Des policiers en garde à vue après le décès d'un homme en marge des émeutes à Marseille

Des policiers français se tiennent à l'entrée du tribunal d'Aix-en-Provence, à Marseille, le 3 août 2023. (Photo d'illustration/AFP).
Des policiers français se tiennent à l'entrée du tribunal d'Aix-en-Provence, à Marseille, le 3 août 2023. (Photo d'illustration/AFP).
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Publié le Mardi 08 août 2023

Des policiers en garde à vue après le décès d'un homme en marge des émeutes à Marseille

  • Au total, cinq policiers avaient été placés en garde à vue mardi matin
  • Dans la soirée, le parquet de Marseille a indiqué que les gardes à vue de deux d'entre eux étaient levées

MARSEILLE: Nouveaux soupçons de violences policières à Marseille: trois policiers du Raid, une unité d'élite, restent placés en garde à vue mardi dans une enquête sur la mort d'un homme de 27 ans en marge des émeutes début juillet.

Au total, cinq policiers avaient été placés en garde à vue mardi matin. Dans la soirée, le parquet de Marseille a indiqué que les gardes à vue de deux d'entre eux étaient levées.

Décédé dans la nuit du 1er au 2 juillet à Marseille, Mohamed Bendriss est le seul mort recensé à ce jour en marge de cet épisode de violences urbaines qui s'était déclenché dans plusieurs villes de France et sur plusieurs jours à la suite du décès du jeune Nahel, tué par un policier lors d'un contrôle routier à Nanterre fin juin.

Le parquet estimait fin juillet "probable" que le décès de cet homme ait été "causé par un choc violent au niveau du thorax causé par le tir d'un projectile de +type Flash-Ball+" (autre nom du LBD).

"Ces gardes à vue interviennent sur commission rogatoire du juge d'instruction", a expliqué le parquet de Marseille, ajoutant que d'autres policiers ont également été convoqués pour être entendus comme "témoins".

Début juillet, alors que le centre de Marseille était en proie à des dégradations et pillages, Mohamed Bendriss, 27 ans, avait perdu la vie après un malaise alors qu'il circulait à scooter.

C'est lors de l'autopsie du corps de cet homme marié, père d'un enfant et dont la veuve attend un deuxième enfant, qu'avait été repérée sur sa poitrine la trace de ce qui pourrait être l'impact d'un tir de LBD (lanceur de balle de défense).

«Coups mortels»

Le 4 juillet, une information judiciaire était ouverte pour "coups mortels avec arme" et confiée à la police judiciaire et à l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), la police des polices.

Quelque 200 personnes s'étaient rassemblées pour une marche blanche le 6 juillet à la cité Air Bel, à Marseille, au pied de l'immeuble où vit la veuve de Mohamed.

"La famille de Mohamed est dans l'espoir que les policiers soient identifiés et poursuivis", a déclaré à l'AFP Arié Alimi, avocat de la femme de M. Bendriss.

"Il est incontestable aujourd'hui que ni Abdelkarim (un jeune homme éborgné à Marseille, NDLR) ni Mohamed aient commis des dégradations ou violences qui puissent justifier ces crimes de policiers sur eux", a-t-il ajouté.

Jusqu'ici, peu d'éléments avaient filtré concernant le décès de Mohamed Bendriss et son cas était passé dans l'ombre d'une autre affaire survenue la même nuit en marge des émeutes, celle d'Hedi.

Darmanin à Marseille

Après avoir reçu lui aussi un tir de LBD, mais au niveau de la tête, ce jeune homme de 22 ans avait été passé à tabac à Marseille et une partie de son crâne a dû être amputée.

Le 21 juillet, quatre policiers de la brigade anticriminalité de Marseille avaient été mis en examen du chef de "violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) supérieure à 8 jours" aggravées par trois circonstances en ce qu’elles ont été "commises en réunion, avec usage ou menace d’une arme et par personne dépositaire de l’autorité publique dans l’exercice de ses fonctions".

Trois avaient été placés sous contrôle judiciaire et un placé en détention provisoire, où il se trouve encore après le rejet de son appel début août.

Cette détention provisoire avait déclenché une fronde dans certains commissariats, des policiers se mettant en arrêt maladie ou n'effectuant qu'un service minimum.

Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin s'est d'ailleurs discrètement rendu mardi dans un commissariat de Marseille pour échanger avec les fonctionnaires, a appris l'AFP de source policière. Il a félicité les fonctionnaires pour une saisie de cannabis, ce qui a été "bien reçu" dans les rangs, selon le syndicat SGP Unité FO à Marseille. Il a ensuite "de manière informelle" échangé durant une heure avec une soixantaine de policiers, selon la source.

