne sera probablement pas en mesure de réunir les 24 milliards de dollars dont il a besoin pour venir en aide à 170 millions de personnes parmi les plus vulnérables de la planète.

« Je me souviens qu'il y a une quinzaine d'années, le PAM se demandait s'il serait capable de gérer deux crises à la fois. Mais aujourd'hui, nous parlons de plus de 10 crises qui se produisent en ce moment. Et vous en voyez bien les répercussions », a poursuivi Yahia. 

« L'année dernière a été un succès, car nous avons pu récolter 14 milliards de dollars et toucher 140 millions de personnes. Mais cette année, nous estimons que nous pourrions atteindre ou même collecter 10 milliards de dollars. La situation est donc la suivante : d'un côté, la faim augmente et de l'autre, les fonds diminuent, ce qui nous met dans une situation très délicate. »

Dans ce contexte, l'Arabie saoudite est intervenue pour sauver un programme d'aide alimentaire d'une importance capitale en Jordanie. En août, le PAM a accueilli un don de 6,8 millions de dollars de KSrelief, qui a permis la poursuite de ses programmes d'aide alimentaire aux réfugiés syriens vivant dans des camps en Jordanie.

Cette dernière contribution est loin d'être la première du Royaume : depuis sa création en 2015, KSrelief a versé plus de 1,25 milliard de dollars au PAM pour des programmes dans 26 pays.

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L'afflux de personnes déplacées augmentant la demande alimentaire dans des pays déjà ravagés par la guerre, le conflit au Soudan a perturbé les chaînes d'approvisionnement et les routes commerciales essentielles (Photo, Reuters).

« Ce don a permis de sauver les opérations en Jordanie, ... la filière alimentaire que nous avons maintenue pour les réfugiés à l'intérieur des camps. Le 1er septembre, nous étions censés annoncer que nous réduisions l'assistance à la population des camps. La donation est venue à point nommé pour prêter main forte a notre opération en Jordanie et nous en observerons les effets immédiats », a précisé Yahia.

« Les réfugiés dans les camps continueront à recevoir leurs tickets ou leurs rations alimentaires de manière continue. Cependant, il y a encore d'autres réfugiés, car cette contribution est destinée aux réfugiés dans les camps. »

« Il y a des réfugiés en dehors des camps. Si nous ne recevons pas de contributions d'autres donateurs, nous serons obligés d'opter pour cette solution, ce qui est une décision très difficile à prendre. Mais la contribution saoudienne a permis de financer notre opération en Jordanie et elle est arrivée au bon moment. »

L'afflux de personnes déplacées augmentant la demande alimentaire dans des pays déjà ravagés par la guerre, le conflit au Soudan a perturbé des chaînes d'approvisionnement et des routes commerciales essentielles.

« Lorsqu'un pays traverse une telle crise, l'importation de denrées alimentaires est interrompue, les routes commerciales sont perturbées, et ainsi de suite. La situation n'est donc pas bonne. La situation n'était pas bonne même avant la crise, et maintenant elle prend une tournure résolument mauvaise » , a dit Yahia.

« Mais nous sommes présents sur le terrain. Nous avons lancé une opération transfrontalière du Tchad vers le Darfour occidental, puis nous avons atteint d'autres régions du Soudan. Avec difficulté, nous avons pu atteindre Khartoum, mais (comme je l'ai dit) avec difficulté. L'accès reste un problème pour nous ».

LA FAIM EN BREF

  • 783 millions de personnes dans le monde ne sont pas certaines de de garantir leur prochain repas
  • 345 millions de personnes confrontées à des niveaux élevés d'insécurité alimentaire dans le monde en 2023
  • 129 000 personnes au Burkina Faso, au Mali, en Somalie et au Sud-Soudan risquent de connaître la famine
  • 25,6 millions de dollars de dons saoudiens au PAM pour les réfugiés syriens dans les camps jordaniens depuis 2021

Yahia a rappelé que près de la moitié de la population soudanaise souffre d'insécurité alimentaire. La situation était déjà désastreuse avant que les violences n'éclatent entre les forces armées soudanaises et le groupe paramilitaire des Forces de soutien rapide, le 15 avril.

