Soudan: Pour les civils, la faim est aussi meurtrière que les balles

Des millions de Soudanais, en particulier ceux qui ont été déplacés par le conflit, souffrent de la faim et de la malnutrition, les combats limitant leur accès à la nourriture (Photo, Reuters).
Des millions de Soudanais, en particulier ceux qui ont été déplacés par le conflit, souffrent de la faim et de la malnutrition, les combats limitant leur accès à la nourriture (Photo, Reuters).
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Publié le Vendredi 28 juillet 2023

Soudan: Pour les civils, la faim est aussi meurtrière que les balles

  • Quatre mois de combats ont bouleversé la vie des habitants du Soudan, limitant l'accès à la nourriture et forçant les gens à quitter leur foyer
  • Les importations de produits alimentaires et l'agriculture ont été gravement perturbées, entraînant une hausse des prix et laissant les rayons des supermarchés vides

JUBA, SOUDAN DU SUD: Alors que le conflit soudanais entre dans son cinquième mois, une grave crise humanitaire se profile. Des milliers de personnes, dont de nombreux habitants de la capitale Khartoum, qui risquent de mourir de faim et de malnutrition.

Le décès tragique de Khaled Senhouri, violoniste réputé, qui a récemment succombé à la faim à Omdurman, a mis en lumière la situation difficile des civils pour qui le manque de nourriture et d'eau peut être tout aussi mortel que les balles.

Avec une électricité intermittente, des réserves alimentaires qui s'amenuisent et un accès limité aux ressources essentielles, les Soudanais de Khartoum et d'autres villes déchirées par la violence sont engagés dans une lutte désespérée pour leur survie.

Dans un message déchirant publié en ligne peu avant sa mort, Senhouri a décrit la réalité de la vie en état de siège. Incapable de quitter son domicile pour se procurer de la nourriture à cause des combats, son désespoir est aujourd'hui partagé par d'innombrables personnes.

«Obtenir ne serait-ce que de maigres denrées alimentaires est un défi, aggravé par la menace constante des balles et la pénurie d'argent, d'électricité, d'eau et de gaz», a déclaré à Arab News, Yasir Hassan, un habitant de Khartoum âgé de 45 ans.

Depuis le début des violences à Khartoum, le 15 avril, entre les forces armées soudanaises et le groupe paramilitaire des Forces de soutien rapide (FSR), les importations de produits alimentaires et l'agriculture nationale ont connu de graves perturbations, laissant les rayons des supermarchés vides.

La plupart des marchés, des magasins et des stations-service sont fermés, et même les produits de base comme le gaz de cuisson sont rares et vendus à des prix exorbitants sur le marché noir.

Face à cette pénurie, le prix des produits de première nécessité a grimpé en flèche, le prix de la viande d’agneau atteignant la somme astronomique de 91 dollars le kilogramme (1 dollar américain = 0,91 euro). La viande de volaille est quasiment inexistante, tandis que les fruits et légumes disparaissent du marché.

Depuis le 15 avril, les affrontements ont perturbé les chaînes d'approvisionnement et provoqué des pénuries alimentaires au Soudan (Photo, AP).

Les tomates, les concombres et d’autres ingrédients frais coûtent désormais une fortune, ne laissant aux familles d'autre choix que d'endurer la faim et la malnutrition.

Selon les Nations unies, 25 millions de personnes, soit plus de la moitié de la population du Soudan, ont besoin de nourriture et 13,6 millions d'enfants ont désespérément besoin d'une aide humanitaire.

Plus de 19 millions de personnes, soit 40% de la population, souffrent déjà de la faim. Le Programme alimentaire mondial (Pam) affirme avoir fourni une aide alimentaire d'urgence à plus de 1,4 million de personnes, alors que les besoins s'intensifient.

Les combats dans la capitale – trois villes construites autour du confluent du Nil blanc et du Nil bleu, Khartoum, Omdurman et Bahri – ont fortement touché les zones abritant d'importantes installations étatiques ou militaires.

