PARIS: Des organisations de magistrats, avocats et personnels pénitentiaires ont critiqué jeudi "l'indécence" du garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti qui s'est félicité d'un taux de "95% de condamnations", souvent accompagnées de prison ferme, après les émeutes causées par la mort de Nahel.
La réponse pénale "ferme, rapide, systématique" demandée par le ministre aux parquets est un "appel à la répression qui montre la méconnaissance du rôle des magistrats dans l'individualisation, tant des modes de poursuites que des peines prononcées", écrivent dans un communiqué l'Association nationale des juges de l'application des peines (ANJAP), le Syndicat de la magistrature et le Syndicat des avocats de France (classés à gauche), l'Observatoire international des prisons, et des syndicats de personnels pénitentiaires.
Devant l'Assemblée nationale mercredi, Eric Dupond-Moretti avait rappelé sa demande de fermeté aux procureurs, et s'était réjoui d'un bilan "à la hauteur".
Entre le 27 juin et le 13 juillet, "1 278 jugements ont été prononcés, avec 95% de condamnations", "souvent avec mandat de dépôt" (départ en prison directement après l'audience), avait-il annoncé.
Le ministre avait précisé que "1 056 personnes ont été condamnées à une peine d'emprisonnement, dont 742 à une peine ferme". Au total, "près 600 personnes ont été incarcérées", avait-il ajouté.
"Nous, acteurs et actrices du milieu prison-justice, nous désolons de constater que le garde des Sceaux rend compte de l'action de la justice par une succession de chiffres censés représenter la fermeté et l'efficacité de l'action étatique", écrivent-ils. "Il alimente ainsi l'idée simpliste selon laquelle la prison est la seule réponse efficace à la délinquance".
"Au-delà de l'indécence à se prévaloir de placements massifs de personnes" en détention, il est "ici éludé" que le taux d'occupation moyen dans les maisons d'arrêt "frôle les 145%", écrivent aussi ces organisations.
La mort de Nahel, 17 ans, tué à bout portant par un policier lors d'un contrôle routier à Nanterre, a embrasé le pays, provoquant plusieurs nuits consécutives de violences, d'incendies de voitures, de saccages de bâtiments publics et de pillages dans de nombreuses villes de France.
Au total plus de 1 300 personnes ont été présentées à la justice après ces émeutes, dont 608 mineurs - qui n'ont pour la plupart pas été jugés, la procédure étant plus longue pour les moins de 18 ans.