« Le conflit est venu ajouter de l'huile sur le feu qui brûlait déjà », a-t-il déclaré. « Le Soudan a également accueilli des réfugiés d'autres pays, malgré une situation économique (précaire). On prévoit donc que 19 millions de personnes auront besoin d'une aide humanitaire. Aujourd'hui, nous sommes confrontés à des problèmes d'accès en raison de la situation sécuritaire ».

Alors que la crise soudanaise et le changement climatique font des ravages parmi les populations affamées du Sahel et de la Corne de l'Afrique, un conflit menace la sécurité alimentaire du monde entier : l'invasion de l'Ukraine par la Russie.

Étant donné que les deux pays fournissent plus d'un quart du blé mondial - 40 % des réserves de céréales du PAM - l'invasion de 2022 risque de provoquer une pénurie alimentaire massive et une flambée des prix des denrées alimentaires dans le monde entier, en particulier pour les pays qui dépendent de l'aide alimentaire.

« Nous avons constaté, bien sûr, de fortes augmentations en avril 2022 à la suite de l'éclatement de la guerre dans ce pays, ce qui à ce moment-là (a aggravé la hausse) des coûts d'expédition en raison de l'effet de la Covid, de la perturbation de la chaîne d'approvisionnement à ce moment-là », a déclaré Yahia.

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Abdel-Mageed Yahia, directeur du bureau des Émirats arabes unis et représentant auprès du CCG, Programme alimentaire mondial des Nations Unies, lors d'une interview avec Ali Itani, directeur régional d'Arab News en français. (Photo AN)

Les prix mondiaux des denrées alimentaires sont revenus à leur niveau d'avant l'invasion, mais les conflits en cours pourraient entraîner une nouvelle détérioration de la situation de l'approvisionnement.

« Nous continuerons à observer une réduction de la production alimentaire en Ukraine parce que les agriculteurs ne peuvent pas accéder à leurs fermes à cause des mines terrestres, des problèmes d'accès aux ports, etc. »

Selon Yahia, le PAM a pu fournir environ deux milliards de repas aux Ukrainiens touchés par la guerre et a maintenu sa présence sur le terrain alors qu'un tiers des Ukrainiens sont toujours confrontés à l'insécurité alimentaire.

En juillet, la Russie s'est retirée d'un accord conclu il y a un an sous l'égide des Nations unies et de la Turquie, qui permettait d'acheminer des céréales, des denrées alimentaires, des engrais et d'autres produits de base depuis les ports ukrainiens de la mer Noire, soumis à un blocus, vers certains des pays les plus touchés par l'insécurité alimentaire dans le monde.

Selon Yahia, l'effondrement de l'accord sur les céréales et la fermeture du corridor crucial de la mer Noire pourraient avoir des effets bien au-delà des frontières de l'Ukraine. « Cela pourrait entraîner une augmentation des coûts d'expédition pour se procurer ces produits ailleurs dans le monde », a-t-il déclaré.

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Des garçons font la queue en attendant de recevoir des repas d'une cuisine caritative à Sanaa, au Yémen (Photo, Reuters).

Bien que les conflits soient la principale raison de la propagation de la faim dans le monde, le changement climatique joue également un rôle majeur dans l'insécurité alimentaire, selon Yahia, qui a plus de 30 ans d'expérience dans le domaine humanitaire et a exercé ses fonctions dans des régions dévastées par les guerres, les génocides, les famines et les catastrophes naturelles. 

Le rapport 2019 du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat « Climate Change and Land » indique que le changement climatique a déjà commencé à affecter la sécurité alimentaire, en particulier dans les régions de basse latitude et les climats arides d'Afrique.

Les sociétés pastorales, ajoute le rapport, sont particulièrement vulnérables aux effets du changement climatique.

« Le climat joue un rôle similaire à celui des conflits lorsqu'il s'agit de réduire la production alimentaire et de déplacer des populations, comme nous l'avons vu l'année dernière dans la Corne de l'Afrique, en Somalie et en Éthiopie, entre autres », a ajouté Yahia.

« Je pense que le climat joue un rôle important à cet égard. On ne peut plus en parler à huis clos. Le climat est une réalité qui affecte la sécurité alimentaire mondiale ».