TROUBLES AU SOUDAN : LES DATES CLÉS

11 avril 2019 : Un coup d'État militaire renverse le dictateur Omar el-Bachir à la suite d'un long soulèvement populaire.

17 août 2019 : Le Conseil militaire au pouvoir et l'alliance de l'opposition civile signent un accord constitutionnel.

Le 3 octobre 2020 : Signature de l'accord de paix de Juba entre le gouvernement de transition et l'alliance des groupes armés.

8 février 2021 : Le Premier ministre, Abdallah Hamdok, annonce la formation d'un nouveau Cabinet, comprenant sept anciens chefs rebelles.

25 octobre 2021 : Le général Abdel Fattah al-Burhan dissout le gouvernement, arrête Hamdok et prend le pouvoir.

21 novembre 2021 : Après des mois de rassemblements de masse en faveur de la démocratie, Hamdok est rétabli dans ses fonctions mais démissionne dans les deux mois qui suivent.

25 octobre 2022 : Des milliers de personnes descendent dans la rue pour réclamer un gouvernement civil.

5 décembre 2022 : Signature d'un accord-cadre politique entre les dirigeants civils et les militaires pour lancer une transition politique de deux ans.

Le 15 avril 2023 : Des combats éclatent entre les forces d'Al-Burhan et les FSR dirigées par le général Mohammed Hamdan Dagalo.

La région du Darfour, déjà ravagée par un conflit brutal au début des années 2000, a été le théâtre des pires violences. Les combats se sont récemment concentrés autour de Nyala, après des affrontements à El-Geneina, où les Nations unies avaient signalé des atrocités.

Une série de cessez-le-feu négociés indirectement par l'Arabie saoudite et les États-Unis au début du conflit ont été ignorés ou n'ont pas été pleinement respectés par les factions en conflit.

En conséquence, de nombreux travailleurs soudanais n'ont pas été payés pendant quatre mois consécutifs. L'effondrement du système bancaire et le manque de liquidités dû au conflit ont laissé les familles accablées de dettes et incapables de satisfaire leurs besoins fondamentaux.

Le secteur de la santé est également confronté à d'immenses défis. Les attaques contre le personnel de santé ont mis en péril les quelques hôpitaux restants à Khartoum. La pénurie de médicaments et les difficultés d'accès aux traitements ont encore aggravé la crise.

Une vue aérienne d'un camp de réfugiés soudanais ayant fui le conflit de Geneina, dans la région soudanaise du Darfour, à Ourang, dans la banlieue d'Adre, au Tchad, le 25 juillet 2023 (Photo, Reuters).

Le Comité international de secours avertit que le pays se précipite vers une crise alimentaire provoquée par l'homme, qui pourrait s'aggraver au cours de l'année prochaine si l'inflation mondiale des prix des produits alimentaires se poursuit sur sa trajectoire actuelle.

Les agriculteurs de plusieurs États du Soudan affirment que le conflit perturbe la production de cultures de base comme le sorgho et le millet, ce qui, selon les agences d'aide, pourrait plonger le pays dans une situation de famine et de pauvreté encore plus profonde.

Même si de nombreuses régions agricoles du Soudan sont relativement calmes et ne sont pas directement touchées par les combats, les retards ont été causés par des facteurs tels que le manque de crédit.

Les banques ont été pillées à Khartoum et les chaînes d'approvisionnement ont été perturbées, ce qui a eu un impact sur la disponibilité de ressources agricoles essentielles telles que les engrais, les semences et le carburant. Plusieurs entrepôts stockant ces produits ont également été pillés.

Les grands exploitants commerciaux, qui assurent une part importante de la production de sorgho, sont particulièrement touchés car ils ont du mal à accéder au carburant, aux engrais et aux autres ressources nécessaires pour planter en temps voulu.

Les terres fertiles situées entre le Nil blanc et le Nil bleu abritent désormais plusieurs centaines de milliers des 2,6 millions de personnes déplacées par le conflit. Des personnes désespérées et des criminels opportunistes profitent du vide sécuritaire pour voler dans les magasins et les maisons vides.

