L'État colonisateur mène une guerre contre les Palestiniens. C'est le processus qui définit cette coalition israélienne extrémiste qui s'appuie de plus en plus sur les crimes de ses prédécesseurs. Une coalition dominée par les colons est en train de mettre au point ce qui, pour eux, sera la défaite totale et définitive de ce que le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, a qualifié de manière désobligeante dans une récente interview de «chose palestinienne», comme si les Palestiniens étaient de petites mouches irritantes qu'il s’agissait d’écraser. Le langage militaire officiel pour désigner les rues de Hébron où les Palestiniens n'ont pas le droit de conduire ou de marcher est «stérile».
Les groupes de colons sont engagés dans leur propre processus de «stérilisation» avec le soutien total de l'État et de l'armée. Ce processus a servi leur vision déformée du monde. Selon les Nations unies, les communautés rurales palestiniennes succombent de plus en plus à la coercition des colons. Jusqu'à présent, en 2023, au moins 478 Palestiniens, dont 257 enfants, ont abandonné leurs communautés, incapables de faire face à la pression intense, au harcèlement et à la violence.
La dernière communauté à avoir quitté les lieux est celle de Ras al-Tin, le 3 août. Elle était proche d'une autre communauté qui avait évacué Ein Samiya au mois de mai. Les colons installés dans les avant-postes illégaux voisins ont délibérément tenté de nettoyer ces terres situées au nord-est de Ramallah. D'ici peu, les colonies accapareront ces terres et continueront leur expansion inexorable. Avec 22 de ces avant-postes illégaux légalisés depuis le début de l'année, il faut s'attendre à une recrudescence des attaques contre les Palestiniens, les colons accélérant la transformation de quelques caravanes en villes importantes.
Les résidents palestiniens m'ont dit à plusieurs reprises que le facteur déterminant dans de telles situations était les enfants. Les colons, qui le savent, veillent à ce que ces derniers soient témoins d'actes de violence à l'encontre de leur famille. Terrifiés, ils commencent à supplier de partir.
Qui sont les cibles des groupes de colons? Soyons clairs, la violence n'est pas aléatoire. Elle a des objectifs spécifiques qui la différencient des simples actes de brutalité et de banditisme. Des zones spécifiques doivent être vidées – «stérilisées» – pour que d'ambitieux projets de colonisation puissent progresser.
Plus de 200 villages palestiniens que les colons voudraient voir nettoyés n'ont pas accès à l'eau courante.
Chris Doyle
Les éleveurs palestiniens constituent depuis longtemps une cible. Les colons estiment que ces communautés, qui pâturent d'importantes parcelles de terre, représentent un danger pour leur projet. Avec l'aide des autorités d'occupation, leur espace disponible a été délibérément réduit grâce à diverses techniques, notamment la création de zones militaires et de réserves naturelles.
La restriction de l'eau est une autre tactique dévastatrice. Les colonies s'emparent de l'eau et les colons de sources vitales. J'ai rencontré des dizaines de communautés dans desquelles les habitants vous parlent tous du peu de terres qu'il leur reste à pâturer et du nombre de moutons et de chèvres qu'ils ont été contraints de vendre pour survivre. Leur mode de vie a été rendu presque impossible dans l’ensemble des communautés de Cisjordanie.
Les agriculteurs palestiniens sont également dans la ligne de mire des colons. Ils ont généralement des droits plus établis sur les terres qu'ils cultivent, de sorte que les groupes de colons ont souvent eu recours à la violence et à la force. Les incendies de cultures, y compris d'oliviers, sont de plus en plus fréquents. Ceux des véhicules et des machines agricoles ont un coût prohibitif pour les agriculteurs palestiniens déjà appauvris.
L'État israélien ne ferme pas les yeux. Il s'attache à développer le projet des colons et à s'assurer qu'ils gagnent cette guerre. Les terres palestiniennes sont confisquées, les maisons démolies et les colons protégés. Les terres palestiniennes sont souvent déclarées zone militaire fermée et, dans certaines régions, les villages palestiniens sont vidés pendant plusieurs jours afin que les soldats israéliens puissent effectuer des exercices militaires. Surtout, les autorités israéliennes privent les Palestiniens d'un approvisionnement équitable en eau. Plus de 200 villages palestiniens que le mouvement des colons voudrait voir nettoyés n'ont pas accès à l'eau courante.
