BEYROUTH : L'enquête sur l'explosion sur le port de Beyrouth, qui a tué plus de 220 personnes il y a trois ans, est au point mort dans un pays en plein chaos économique et politique.
Retour sur une véritable course d'obstacles.
Destruction
Le 4 août 2020, une explosion détruit le port de Beyrouth et endommage des quartiers entiers. Cette déflagration, l'une des plus grandes explosions non nucléaires de l'histoire, fait quelque 220 morts et plus de 6 500 blessés et défigure des pans entiers de la capitale libanaise.
L'énorme déflagration a été déclenchée par un incendie dans un entrepôt où étaient stockées sans précaution des tonnes de nitrate d'ammonium.
Sous pression de la rue, le gouvernement de Hassan Diab démissionne le 10 août.
Enquête entravée dès le départ
Le 10 décembre 2020, un premier juge chargé de l'enquête sur l'explosion inculpe Hassan Diab et trois anciens ministres.
L'enquête est suspendue au bout d'une semaine, deux ministres accusés réclamant la récusation du magistrat, qui a lieu en février 2021.
Le juge Tarek Bitar est nommé à sa place. Début juillet 2021, il demande à interroger Hassan Diab et réclame la levée de l'immunité de trois députés ayant occupé des postes ministériels. Le Parlement réclame des "preuves" supplémentaires, ce que le juge refuse.
Affrontements sanglants
Le 11 octobre 2021, le chef du Hezbollah pro-iranien, la force politique dominante au Liban, Hassan Nasrallah, accuse le juge de politiser l'enquête.
Le lendemain, Tarek Bitar émet un mandat d'arrêt contre le député et ex-ministre des Finances Ali Hassan Khalil, membre du mouvement Amal, allié au Hezbollah.
Sept personnes décèdent dans des combats de rue à Beyrouth, lors d'une manifestation organisée par le Hezbollah et Amal, qui exigent le remplacement du juge.
En décembre, le juge est contraint pour la quatrième fois de suspendre ses investigations après un énième recours d'anciens ministres.
Plus de président
Les législatives du 15 mai 2022 débouchent sur un Parlement sans majorité, perdue par le Hezbollah et ses alliés.
Le 4 août, le deuxième anniversaire de l'explosion au port est marqué par des manifestations de proches des victimes réclamant une enquête internationale.
Le 31 octobre, le Liban se retrouve sans président, le mandat de Michel Aoun ayant expiré, dans un pays dirigé par un gouvernement intérimaire qui expédie les affaires courantes.
Brève reprise de l'enquête
Le 23 janvier 2023, le juge Tarek Bitar reprend son travail après une quatrième suspension qui a duré 13 mois en raison d'une quarantaine de poursuites à son encontre et de pressions de la part d'une grande partie de la classe politique.
Le magistrat décide d'inculper huit personnes, dont deux hauts responsables de la sécurité. Il inculpe ensuite le procureur général près la cour de Cassation et trois autres juges, pour "homicide, incendie criminel et sabotage".
Le parquet rejette toutes les décisions du juge, qui est poursuivi par le procureur général pour "insubordination". Début février, Tarek Bitar reporte tous les interrogatoires programmés. L'enquête est depuis au point mort.