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com


Survivants traumatisés et «conditions indignes»: récit de la première mission de l'ONU à El-Facher

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  • Tombée aux mains des Forces de soutien rapide (FSR) en octobre après 500 jours de siège, la ville est "le fantôme d'elle-même"
  • A sa demande, elle s'y est rendue sans escorte armée, avec une poignée de collègues

PORT-SOUDAN: Des survivants traumatisés vivant des "conditions indignes", sans eau ni assainissement: pour la première fois depuis le siège par les paramilitaires d'El-Facher dans l'ouest du Soudan, une équipe de l'ONU a pu se rendre sur place.

Tombée aux mains des Forces de soutien rapide (FSR) en octobre après 500 jours de siège, la ville est "le fantôme d'elle-même", "une scène de crime", a résumé dans un entretien lundi avec l'AFP la coordinatrice humanitaire Denise Brown, qui n'a été autorisée à passer que "quelques heures" sur place.

A sa demande, elle s'y est rendue sans escorte armée, avec une poignée de collègues.

"De larges parties de la ville sont détruites", raconte Mme Brown: El-Facher est devenue "l'un des épicentres de la souffrance humaine" dans la guerre qui oppose depuis avril 2023 l'armée régulière aux paramilitaires.

Accès "âprement négocié" 

Fin octobre, les FSR se sont emparées du dernier bastion de l'armée au Darfour lors d'une offensive sanglante marquée par des exécutions, pillages et viols.

Depuis, ils ont imposé un black-out sur la ville, l'isolant du monde. A l'exception de vidéos d'exactions publiées par les combattants eux-mêmes, suscitant l'indignation internationale, très peu d'informations ont filtré.

Plus de 107.000 personnes ont fui, selon l'Organisation mondiale pour les migrations (OIM).

Vendredi, l'équipe onusienne a pu pénétrer dans la ville après avoir "négocié âprement", explique la responsable canadienne, chargée pour le Soudan du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (Ocha).

Elle décrit des survivants "traumatisés vivant sous bâches plastiques", dans des conditions qu'elle qualifie "d'indignes et dangereuses".

Impossible de donner des chiffres à ce stade sur combien sont restés sur place. "Nous n'avons pas encore assez d'informations", dit-elle, alors que la ville comptait avant la guerre plus d'un million d'habitants.

L'équipe pouvait se déplacer librement vers les sites sélectionnés: l'hôpital saoudien, des abris de déplacés et cinq bureaux abandonnés de l'ONU.

Le complexe hospitalier, l'un des derniers en ville, "tient encore debout" avec du personnel médical sur place, mais il est à court d'antibiotiques et d'équipements, et quasi vide de patients.

"Partie émergée de l'iceberg" 

Privée d'aide humanitaire, El-Facher s'est retrouvée à court de tout pendant les 18 mois de siège.

Pour survivre, les habitants se sont résolus à manger de la nourriture pour animaux. En novembre, l'ONU y a confirmé l'état de famine.

"Un petit marché" subsiste avec de minuscules paquets de riz, des tomates, oignons et patates, quelques biscuits: "les gens n'ont pas les moyens d'acheter davantage", a-t-elle décrypté.

L'équipe "n'a pu voir aucun des détenus, et nous croyons qu'il y en a", a précisé la responsable onusienne.

"Nous n'avons vu que la partie émergée de l'iceberg", a-t-elle admis, "soucieuse" d'éviter les zones jonchées de munitions non explosées et de mines, dans un conflit qui a déjà tué 128 travailleurs humanitaires.

Les analyses d'images satellites et les témoignages recueillis par l'AFP font régulièrement état d'exactions sommaires et de fosses communes dans la ville, mais la responsable a préféré réserver ses observations aux experts des droits humains de l'ONU, qui préparent un rapport sur les atrocités à El-Facher.

La guerre au Soudan a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, déraciné 11 millions de personnes et provoqué ce que l'ONU qualifie de "pire crise humanitaire au monde".