Il faudrait que la communauté internationale insiste, à grand renfort de sanctions, pour que ces communautés chassées de leurs terres puissent y retourner. Elles doivent également être autorisées à vivre dans la sécurité et la dignité, à l'abri des menaces violentes et des intimidations et avec un accès adéquat aux services et à l'eau.
Les États-Unis ont commencé, tardivement ,à prendre la bonne direction, avant la plupart de leurs partenaires européens. Ils ont commencé à utiliser l'expression «terrorisme des colons». Les réserves majeures concernant l'utilisation excessive du terme «terrorisme» sont justifiées, notamment en ce qui concerne les questions de définition. Si un État ou une puissance peut qualifier ses opposants de «terroristes», le débat critique sur la question est trop souvent réduit à néant. Pourtant, selon toute norme raisonnable, l'utilisation de la violence à des fins politiques manifestes, en violation du droit international contre une population vivant sous occupation, doit être considérée comme un acte terroriste.
Les dirigeants des colonies qui incitent à la violence ou participent à des attaques ne devraient pas obtenir de visas pour d'autres pays.
Chris Doyle
Lorsque des colons incendient des voitures, des entreprises et des oliveraies pour chasser les Palestiniens de leurs terres, ces actions peuvent certainement être qualifiées de terroristes. Lorsque ces actions sont coordonnées et mises en œuvre par des groupes de colons spécifiques, ne devraient-elles pas être assimilées à des organisations terroristes, et leurs ailes politiques ?
Comme c'est souvent le cas, en Israël même, le terme «terroriste» est appliqué plus souvent que dans les coulisses internationales du pouvoir. En juin dernier, les chefs de la sécurité israélienne, en désaccord avec leurs maîtres politiques, ont qualifié les attaques des colons de «terrorisme nationaliste». Combien d'hommes d'État internationaux ont osé utiliser ce terme? Le contraste est saisissant avec le ministre israélien de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir. Après l'assassinat d'un Palestinien par un colon à Burqa au cours de ce mois, il a qualifié de «héros» les colons qui ont tué des Palestiniens. Les colons peuvent attaquer, les Palestiniens ne sont pas autorisés à se défendre.
Dans cette logique, les groupes terroristes de colons devraient être interdits. Pourquoi seraient-ils autorisés à opérer au niveau international, à collecter des fonds et à promouvoir l'exploitation coloniale des terres palestiniennes sans qu’il y ait de conséquences? Les dirigeants des colons qui incitent à la violence ou participent à des attaques ne devraient pas obtenir de visas pour d'autres pays.
Le deuxième terme à utiliser est celui de «nettoyage ethnique». Il s'agit d'une caractéristique de la Nakba palestinienne tout au long de ses soixante-quinze années d'existence. Les Palestiniens ont toujours été chassés de leurs terres. Ce à quoi le monde assiste aujourd'hui est la poursuite de ce processus au vu et au su de tous. Les mesures coercitives qui contraignent les Palestiniens à quitter leurs maisons et leurs terres constituent incontestablement un acte de nettoyage ethnique et il convient de le clamer haut et fort dans le monde entier.
En l'absence d'action significative – et l'histoire n'incite pas à l'optimisme –, cette épuration ethnique ne va pas seulement se poursuivre, mais s'accélérer dans le cadre de la guerre des colons. Les organisations de colons profiteront de toutes les occasions qui se présenteront à eux tant que cette coalition sera au pouvoir pour intensifier cette action et écraser les Palestiniens dans des bidonvilles toujours plus surpeuplés et appauvris. Même dans ce cas, de nombreux colons extrémistes espèrent encourager le plus grand nombre possible de Palestiniens à fuir non seulement leurs villages, mais aussi la Cisjordanie elle-même.
Chris Doyle, directeur du Conseil pour la compréhension arabo-britannique, habite à Londres. Il travaille avec le conseil depuis 1993, après avoir obtenu un diplôme avec mention en études arabes et islamiques à l'université d'Exeter. Il a organisé et accompagné de nombreuses délégations parlementaires britanniques dans les pays arabes.
Twitter: @Doylech
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com