Étant donné qu'environ 65% de la population est active dans le secteur agricole, les perturbations des activités agricoles ont des répercussions considérables sur l'économie du Soudan et le bien-être de sa population.

Cette crise a entraîné une réduction significative des rendements agricoles et une pénurie de denrées alimentaires essentielles dans tout le pays. Les effets cumulés de ces perturbations risquent d'aggraver la malnutrition, la famine et l'augmentation des maladies évitables.

EN CHIFFres

* 3 900 personnes tuées depuis le début des violences le 15 avril. (Selon le Projet de données sur l'emplacement et les événements des conflits armés)

 

* 2,6 millions de personnes déplacées à l'intérieur du pays, principalement de Khartoum. (Selon, l'organisation internationale de la migration)

 

* 1/3 de la population souffrait de la faim avant le début des combats. (Selon le Pam)

Les combats ont interrompu l'accès aux ressources essentielles et aux chaînes d'approvisionnement, rendant presque impossible pour les organisations d'aide humanitaire d'atteindre les populations dans les zones reculées, en particulier dans la région agitée du Darfour.

Les populations vulnérables, notamment les femmes enceintes et allaitantes, les nourrissons et les enfants, les malades et les personnes âgées, subissent la catastrophe de plein fouet.

«J'ai rencontré des veuves de guerre et des mères avec de très jeunes bébés ou des nourrissons qui n'ont pas assez de nourriture pour produire du lait maternel et nourrir leurs bébés», a déclaré à Arab News, William Carter, responsable du bureau du Conseil norvégien pour les réfugiés au Soudan.

«Dans un avenir proche, une crise de malnutrition se profile à l'horizon. La disponibilité des denrées alimentaires produites localement risque de diminuer. Les gens ont été forcés de tout laisser derrière eux et, avec un accès limité aux ressources ou aux revenus, ils ne sont même pas en mesure de satisfaire leurs besoins de base», a-t-il ajouté.

Des jeunes filles soudanaises qui ont fui le conflit à Geneina, dans la région soudanaise du Darfour, reçoivent des portions de riz de la part de volontaires de la Croix-Rouge à Ourang, dans la banlieue d'Adre, au Tchad, le 25 juillet 2023 (Photo, Reuters).

Dans ce contexte, les agences d'aide internationale, telles que l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, ont commencé à distribuer des semences pour des cultures de base telles que le sorgho, le millet, l'arachide et le sésame, afin de combler le déficit de production imminent.

«Mais il faut plus de semences», a déclaré à Arab News, Salah Omar, directeur exécutif de l'organisation SPACES, basée dans l'État d'Al-Jazirah, au sud-est de Khartoum.

«Les personnes déplacées sont très vulnérables. Leur travail principal est l'agriculture. Elles pourraient cultiver avec la population locale ici à Al-Jazirah. Il n'est pas trop tard pour planter les graines. Nous avons besoin de plus d'aide pour la production alimentaire», a-t-il indiqué.

La crise ne menace pas seulement les moyens de subsistance et la santé publique. L'effondrement des exportations alimentaires du Soudan pèse également sur les réserves de devises étrangères du pays.

Les cultures de rente comme le sésame et les arachides ont contribué de manière significative aux recettes d'exportation, fournissant des devises étrangères indispensables à l'importation de produits de base.

En outre, les réseaux régionaux ont été affectés par les contrôles aux frontières et les difficultés d'importation, ce qui ajoute à la complexité de la situation.

La perturbation des importations et des exportations a également un impact sur les pays voisins du Soudan, ce qui pèse sur les efforts d'aide internationale et risque de déstabiliser l'ensemble de la région.

«Le Conseil norvégien pour les réfugiés (CNR), avec d'autres organisations, s'efforce de résoudre ce problème en facilitant l'accès des populations aux marchés locaux, par exemple par la distribution d'argent», a révélé Carter.