 


Trois morts dans des manifestations des alaouites syriens contre le bombardement d'une mosquée

Des membres des forces de sécurité syriennes déployés lors de manifestations de la communauté alaouite à Lattaquié, dimanche. (Reuters)
Des membres des forces de sécurité syriennes déployés lors de manifestations de la communauté alaouite à Lattaquié, dimanche. (Reuters)
 Les alaouites syriens sont descendus dans la rue dimanche dans la ville côtière de Lattaquié pour protester contre l'attentat à la bombe contre une mosquée qui a tué huit personnes à Homs deux jours auparavant. (REUTERS)
Les alaouites syriens sont descendus dans la rue dimanche dans la ville côtière de Lattaquié pour protester contre l'attentat à la bombe contre une mosquée qui a tué huit personnes à Homs deux jours auparavant. (REUTERS)
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  • Des membres du régime de Bashar Assad ont attaqué les forces de sécurité et les civils, rapportent les médias d'État
  • Selon les autorités sanitaires, des dizaines de personnes ont été soignées pour des blessures causées par des coups de feu, des couteaux et des pierres

LATTAKIEH: Trois personnes ont été tuées et des dizaines d'autres blessées lors des manifestations des Alaouites de Syrie dans la ville côtière de Lattaquié dimanche.

Les responsables de la sécurité ont déclaré que les restes du régime de Bashar Assad ont attaqué les forces de sécurité et les civils lors des manifestations, a rapporté l'agence de presse nationale syrienne SANA.

Les autorités sanitaires régionales ont déclaré que 60 personnes avaient été blessées et que les hôpitaux traitaient les victimes pour des blessures causées par des coups de feu, des couteaux et des pierres.

Deux ambulances ont été attaquées alors qu'elles intervenaient sur les lieux des incidents.

Le colonel Abdulaziz Al-Ahmad, chef de la sécurité intérieure à Lattaquié, a déclaré que des "éléments liés aux vestiges du régime déchu" participant aux manifestations ont attaqué le personnel de la sécurité intérieure, faisant plusieurs blessés et endommageant des véhicules.

Les manifestations ont eu lieu en réponse à l'attentat à la bombe contre une mosquée qui a tué huit personnes dans un quartier alaouite de la ville de Homs deux jours auparavant.

M. Assad a été chassé du pouvoir il y a un an, après qu'une offensive des forces d'opposition a mis fin à la guerre civile qui a décimé le pays.

Le nouveau président, Ahmad Al-Sharaa, s'efforce de stabiliser le pays, mais il y a eu des flambées de violence sectaire.

Les représentants du gouvernement affirment que les groupes restés fidèles au régime d'Assad, qui était dominé par la minorité alaouite, ont tenté d'inciter à la violence en utilisant les manifestations civiles comme couverture pour cibler le personnel de sécurité et endommager les biens publics.

Le colonel Al-Ahmad a déclaré que des individus armés et masqués affiliés à des groupes connus sous le nom de "Saraya Deraa Al-Sahel" et "Saraya Al-Jawad" étaient présents lors des manifestations de dimanche. Ces groupes ont déjà perpétré des assassinats ciblés et posé des explosifs le long d'axes routiers importants.

Des milliers de personnes ont participé aux manifestations de dimanche organisées par une autorité religieuse en réponse à l'attaque de la mosquée, a rapporté l'AFP.

Les forces syriennes ont ensuite été déployées pour disperser les partisans du gouvernement, selon un correspondant de l'AFP.

Les manifestations de dimanche ont été organisées à l'appel du chef spirituel alaouite Ghazal Ghazal, qui a exhorté samedi la population à "montrer au monde que la communauté alaouite ne peut être humiliée ou marginalisée" après l'attentat à la bombe de Homs.

L'attentat de vendredi a été revendiqué par un groupe extrémiste connu sous le nom de Saraya Ansar Al-Sunna.

Il s'agit de la dernière attaque en date contre cette minorité religieuse, qui est la cible de violences depuis la chute, en décembre 2024, de M. Assad, lui-même alaouite.


Le pari israélien sur le Somaliland : quels risques pour la région?

Israël a officiellement reconnu le Somaliland le 26 décembre, brisant ainsi des décennies de consensus international sur l'intégrité territoriale de la Somalie. (Fourni)
Israël a officiellement reconnu le Somaliland le 26 décembre, brisant ainsi des décennies de consensus international sur l'intégrité territoriale de la Somalie. (Fourni)
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  • La situation stratégique du Somaliland près du Bab Al-Mandab fait craindre qu'une présence sécuritaire israélienne ne transforme la mer Rouge en poudrière
  • Les critiques soutiennent que la décision ravive la stratégie israélienne de "périphérie", encourageant la fragmentation des États arabes et musulmans pour un avantage stratégique

RIYAD: Les observateurs régionaux chevronnés ne seront peut-être pas surpris d'apprendre qu'Israël est devenu le premier et le seul État membre des Nations unies à reconnaître officiellement la République du Somaliland comme une nation indépendante et souveraine.