Une troisième affaire concernant une plainte à l'encontre de policiers est toujours en cours d'instruction à Marseille: Abdelkarim Y., 22 ans, se dit victime d'un tir de LBD de policiers dans la nuit du 30 juin au 1er juillet. Cousin de Mohamed Bendriss, il a perdu l'usage de son oeil et présente "une fracture du nez très importante", selon M. Alimi, qui défend aussi son cas.

Le parquet a ouvert une enquête préliminaire du chef de "violences volontaires en réunion ayant entraîné une mutilation ou infirmité permanente par personne dépositaire de l’autorité publique et avec arme".


Relations UE/Chine: Macron insiste sur la protection des «intérêts stratégiques» de l'Europe

Le président français Emmanuel Macron (CL) serre la main du Premier ministre japonais Fumio Kishida (Photo, AFP).
Le président français Emmanuel Macron (CL) serre la main du Premier ministre japonais Fumio Kishida (Photo, AFP).
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  • La visite d'Etat de XI Jinping vise à célébrer 60 ans de relations diplomatiques bilatérales
  • Les grandes crises internationales, et notamment la guerre en Ukraine, devraient également être au menu des discussions franco-chinoises

PARIS: L'Europe doit défendre ses "intérêts stratégiques" dans ses relations économiques avec la Chine, a déclaré jeudi le président Emmanuel Macron dans une interview à The Economist, à quelques jours d'une visite d'Etat en France du président chinois XI Jinping.

"Il faut être d'un grand pragmatisme et regarder cette question avec nos intérêts stratégiques", dit le chef d'Etat français, interrogé sur l'ouverture ou non du marché européen à la Chine.

"C'est un de mes objectifs principaux en accueillant le président Xi Jinping, il faut tout faire pour engager la Chine sur les grandes questions mondiales et avoir un échange sur nos relations économiques qui reposent sur la réciprocité", ajoute le président, qui accueillera son homologue chinois les 6 et 7 mai.

Et de citer le cas des voitures électriques chinoises, selon lui "taxées à 10%" sur le marché européen alors que leur production est "massivement aidée" par l'exécutif chinois. A l'inverse, les véhicules électriques européens, pour lesquels "l'Europe a des règles qui limitent les aides" à leurs producteurs, sont "taxés à 15%" sur le marché chinois.

Plan

"Aujourd'hui nous devons avoir sur le plan commercial avec la Chine un comportement respectueux, mais de défense de nos intérêts, de réciprocité et de sécurité nationale", insiste M. Macron, qui dit soutenir les enquêtes ouvertes par la Commission européenne sur le véhicule électrique, le photovoltaïque, l'éolien concernant des subventions chinoises soupçonnées de fausser la concurrence.

"Il ne faut pas oublier les enjeux de sécurité nationale", souligne M. Macron. "Il y a de nombreux secteurs pour lesquels la Chine exige que les producteurs soient chinois, parce qu'ils sont trop sensibles. Eh bien nous Européens, nous devons pouvoir faire la même chose."

La visite d'Etat de XI Jinping vise à célébrer 60 ans de relations diplomatiques bilatérales. Il s'agira du début de sa première tournée européenne depuis la pandémie de Covid-19, qui avait vu le géant asiatique couper longuement nombre d'interactions avec le reste du monde.

Les grandes crises internationales, et notamment la guerre en Ukraine, devraient également être au menu des discussions franco-chinoises.

"Notre intérêt est d'obtenir de la Chine qu'elle pèse pour la stabilité de l'ordre international. Ce n'est pas l'intérêt de la Chine aujourd'hui d'avoir une Russie déstabilisatrice de l'ordre international, d'avoir un Iran qui peut se doter de l'arme nucléaire et d'avoir un Moyen-Orient plongeant dans une forme de chaos. Il faut donc travailler avec la Chine pour construire la paix", affirme M. Macron.


Ukraine: Macron assume à nouveau la possibilité d'envoyer des troupes occidentales au sol

Le président français Emmanuel Macron (Photo, AFP).
Le président français Emmanuel Macron (Photo, AFP).
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  • Macron a créé la controverse fin février en affirmant que l'envoi de troupes occidentales sur le sol ukrainien ne devait pas «être exclu»
  • Ce débat doit dépasser l'Union européenne, avance encore le président français

PARIS: Emmanuel Macron a détaillé, dans The Economist, son plan pour éviter une mort "brutale" de l'Europe, assumant au passage sa position controversée sur la possibilité d'envoyer des troupes au sol en Ukraine, si Moscou allait "percer les lignes de front".