Les femmes enceintes et les mères, les enfants, les malades et les personnes âgées sont particulièrement vulnérables à la malnutrition (Photo, Reuters).

Dans certains cas, des groupes locaux se sont associés à des partenaires internationaux pour répondre aux besoins immédiats des communautés prises dans les combats.

Dans le centre de Bahri, une banlieue au nord de Khartoum, un groupe local appelé «Danakla Committee» – qui fait partie du mouvement démocratique soudanais – a commencé à recueillir des dons afin de répondre aux besoins des habitants piégés dans leurs maisons.

Pour ceux qui ne reçoivent pas d'aide, seule la fin des combats pourra soulager leur misère.

«Si les choses continuent ainsi, nous craignons que la crise humanitaire ne fasse que s'aggraver», a prévenu Hassan, un habitant de Khartoum, à Arab News.

«Sans aide alimentaire, nous n'avons plus rien à manger. Il est urgent de mettre fin à cette guerre», a-t-il soutenu.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Soudan: le chef de l'armée qualifie la proposition de trêve envoyée par l'émissaire américain de «la pire» jusqu'ici

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  • Dans une vidéo diffusée dimanche, il a également rejeté la dernière proposition de trêve soumise par l’émissaire américain Massad Boulos, la qualifiant de « pire » proposition reçue jusqu’ici
  • Le Conseil de souveraineté, présidé par Burhane, s’est pour sa part dit disposé à coopérer avec les États-Unis et l’Arabie saoudite pour relancer un processus de paix

PORT-SOUDAN: Le chef de l’armée soudanaise, Abdel Fattah al-Burhane, a affirmé dimanche que le groupe médiateur appelé le « Quad » — composé des États-Unis, de l’Arabie saoudite et de l’Égypte — ne pouvait jouer un rôle neutre dans les efforts visant à mettre fin au conflit entre l’armée et les Forces de soutien rapide (FSR).

Dans une vidéo diffusée dimanche, il a également rejeté la dernière proposition de trêve soumise par l’émissaire américain Massad Boulos, la qualifiant de « pire » proposition reçue jusqu’ici. Selon lui, elle ne tient pas compte des réalités du terrain et ne garantit pas une cessation durable des hostilités.

Le conflit, qui a fait des milliers de morts et provoqué le déplacement de millions de personnes depuis avril 2023, reste au cœur des préoccupations internationales. Washington s’est récemment dit déterminé à mettre fin aux « atrocités » commises au Soudan, à la suite d’un appel du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane en faveur d’un engagement américain plus fort.

Le Conseil de souveraineté, présidé par Burhane, s’est pour sa part dit disposé à coopérer avec les États-Unis et l’Arabie saoudite pour relancer un processus de paix.

En septembre, le Quad avait proposé un plan comprenant une trêve de trois mois et l’exclusion tant du gouvernement actuel que des FSR de la transition post-conflit, une clause rejetée par l’armée. Début novembre, les paramilitaires avaient annoncé accepter une trêve humanitaire après avoir pris El-Fasher, dernier bastion de l’armée au Darfour, où l’ONU a signalé de graves violations.

Désormais maîtres de la quasi-totalité de la région, les FSR ont intensifié leurs offensives dans le voisin Kordofan, riche en pétrole.


Une délégation du Hamas discute au Caire de la trêve à Gaza

Une délégation du Hamas discute au Caire de la trêve à Gaza
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  • Menée par le négociateur en chef du Hamas, Khalil al-Hayya, la délégation est arrivée samedi dans la capitale égyptienne pour des entretiens dimanche avec Hassan Rashad
  • Sur place, le Hamas "a réaffirmé son engagement à mettre en œuvre la première phase de l'accord (de cessez-le-feu), soulignant l'importance de mettre un terme aux violations israéliennes"

LE CAIRE: Une délégation du Hamas s'est engagée dimanche au Caire à respecter la "première phase" de l'accord de trêve dans la bande de Gaza lors d'un entretien avec le chef des services de renseignement égyptiens, a indiqué le mouvement islamiste palestinien.