Le 26 décembre, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le ministre des affaires étrangères Gideon Sa'ar ont signé une déclaration commune de reconnaissance mutuelle avec le président du Somaliland, Abdirahman Mohamed Abdullahi.

Pour une région qui a existé dans un état de flou diplomatique depuis qu'elle a déclaré son indépendance de la Somalie en 1991, ce développement est, comme l'a décrit M. Abdullahi, "un moment historique". Mais sous la surface se cache un pari géopolitique calculé et à fort enjeu.

Si plusieurs pays, dont le Royaume-Uni, l'Éthiopie, la Turquie et les Émirats arabes unis, ont ouvert des bureaux de liaison dans la capitale, Hargeisa, aucun n'a voulu franchir le Rubicon de la reconnaissance officielle de l'État.


Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, assisté du ministre des affaires étrangères Gideon Sa'ar, signe le document reconnaissant officiellement la région séparatiste du Somaliland, le 26 décembre 2025. (AFP)
La décision d'Israël de rompre ce consensus international vieux de plusieurs décennies constitue une rupture délibérée avec le statu quo.

En prenant cette mesure, Israël s'est positionné comme le principal bienfaiteur d'un État qui cherche depuis longtemps à s'asseoir à la table internationale. Comme l'a déclaré à Arab News Dya-Eddine Said Bamakhrama, ambassadeur de Djibouti en Arabie saoudite, une telle décision est profondément perturbatrice.

"Une déclaration unilatérale de séparation n'est ni un acte purement juridique ni un acte politique isolé. Au contraire, elle entraîne de profondes conséquences structurelles, au premier rang desquelles l'aggravation des divisions internes et des rivalités entre les citoyens d'une même nation, l'érosion du tissu social et politique de l'État et l'ouverture de la porte à des conflits prolongés", a-t-il déclaré.

Les critiques affirment qu'Israël fait depuis longtemps pression pour un nouveau découpage de la région sous diverses formes.

La reconnaissance du Somaliland est considérée par beaucoup dans le monde arabe comme la poursuite d'une stratégie visant à affaiblir les États arabes et musulmans centralisés en encourageant les mouvements sécessionnistes périphériques.
Dans le contexte somalien, cette voie est perçue non pas comme un geste humanitaire, mais comme une méthode visant à saper les accords nationaux conclus dans le cadre d'une Somalie fédérale.

Selon l'ambassadeur Bamakhrama, la communauté internationale s'est toujours opposée à de telles initiatives afin de donner la priorité à la stabilité régionale plutôt qu'aux "tendances séparatistes dont l'histoire a maintes fois démontré les dangers et les coûts élevés".

En ignorant ce précédent, Israël est accusé d'utiliser la reconnaissance comme un outil pour fragmenter la cohésion régionale.

Par le passé, Israël a souvent justifié son soutien à des acteurs non étatiques ou à des groupes séparatistes en prétextant la protection de minorités vulnérables, comme les Druzes au Levant ou les Maronites au Liban.

Cette "doctrine de la périphérie" avait un double objectif : elle créait des alliés régionaux et soutenait la revendication d'Israël en tant qu'État juif en validant l'idée d'autodétermination ethnique ou religieuse.

Toutefois, dans le cas du Somaliland, les gants ne sont plus du tout de mise. Il ne s'agit pas ici de protéger une minorité religieuse, puisque le Somaliland est un territoire à forte majorité musulmane. Il s'agit plutôt d'un raisonnement purement géopolitique.

Israël semble rechercher une profondeur stratégique dans une région où il a toujours été isolé. M. Netanyahu a explicitement lié cette initiative à "l'esprit des accords d'Abraham", indiquant que les principaux moteurs sont la sécurité, le contrôle maritime et la collecte de renseignements plutôt que la démographie interne de la Corne de l'Afrique.

La première grande victoire d'Israël dans cette manœuvre est l'élargissement de son orbite diplomatique. On pourrait faire valoir que le refus du gouvernement fédéral de Mogadiscio d'adhérer aux accords d'Abraham constituait une barrière artificielle.