"Si les Russes devaient aller percer les lignes de front, s'il y avait une demande ukrainienne – ce qui n'est pas le cas aujourd'hui – on devrait légitimement se poser la question", a dit le président français dans un long entretien publié jeudi par l'hebdomadaire britannique.

Le chef de l'Etat français a créé la controverse fin février en affirmant que l'envoi de troupes occidentales sur le sol ukrainien ne devait pas "être exclu" à l'avenir. La plupart des pays européens, ainsi que les Etats-Unis, s'étaient nettement démarqués, même si certains ont depuis fait un pas en sa direction.

Dans The Economist, Emmanuel Macron affirme que la Russie "est rentrée dans une logique de guerre totale". Et il faut l'empêcher de gagner en Ukraine, faute de quoi "nous n'aurons plus de sécurité en Europe".

Plus largement, il inscrit cette question dans la nécessité d'aboutir à une "crédibilité militaire européenne", lors d'un débat qu'il a appelé de ses voeux il y a une semaine à la Sorbonne.

Dans ce discours, à l'approche des élections européennes de juin qui voient son camp largement distancé dans les sondages par l'extrême droite, il avait mis en garde: "l'Europe peut mourir".

Cette "mort" peut être "beaucoup plus brutale qu'on ne l'imagine", insiste-t-il jeudi. Selon lui, "un sursaut est possible" mais doit être "beaucoup plus profond" face à un "triple risque existentiel pour notre Europe": "militaire et de sécurité", "économique" et démocratique.

Sur la défense, les Européens doivent s'asseoir "autour de la table pour bâtir un cadre cohérent", plaide Emmanuel Macron. "L'Otan apporte une de ces réponses et il ne s'agit pas de balayer l'Otan. Mais ce cadre est beaucoup plus large", ajoute-t-il.

«Braqueurs»

Ce débat doit dépasser l'Union européenne, avance encore le président français, qui veut "arrimer la discussion dans le cadre de la Communauté politique européenne", ce nouveau format qu'il a inspiré pour inclure notamment Londres après le Brexit. "Ce serait une erreur d'exclure des pays qui ne sont pas dans l'UE", comme la Norvège, le Royaume-Uni ou les Balkans".

La réflexion doit aussi inclure l'arme nucléaire, dont la France et le Royaume-Uni sont dotés en Europe, réitère-t-il. Il propose que les partenaires européens "prennent en compte" cette "capacité" française, "sans pour autant la mutualiser".

Sur le plan économique, à la veille d'une visite d'Etat en France du président chinois Xi Jinping, lundi et mardi, Emmanuel Macron appelle l'Europe à défendre ses "intérêts stratégiques" et "les enjeux de sécurité nationale" au nom de la "réciprocité" dans ses relations commerciales avec Pékin. "Il y a de nombreux secteurs pour lesquels la Chine exige que les producteurs soient chinois, parce qu'ils sont trop sensibles. Eh bien nous Européens, nous devons pouvoir faire la même chose."

S'agissant de la "vulnérabilité démocratique", le chef de l'Etat, qui a promis de s'impliquer dans la campagne des européennes, lance enfin un avertissement aux électeurs: "la meilleure façon de construire ensemble, c'est d'avoir le moins de nationalistes possible".

"Je dis aux Européens: réveillez-vous!", "tous les nationalistes européens sont des brexiters cachés", ajoute-t-il, visant particulièrement l'extrême droite française.

Après avoir prôné la sortie de l'Europe, le Rassemblement national tire maintenant "les dividendes de l'Europe en voulant la détruire sans rien dire", accuse le président Macron. "C'est comme si on était en train de dire +ce n'est pas grave de confier la banque à des braqueurs+", ajoute-t-il.


Sciences Po: place au débat interne, après la mobilisation de soutien à Gaza

Des manifestants brandissent des pancartes du drapeau palestinien alors qu'ils manifestent près de l'entrée de l'Institut d'études politiques (Sciences Po Paris) occupé par des étudiants, à Paris, le 26 avril 2024 (Photo, AFP).
Des manifestants brandissent des pancartes du drapeau palestinien alors qu'ils manifestent près de l'entrée de l'Institut d'études politiques (Sciences Po Paris) occupé par des étudiants, à Paris, le 26 avril 2024 (Photo, AFP).
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  • A Saint-Etienne, le blocage d'un des sites de l'université Jean Monnet par une quinzaine d'étudiants réclamant le cessez-le-feu à Gaza a repris jeudi matin
  • Des actions se sont multipliées en France ces derniers jours, principalement sur les sites de Sciences Po en régions, mais aussi dans quelques universités

PARIS: Sciences Po Paris a accueilli jeudi un débat interne sur le Proche-Orient, qualifié de "dur" et de riche en "émotion" par la direction, au moment où le gouvernement redouble de vigilance face à la multiplication d'actions en soutien à Gaza sur les campus français.