Menée par le négociateur en chef du Hamas, Khalil al-Hayya, la délégation est arrivée samedi dans la capitale égyptienne pour des entretiens dimanche avec Hassan Rashad, avaient indiqué à l'AFP deux responsables du mouvement, précisant que la deuxième phase de la trêve devait également être abordée.

Sur place, le Hamas "a réaffirmé son engagement à mettre en œuvre la première phase de l'accord (de cessez-le-feu), soulignant l'importance de mettre un terme aux violations israéliennes (...) et la nécessité d'un mécanisme clair et précis, sous l'égide et le contrôle des médiateurs, permettant de leur signaler immédiatement toute violation", a affirmé le mouvement dans un communiqué.

Ces derniers jours, Israël et le Hamas se sont accusés mutuellement de violer la trêve entrée en vigueur le 10 octobre sous pression américaine après deux ans de guerre déclenchée par une attaque sans précédent du mouvement contre Israël le 7 octobre 2023.

Samedi, l'armée israélienne a affirmé avoir "frappé des cibles" du Hamas, faisant 21 morts selon la Défense civile locale, en réponse selon elle à l'attaque d'un "terroriste armé" contre ses soldats.

L'accord de trêve a permis dans sa première phase le retour des vingt derniers otages vivants du 7-Octobre, en échange de la libération de plusieurs centaines de prisonniers palestiniens, et le retour de 25 corps d'otages, sur 28 que le Hamas s'est engagé à rendre.

La deuxième phase prévoit notamment la mise en place d'une autorité transitoire pour administrer Gaza et le déploiement d'une force internationale pour assurer la sécurité du territoire et désarmer le Hamas et les autres factions armées sur place.

Le Hamas, écarté de tout rôle dans la gouvernance future du territoire selon le plan Trump adopté par le Conseil de sécurité de l'ONU, refuse pour l'heure de désarmer.

"La nature de la deuxième phase de l'accord" a fait l'objet de discussions au Caire, a indiqué le mouvement, ajoutant avoir aussi évoqué le sort de "combattants" à Rafah (sud) avec lesquels les communications sont "interrompues".

Selon plusieurs médias, jusqu'à 200 combattants du Hamas seraient coincés dans des tunnels de Gaza sous une partie du territoire où s'est redéployée l'armée israélienne dans le cadre de l'accord.


Israël tue le chef militaire du Hezbollah dans une frappe sur la banlieue de Beyrouth

Israël a tué dimanche le chef militaire du Hezbollah lors d'une frappe sur la banlieue sud de Beyrouth dimanche qui a visé un immeuble d'un quartier densément peuplé, faisant cinq morts selon les autorités libanaises. (AFP)
Israël a tué dimanche le chef militaire du Hezbollah lors d'une frappe sur la banlieue sud de Beyrouth dimanche qui a visé un immeuble d'un quartier densément peuplé, faisant cinq morts selon les autorités libanaises. (AFP)
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  • Israël tue le chef militaire du Hezbollah dans une frappe sur la banlieue de Beyrouth
  • L'armée israélienne a affirmé avoir tué Haitham Ali Tabatabai dans une cinquième frappe sur la banlieue sud de Beyrouth, bastion du Hezbollah

BEYROUTH: Israël a tué dimanche le chef militaire du Hezbollah lors d'une frappe sur la banlieue sud de Beyrouth dimanche qui a visé un immeuble d'un quartier densément peuplé, faisant cinq morts selon les autorités libanaises.

C'est le plus haut responsable du Hezbollah à être tué depuis la fin il y a près d'an de la guerre meurtrière qui a opposé le mouvement pro-iranien à Israël et dont il est sorti décapité.

L'armée israélienne a affirmé avoir tué Haitham Ali Tabatabai dans une cinquième frappe sur la banlieue sud de Beyrouth, bastion du Hezbollah, depuis l'entrée en vigueur du cessez-le feu. Un peu plus tard, en soirée, le mouvement islamiste a confirmé que "le grand dirigeant" Tabatabai a été tué "à la suite d'une agression israélienne".

