DAKAR : Les autorités sénégalaises ont suspendu mercredi l'application TikTok jusqu'à "nouvel ordre" en raison de la diffusion de messages "haineux et subversifs" après des protestations contre l'incarcération de l'opposant Ousmane Sonko et la dissolution de son parti lundi.
Elles avaient déjà coupé lundi l'accès à l'internet sur les téléphones mobiles pour les mêmes raisons. Plusieurs ONG de défense des droits humains ont dénoncé cette mesure et la dissolution du parti de M. Sonko, le Pastef, comme une menace pour la démocratie et des atteintes aux droits et libertés fondamentaux.
"Il a été constaté que l'application TikTok est le réseau social privilégié par des personnes mal intentionnées pour diffuser des messages haineux et subversifs menaçant la stabilité du pays", a déclaré dans un communiqué le ministre de la Communication et de l’Économie numérique, Moussa Bocar Thiam.
Le placement en détention de M. Sonko lundi, pour différents chefs d'inculpation, dont appel à l'insurrection, a provoqué des mouvements de protestation. Ils ont fait trois morts dans le sud du pays et dans la banlieue de Dakar.
Deux autres personnes ont été tuées mardi à Dakar dans une attaque à l'engin incendiaire contre le bus dans lequel elles se trouvaient, sans qu'un lien entre l'attaque du bus et la protestation contre l'incarcération de M. Sonko soit clairement établi.
Trois bus en stationnement ont aussi été pris pour cible à Thiès mercredi matin sans faire de victimes. Les deux premiers bus ont été "complètement calcinés" et le troisième "endommagé à l'intérieur", a indiqué à l'AFP une source policière.
"La décision du gouvernement de dissoudre le Pastef viole les libertés d’expression, d’association, de réunion pacifique et de participation démocratique", a dénoncé mardi soir dans un communiqué l'ONG Human Rights Watch (HRW).
Les autorités devraient "rétablir l’accès à Internet, afin de permettre la libre circulation de l’information et la capacité des citoyens à faire valoir leurs points de vue", ajoute Ilaria Allegrozzi, chercheuse sur le Sahel.
Dans un autre communiqué mercredi, la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et ses organisations membres sénégalaises "rappellent que la dissolution d’un parti politique est une mesure extrêmement grave, qui ne devrait être utilisée qu’en dernier recours et ce, conformément aux principes démocratiques et au respect des droits fondamentaux".
Amnesty international s'est aussi levé contre la coupure d'internet sur les téléphones portables, appelant les autorités à le rétablir.
Avec cette troisième procédure qui s'ajoute à deux autres condamnations, M. Sonko, candidat déclaré à la présidentielle 2024, risque, selon des juristes, cinq à 20 ans de prison.
L'homme politique arrivé troisième à la présidentielle de 2019, a été condamné le 1er juin dans une autre affaire à deux ans de prison ferme. Sa condamnation a engendré les troubles les plus graves depuis des années au Sénégal, qui ont fait seize morts selon les autorités, une trentaine selon l'opposition.