ROME: L'Arabie saoudite élargit ses horizons culturels et encourage sa propre renaissance artistique en ouvrant de nouveaux espaces d'exposition et en établissant des partenariats avec quelques galeries et musées les plus prestigieux du monde.
Le futur Musée d'art contemporain du Royaume à AlUla, par exemple, a signé un accord avec le Centre Pompidou à Paris, dans le cadre duquel le musée français prêtera des œuvres d'art internationales à l’Arabie Saoudite.
Conçu par l'architecte libanaise Lina Ghotmeh, basée à Paris, le nouveau musée rassemble une collection permanente d'œuvres d'artistes saoudiens et internationaux.
Parmi les artistes dont les œuvres ont déjà été ajoutées à la collection figurent Yayoi Kusama, Etel Adnan, Ibrahim el-Salahi et l'artiste saoudienne Manal al-Dowayan.
La collection principale du musée se concentrera sur les œuvres d'artistes des régions de la mer Rouge, de la mer d'Arabie et de la Méditerranée orientale.
L'accord avec le Centre Pompidou n'est que l'un des nombreux nouveaux partenariats entre l’Arabie saoudite et des institutions créatives internationales.
«Le Musée d'art contemporain d'AlUla développera ses futurs programmes en dialogue avec plusieurs musées et institutions à travers le monde», a déclaré à Arab News Nora Aldabal, directrice de la planification artistique et créative à la Commission royale d'AlUla.
«Nous sommes ravis que le Centre Pompidou soit l'un de nos premiers partenaires», a-t-elle ajouté.
Le centre d'art parisien devrait fermer ses portes entre 2025 et 2030 pour des rénovations majeures. Aldabal a toutefois précisé que le nouveau musée d'AlUla «ne sera pas un satellite du Centre Pompidou», mais un espace d'exposition totalement indépendant.
Conformément à la stratégie de réforme sociale et de diversification économique, la Vision 2030, l’Arabie saoudite vise à fonder une économie créative qui encourage les hommes, les femmes et les jeunes du pays à poursuivre leurs talents dans les arts.
Des accords tels que celui conclu avec le Centre Pompidou visent à renforcer le dialogue entre l'Arabie saoudite et d'autres pays par le biais de l'art et de la culture, tout en développant la scène artistique saoudienne.
«Les musées en général sont essentiels au développement et à la croissance de la pensée critique», a indiqué Candida Pestana, directrice du Musée d'art contemporain d'AlUla, à Arab News. Elle était auparavant conservatrice en chef de l'art contemporain à Ithra, le Centre du roi Abdelaziz pour la culture mondiale, à Dhahran.
«L'investissement culturel est essentiel pour ouvrir des discussions intéressantes aux nouvelles générations et constitue une manière de marquer l'histoire de cette époque.
«La scène artistique accompagne ces changements en créant des plates-formes de production créatives et un espace de dialogue novateur, alimentant ainsi un public jeune désireux d'apprendre et de contribuer.
«Les musées sont essentiels à la création de discours culturels et à la mise en œuvre de contenus avancés et originaux dans un pays qui connaît des transformations rapides», a ajouté Pestana.
En mai, lors de l'ouverture de la Biennale d'architecture de Venise, la conservatrice britannique Iwona Blazwick a déclaré que le partenariat entre le Musée d'art contemporain et le Centre Pompidou offrirait des possibilités de formation aux futurs conservateurs saoudiens.
Blazwick, ancienne directrice de la Whitechapel Gallery de Londres et actuelle présidente du groupe d'experts en art public de la Commission royale pour AlUla, a déclaré que l'accord prévoirait également des échanges de prêts entre les collections respectives des deux institutions.
Blazwick a indiqué que la collection du Musée d'art contemporain mettra en lumière les œuvres du Sud, notamment les régions souvent sous-représentées d'Afrique, d'Asie, d'Amérique latine et des Caraïbes.
Le Musée de la route de l'encens, conçu par l'architecte britannique Asif Khan, basé à Londres, est une autre institution culturelle qui s'installe à AlUla et dont la création a été annoncée en mai. Ce musée et le Musée d'art contemporain sont les premiers des 15 institutions culturelles prévues dans le cadre du «Plan directeur du voyage à travers le temps» d'AlUla.
EN BREF
- Le Musée d'art contemporain d'AlUla présentera des œuvres saoudiennes et internationales.
- Les conservateurs affirment que sa collection mettra principalement l'accent sur les œuvres sous-représentées du Sud.
- Il fait partie des 15 institutions culturelles qui constitueront le «Plan directeur du voyage à travers le temps» d'AlUla.
L'expansion de la scène culturelle saoudienne, tant au niveau national qu'international, et la régénération culturelle d'AlUla contribuent à renforcer le sens unique de l'identité saoudienne et à célébrer son patrimoine, a expliqué Aldabal.
Parallèlement, cela offre «des opportunités inégalées aux communautés locales de vivre l'art comme une source d'éducation et d'enrichissement, tout en créant une plate-forme dans le but de célébrer les artistes établis et les étoiles montantes d'Arabie saoudite et de toute la région», a-t-elle souligné.
Elle a poursuivi : «AlUla vise à développer une économie créative florissante qui sert de source de dynamisation économique et physique.»
Rien de tout cela n'est imposé à la population locale d'AlUla contre son gré. La Commission royale s'est engagée auprès des communautés à chaque étape du processus, créant des opportunités d'affaires et d'emploi tout en veillant à ne pas perturber les traditions et les pratiques établies.
«La participation des communautés locales est un élément clé de la réalisation du mandat de l'UCR», a souligné Aldabal.