Des habitants brandissent des drapeaux du Somaliland alors qu'ils se rassemblent dans le centre-ville d'Hargeisa le 26 décembre 2025, pour célébrer l'annonce d'Israël reconnaissant le statut d'État du Somaliland. (AFP)
La preuve de cette affirmation, du point de vue israélien, est que le Somaliland - un territoire comptant près de six millions d'habitants et doté de ses propres institutions démocratiques - était désireux d'adhérer à l'accord.

M. Abdullahi a déclaré que le Somaliland rejoindrait les accords d'Abraham en tant que "pas vers la paix régionale et mondiale". Toutefois, cette paix s'accompagne d'une contrepartie évidente : la reconnaissance officielle.

Israël peut désormais affirmer que le "modèle du Somaliland" prouve que de nombreuses autres entités arabes et musulmanes sont disposées à normaliser leurs relations si leurs intérêts politiques ou territoriaux spécifiques sont satisfaits.

Cela remet en question la position unifiée de la Ligue arabe et de l'Organisation de la coopération islamique, qui maintiennent que la normalisation doit être liée à la résolution du conflit palestinien.


Le deuxième gain majeur pour Israël est la possibilité d'une présence militaire dans la Corne de l'Afrique. La position stratégique du Somaliland dans le golfe d'Aden, près du détroit de Bab Al-Mandab, en fait un lieu privilégié pour la surveillance du trafic maritime.

Il s'agit d'une bombe à retardement étant donné que de l'autre côté de cette mer étroite se trouve le Yémen, où le mouvement Houthi - dont le slogan est "Mort à Israël" - contrôle un territoire important.

Israël peut prétendre qu'une présence militaire ou de renseignement au Somaliland renforcera la sécurité régionale en contrant les menaces des Houthis sur la navigation. Toutefois, les voisins de la région craignent que cette présence n'attise les tensions.

L'ambassadeur Bamakhrama a prévenu qu'une présence militaire israélienne "transformerait effectivement la région en une poudrière".


"Si Israël décidait d'établir une base militaire dans un endroit géopolitiquement sensible, cela serait perçu à Tel-Aviv comme un gain stratégique dirigé contre les États arabes bordant la mer Rouge, à savoir l'Égypte, l'Arabie saoudite, la Somalie, le Yémen, le Soudan et Djibouti", a-t-il déclaré.

La mer Rouge est un "corridor maritime international vital" et toute modification de son équilibre géopolitique aurait des "répercussions bien au-delà de la région", a-t-il ajouté.

Cette reconnaissance constitue également une violation flagrante du droit international et du principe d'intégrité territoriale inscrit dans la Charte des Nations unies.

Si les partisans de la reconnaissance font état d'exceptions telles que le Sud-Soudan ou le Kosovo, il n'en reste pas moins que ces cas impliquaient des circonstances très différentes, notamment des conflits génocidaires prolongés et de vastes transitions sous l'égide des Nations unies.

En revanche, l'Union africaine a toujours affirmé que le Somaliland faisait partie intégrante de la Somalie.
 

La réaction a été rapide et sévère. La Ligue arabe, le Conseil de coopération du Golfe et l'OCI ont tous décrié cette décision. Même le président américain Donald Trump, qui a pourtant joué un rôle dans les accords d'Abraham, n'a pas approuvé la décision d'Israël.

Lorsqu'on lui a demandé si Washington suivrait le mouvement, M. Trump a répondu par un "non" catégorique, ajoutant : "Est-ce que quelqu'un sait vraiment ce qu'est le Somaliland ?"

Ce manque de soutien de la part de Washington souligne l'isolement de la position d'Israël. L'OCI et les ministres des affaires étrangères de 21 pays ont publié une déclaration commune mettant en garde contre de "graves répercussions" et rejetant tout lien potentiel entre cette reconnaissance et les projets de déplacement des Palestiniens de Gaza vers la région africaine.

La reconnaissance du Somaliland par Israël semble être un pari calculé visant à échanger des normes diplomatiques contre un avantage stratégique.

Alors que Hargeisa célèbre une étape longtemps attendue, le reste du monde y voit un dangereux précédent qui menace de déstabiliser l'un des couloirs les plus instables du monde.

Comme le dit l'ambassadeur Bamakhrama, l'établissement de tels liens "ferait d'Israël le premier et le seul État à rompre avec le consensus international" - une décision qui donne la priorité à des "calculs stratégiques étroits" plutôt qu'à la stabilité du système international.