PARIS: Trois mois après avoir remporté la Palme d'or, "Anatomie d'une chute", de la réalisatrice française Justine Triet, sort mercredi dans les salles obscures.
Film de procès, pensé initialement comme une série, "Anatomie d'une chute" prend son temps (02H32) pour décortiquer méticuleusement les rapports de force et de domination au sein d'un couple d'artistes aisés.
S'inspirant de faits divers, la réalisatrice Justine Triet retrace le procès d'une autrice allemande (l'actrice Sandra Hüller) accusée aux assises du meurtre de son mari, dans leur chalet des Alpes françaises.
En l'absence de témoin, si ce n'est leur fils, un enfant malvoyant, la justice va disséquer la vie du couple dont les disputes étaient enregistrées par le mari. Et révéler tous les rapports de pouvoir, névroses et failles cachées.
"C'est un film plus ample qu'un film de procès", a expliqué à l'AFP, à l'occasion du festival de Cannes, la réalisatrice de 45 ans remarquée avec "Sibyl" ou "Victoria". Dans "Anatomie d'une chute", elle "explore une nouvelle fois la famille et le couple: comment on est ensemble? Qu'est-ce qu'on se donne? Qu'est-ce qu'on se doit?".
Un film puzzle
"Anatomie d'une chute", dont le scénario a été co-écrit par la réalisatrice et son compagnon, l'acteur et réalisateur Arthur Harari, repose sur une déconstruction cérébrale des mécanismes du couple et de la justice.
Au-delà de la reconstitution du drame, pour savoir s'il s'agit d'un meurtre ou d'un suicide, le film expose une multitude de rapports de force: le jeu entre les langues -l'allemand maternel du personnage principal, l'anglais pour communiquer et le français parlé au procès-, la séduction au sein du couple, la rivalité entre les partenaires quand l'un a plus de succès que l'autre...
Justine Triet dit l'avoir construit comme "un puzzle", dans lequel le spectateur est projeté dès la première scène et dont il ne comprend que tardivement le sens. "Ce film, c'est comme rentrer dans le cerveau de cette femme, essayer de comprendre qui elle est comme femme, comme mère, comme artiste", avec ses failles, explique la réalisatrice.
Les scènes de procès sont centrales, portées par l'affrontement entre l'avocat général, joué par Antoine Reinartz, et l'avocat de l'accusée (Swann Arlaud). La réalisatrice avait très envie de filmer la justice: "Le procès, c'est un endroit où on délire sur la vie des gens, où la parole est déformée. C'est le lieu où la fiction démarre."