"Ça a été un débat dur, avec des prises de position assez claires, beaucoup d'émotion et donc j'aspire maintenant à ce que chacun retrouve le calme" avant les examens prévus lundi, a indiqué Jean Bassères, l'administrateur provisoire de la prestigieuse école parisienne.

Il a admis rester "extrêmement prudent sur la suite des événements", alors que la mobilisation se diffuse en France, en écho à la mobilisation croissante des campus aux Etats-Unis, marquée par le déploiement de la police sur plusieurs sites.

Le débat à peine fini, les organisations étudiantes mobilisées - Union étudiante et Solidaires - ont appelé à sit-in jeudi après-midi dans le hall d'entrée de Sciences Po.

L'administrateur provisoire a reconnu avoir "pris des positions assez fermes sur certains sujets", en refusant "très clairement la création d'un groupe de travail qui était proposé par certains étudiants pour investiguer nos relations avec les universités israéliennes".

"Après un début où les débats étaient apaisés, la tension est montée à la fin", a témoigné auprès de l'AFP Hugo, 22 ans, étudiant en master à Sciences Po, pour qui "la principale information est le refus du directeur de créer un groupe de travail pour réévaluer les partenariats de Sciences Po".

«Maintien de l'ordre»

"Il y avait des demandes claires et il n’y a pas eu de réponse claire", a regretté une étudiante en master d'urbanisme, qui a refusé de donner son nom, fustigeant "une mollesse de l'administration".

Après une mobilisation émaillée de tensions vendredi dernier, le mouvement avait été suspendu à Sciences Po Paris: la direction avait accepté d'organiser un débat interne "ouvert à toutes les communautés de Sciences Po", qualifié de "townhall", terme utilisé aux Etats-Unis pour une grande réunion publique.

Sur la demande des étudiants d'interroger les "partenariats de l’école avec les universités et organisations soutenant l’Etat d’Israël", la ministre de l'Enseignement supérieur Sylvie Retailleau avait répété jeudi matin qu'il était "hors de question que les universités prennent une position institutionnelle en faveur de telle ou telle revendication dans le conflit en cours au Proche-Orient".

La ministre a demandé aux présidents d'université de veiller au "maintien de l'ordre" public, en utilisant "l'étendue la plus complète des pouvoirs" dont ils disposent, notamment en matière de sanctions disciplinaires en cas de troubles ou de recours aux forces de l'ordre, lors d'une intervention en visioconférence au conseil d'administration de France Universités.

A l'issue de cet échange, France Universités, qui fédère 116 membres, dont 74 universités, a "salué la détermination de la ministre à porter une voie équilibrée et ferme pour un retour au calme".

Actions à Lille et Saint-Etienne 

Des actions se sont multipliées en France ces derniers jours, principalement sur les sites de Sciences Po en régions, mais aussi dans quelques universités. Le tout dans un contexte politique électrique, en pleine campagne des européennes, La France Insoumise étant notamment accusée par la droite d'"instrumentalisation" du mouvement.

Jeudi matin à Lille, l'institut d'études politiques est resté fermé et les accès à l'école supérieure de journalisme (ESJ) étaient bloqués et les cours annulés.

A Saint-Etienne, le blocage d'un des sites de l'université Jean Monnet par une quinzaine d'étudiants réclamant le cessez-le-feu à Gaza a repris jeudi matin, a constaté l'AFP. Ils n'ont pas trouvé d'accord avec la présidence de l'université pour l'organisation d'une conférence sur la situation à Gaza, selon un représentant étudiant.

La police était intervenue mardi sur ce site stéphanois pour déloger des militants pro-Palestiniens. La police est aussi intervenue lundi pour évacuer des manifestants de la Sorbonne après avoir déjà mis fin à une occupation nocturne d'un site de Sciences Po Paris la semaine dernière, les deux fois à la demande du Premier ministre Gabriel Attal.

Selon l'organisation étudiante Le Poing Levé, le campus Jourdan de l'Ecole normale supérieure (ENS) à Paris était bloqué jeudi, des étudiants appelant à un rassemblement sur le site à 15H00.