ISLAMABAD: Un tribunal d'Islamabad a suspendu mardi la condamnation à trois ans de prison pour corruption de l'ancien Premier ministre pakistanais Imran Khan, selon ses avocats, mais celui-ci ne sera pas immédiatement libéré car il a été écroué dans un autre dossier.
Imran Khan, chassé du pouvoir par une motion de censure en avril 2022, avait été condamné le 5 août à trois ans de prison pour corruption, et immédiatement emprisonné à Attock, à environ 60 kilomètres de la capitale.
La Commission électorale l'avait écarté quelques jours plus tard pour ce motif de toute participation à des scrutins électoraux pendant cinq ans.
"Le tribunal a accepté notre requête, ce qui revient à suspendre" la condamnation et il a ordonné la remise en liberté de l'ex-Premier ministre, a indiqué à l'AFP l'un de ses avocats, Gohar Khan.
Mais Imran Khan, qui est poursuivi dans plus de 200 affaires, ne sera pas relâché dans l'immédiat, car il a été écroué par un autre tribunal pour avoir divulgué des secrets d'Etat, ce dont ses conseils juridiques n'avaient pas été informés avant l'audience de mardi.
"Cela constitue une manipulation de la justice", a dénoncé auprès de l'AFP un autre de ses avocats, Muhammad Shoaib Shaheen.
"Il a été arrêté avant la décision judiciaire d'aujourd'hui. La date exacte de son arrestation reste obscure", a expliqué Gohar Khan, déplorant que ses avocats n'aient "pas reçu l'information de son arrestation, ce qui le prive d'un accès convenable au système judiciaire."
Imran Khan, 70 ans, est accusé d'avoir divulgué le contenu d'un câble diplomatique de l'ambassadeur pakistanais aux Etats-Unis et de l'avoir exploité politiquement.
Il avait affirmé que ce message prouvait que les Etats-Unis avaient ourdi une conspiration pour l'évincer du pouvoir. L'accusation a été jugée fantaisiste par Washington.
Il doit comparaître mercredi devant le tribunal spécial qui l'a écroué dans ce dossier, lequel a aussi valu au vice-président de son parti, l'ancien ministre des Affaires étrangères Shah Mehmood Qureshi, d'être placé en détention.
M. Khan, une ancienne star de cricket reconvertie en politique, est poursuivi dans plus de 200 affaires, qu'il considère comme étant motivées par des considérations politiques visant à l'empêcher de se représenter.
Critiques contre l'armée
M. Khan, 70 ans, est l'homme politique le plus populaire du Pakistan et accuse l'armée de chercher à l'empêcher de prendre part aux prochaines élections.
Il avait déjà été arrêté pour corruption en mai, et détenu pendant trois jours avant d'être libéré.
Son arrestation avait déclenché de violents affrontements entre les forces de l'ordre et ses partisans, qui avaient fait au moins neuf morts.
À la suite de sa libération, son parti, le Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI), a été la cible d'une campagne de répression avec des milliers d'arrestations, des actes d'intimidation et le musellement de la presse.
M. Khan avait accédé au pouvoir en 2018 grâce à une vague de soutien populaire, à un manifeste anticorruption et au soutien de la puissante armée pakistanaise.
Lorsqu'il a été évincé, les analystes ont expliqué que c'était parce qu'il avait perdu le soutien des principaux généraux.
Après son éviction, M. Khan avait d'ailleurs émis des critiques sans précédent contre l'armée.
Il a plusieurs fois accusé un officier supérieur d'avoir comploté pour l'assassiner en novembre lors d'un meeting électoral, où il avait été blessé par balle à une jambe.
Les critiques directes à l'encontre de l'armée sont rares au Pakistan, car considérées comme une ligne rouge à ne pas dépasser, au risque de se retrouver dans le viseur de l'appareil sécuritaire.
Ce scrutin doit avoir lieu dans les 90 jours après la dissolution, selon la Constitution. Mais le gouvernement a laissé entendre qu'il pourrait être repoussé, car la commission électorale a besoin de temps pour redessiner les limites des circonscriptions électorales après la publication des données du dernier recensement effectué en mai.