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a assuré qu'Israël "ne permettra pas au Hezbollah de reconstruire son pouvoir" et appelé le gouvernement libanais à "respecter son engagement à désarmer le Hezbollah" à la suite de cette attaque qui intervient une semaine avant la visite du pape Léon XIV au Liban.

Tabatabai, présenté par l'armée israélienne comme "le plus important commandant du Hezbollah", avait été promu chef militaire du Hezbollah après la mort des principaux responsables militaires du mouvement durant la guerre avec Israël.

"Comme un éclair" 

Dans le quartier qui a été visé, la frappe a touché les troisième et quatrième étages d'un immeuble de neuf étages, et laissé plusieurs voitures calcinées à son pied, a constaté un journaliste de l'AFP.

Il a vu les secouristes évacuer un corps enveloppé dans un sac blanc et au moins six blessés, dont trois femmes, de l'immeuble au rez-de-chaussée duquel s'alignent une pâtisserie, un magasin de jouets et une boutique d'électroménagers.

"Je rendais visite à ma mère et j'étais sur le balcon", a raconté à l'AFP un homme qui se trouvait dans un immeuble faisant face au bâtiment touché. "Il y a eu comme un éclair, puis j'ai percuté la balustrade et tout le verre s'est brisé", a ajouté ce quadragénaire en état de choc, qui n'a pas voulu dire son nom.

Cinq personnes ont été tuées et 28 blessées, selon le ministère libanais de la Santé.

Benjamin Netanyahu, qui avait juré de "faire tout le nécessaire" pour empêcher un renforcement du mouvement pro-iranien, "a ordonné l'attaque sur recommandation du ministre de la Défense et du chef d'état-major", selon ses services.

Le président libanais Joseph Aoun a, lui, appelé la communauté internationale à "intervenir sérieusement et avec force pour mettre fin aux attaques contre le Liban" menées par Israël, soulignant que le Liban respectait de son côté le cessez-le-feu.

Yémen et Syrie 

Israël a récemment intensifié ses frappes dans les bastions du Hezbollah au sud et à l'est du Liban, où il affirme viser le mouvement chiite qu'il accuse de violer le cessez-le-feu en se réarmant et réactivant ses infrastructures.

Le Hezbollah avait lancé les hostilités en ouvrant un front contre Israël au début de la guerre à Gaza, déclenchée par l'attaque du Hamas sur le sol israélien du 7 octobre 2023. Un cessez-le-feu est en vigueur dans le territoire palestinien depuis le 10 octobre.

"Nous continuerons à agir avec force pour prévenir toute menace contre les habitants du nord et l'Etat d'Israël. Quiconque lèvera la main contre Israël verra sa main coupée", a martelé le ministre israélien de la Défense, Israël Katz.

Le nom de Tabatabai, né en 1968 selon le communiqué du Hezbollah, était inconnu du grand public au Liban.

Il était, avant de prendre ses fonctions, "responsable du dossier du Yémen" au sein du Hezbollah, qui soutient les rebelles houthis, selon une source proche de la formation pro-iranienne.

Il avait également occupé des fonctions en Syrie où la formation soutenait militairement le pouvoir de Bachar al-Assad, selon les Etats-Unis qui l'avaient placé sur leur liste des personnes liées au terrorisme.

Le Hezbollah est sorti affaibli du conflit avec Israël, qui a culminé en deux mois de guerre ouverte avant la trêve, et assure depuis respecter le cessez-le-feu.

Pour leur part, les autorités libanaises accusent régulièrement Israël de violer l'accord de cessez-le-feu conclu sous médiation américaine, en poursuivant ses frappes et en continuant d'occuper cinq points stratégiques du sud du territoire libanais.

Les Etats-Unis font dans le même temps pression sur le gouvernement libanais pour qu'il oblige le Hezbollah à rendre ses armes, ce que le groupe a jusqu'à présent refusé de faire.