«Cet objectif est atteint grâce à plusieurs projets, en particulier les ateliers de conception participative en collaboration avec Madrasat Addeera et l'école d'artisanat dans le quartier culturel d'Al-Jadidah, qui maintient des compétences artisanales précieuses telles que le tissage de palmiers, la bijouterie, les textiles, la poterie et la géométrie, avec une filière vers l'économie de détail.»
La Madrasat Addeera, située dans le quartier artistique animé d'Al-Jadidah et premier centre d'art et de design d'Al-Ula, propose des ateliers hebdomadaires à la communauté locale et aux visiteurs.
Si la mission principale de ce projet communautaire est d'enseigner aux femmes locales une série de compétences et d'objets artisanaux traditionnels, il organise également des ateliers pour que tout le monde puisse les apprendre. Ils couvrent tous les types d'artisanat traditionnel, tels que la fabrication de bijoux, la broderie et la céramique, surtout ceux qui font historiquement partie des traditions d'AlUla.
Les ateliers sont gérés par la Turquoise Mountain Foundation, une organisation fondée par le roi Charles III de Grande-Bretagne en 2006, alors qu'il était prince de Galles, dans le but de faire renaitre l'artisanat traditionnel dans le monde entier afin de soutenir les économies locales durables.
L'objectif est de faire d'AlUla «un lieu créé par et pour les artistes», comme le souligne le mandat de la Commission royale, a soutenu Aldabal.
Les expositions et les projets en cours avec la participation directe d'artistes comprennent un programme annuel de résidence d'artistes, fondé en 2021, qui a déjà accueilli 26 artistes pluridisciplinaires.
Parmi eux figurent les artistes saoudiens Muhannad Shono, Rached al-Chachai et Ayman Zedani, le collectif d'architectes saoudiens Bricklab, ainsi que des œuvres d'artistes internationaux tels que Monira al-Qadiri, une citoyenne koweïtienne basée à Berlin, et Ben Elliot, de France, entre autres.
«Ils poursuivent leurs efforts artistiques en expérimentant dans le cadre unique et riche d'AlUla», a révélé Aldabal.
Les artistes contemporains saoudiens jouent déjà un rôle important dans les projets culturels d'AlUla. Un exemple en est Desert X AlUla, dont l'événement inaugural a eu lieu en janvier 2020.
Un autre projet est Wadi AlFann, ou «Vallée des arts», dont Blazwick est l'une des conservatrices. Le projet vise à devenir une nouvelle destination mondiale pour l'art contemporain, où des œuvres marquantes de certains des artistes les plus fascinants du monde entier seront installées de façon permanente dans le paysage époustouflant d'AlUla. Les artistes saoudiens participant au projet sont Ahmed Mater et Al-Dowayan.
Parmi les nouvelles œuvres créées spécialement pour Wadi AlFann figure l'installation labyrinthique d'AlDowayan, «Oasis of Stories» («Oasis d'histoires»), qui s'inspire des murs en terre de la vieille ville d'AlUla. Les murs de son œuvre d'art seront inscrits avec des histoires personnelles et du folklore qu'elle a recueillis auprès des communautés d'AlUla.
Mater a déclaré que sa nouvelle œuvre, «Achab al-Lal», explorera l'espace mythique entre l'imagination subjective et la réalité objective en générant un mirage parmi les dunes de sable.
De tels projets, combinés au développement de nouveaux musées, visent à contribuer à l'émergence d'AlUla en tant que centre culturel national, régional et mondial, créé par et pour les artistes.
«Le Musée d'art contemporain d'AlUla a mis en œuvre des recherches essentielles pour comprendre les besoins de sa communauté, non seulement dans son contenu, mais aussi dans sa conception et sa planification», a précisé Pestana.
«Les musées sont créés en tenant compte des lacunes, de l'intérêt et du rôle fondamental d'une institution culturelle à AlUla et dans la région. Ce musée a pour objectif d'être performant, de défendre les intérêts de son peuple, de contribuer aux plans et à la vision du Royaume et de s'y aligner», a-t-elle ajouté.
L'architecture du Musée d'art contemporain et du Musée de la route de l'encens sera en harmonie avec l'environnement naturel et le patrimoine d'AlUla, et plus largement de l'Arabie saoudite, offrant un moyen de célébrer le patrimoine naturel du pays tout en donnant l'impulsion à un dialogue créatif international.
En mai, Ghotmeh, l'architecte qui a conçu le Musée d'art contemporain, a déclaré qu'il «plongerait les visiteurs dans un voyage créatif de l'étendue désertique à l'oasis culturelle luxuriante d'AlUla, entremêlant l'environnement naturel, l'agriculture et l'art pour révéler le cœur de la culture contemporaine».
On y parviendra grâce à une série de pavillons de jardins qui présenteront une interaction constante entre l'art et la nature, conçue pour capturer «l'essence de ce lieu unique», a-t-elle expliqué.
AlUla n'est pas la seule région d'Arabie saoudite à bénéficier d'une série d'investissements culturels. Le Musée de la mer Rouge à Djeddah, par exemple, doit ouvrir prochainement.
L'exposition permanente «Black Gold» («Or noir»), qui se tiendra à Riyad et sera consacrée aux interprétations de l'histoire du pétrole par les artistes, devrait être achevée d'ici à 2024. Elle proposera un récit de l'histoire du pétrole, de la préhistoire à nos jours, à travers plus de 200 œuvres d'art contemporain.
Il sera inauguré en partenariat avec le Centre d'études et de recherche sur le pétrole roi Abdallah, dont le siège social se trouve à Riyad.
En développant et en promouvant des expositions locales telles que celles-ci, et en plaçant les espaces artistiques au cœur de ses plans de transformation, l’Arabie saoudite semble bien placée pour devenir un centre régional pour l'art et les industries créatives.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com