ALGER: L’Algérie a dénoncé samedi des « manœuvres étrangères » visant à la déstabiliser et pointé du doigt Israël, après la reconnaissance par les Etats-Unis de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, en contrepartie d'une normalisation des relations du Maroc avec l'Etat hébreu.
« Il y a des manœuvres étrangères qui visent à déstabiliser l'Algérie. Il y a maintenant une volonté de +l'entité sioniste+ (ndlr: Israël) de se rapprocher de nos frontières », a accusé le Premier ministre algérien, Abdelaziz Djerad, dans la première réaction de son pays à la décision américaine.
L'annonce surprise jeudi du président sortant, Donald Trump, de reconnaître la souveraineté marocaine sur l'ancienne colonie espagnole disputée, en échange de l'engagement de Rabat à normaliser ses relations avec Israël, a été aussitôt rejetée par les indépendantistes du Front Polisario soutenus par l'Algérie.
« Le conflit du Sahara occidental est une question de décolonisation qui ne peut être résolue qu’à travers l'application du droit international », a réaffirmé samedi, dans un communiqué, le ministère algérien des Affaires étrangères, soulignant que la décision américaine était « sans effet juridique ».
Le Polisario se dit « en état de guerre de légitime défense » depuis que le Maroc a envoyé le 13 novembre des troupes à l'extrême sud du territoire pour chasser un groupe de militants indépendantistes sahraouis qui bloquait la seule route vers la Mauritanie.
La question du statut du Sahara occidental, toujours considéré comme un « territoire non autonome » par l'ONU en l'absence d'un règlement définitif, oppose depuis des décennies le Maroc aux indépendantistes sahraouis.
Le Polisario réclame un référendum d'autodétermination, prévu par l'ONU, tandis que le Maroc, qui contrôle plus des deux tiers de ce vaste territoire désertique, propose un plan d'autonomie sous sa souveraineté.
Les négociations menées par l'ONU et impliquant le Maroc et le Polisario avec l'Algérie et la Mauritanie en tant qu’observateurs sont suspendues depuis mars 2019.
« Le rapprochement entre le Maroc et Israël ouvre la voie, si ce n’est déjà fait, à une aide israélienne au profit de l’armée marocaine dans de nombreux domaines, dont certains particulièrement dangereux: surveillance électronique, surveillance du ciel, drones, espionnage, manipulation de l'internet », estime le journaliste et analyste algérien Abed Charef.
« Il est désormais évident que l’armée israélienne est à nos frontières », observe M. Charef sur son compte Facebook.
Pour le politologue Mansour Kedidir, une telle présence, sous quelque forme que ce soit, s'apparenterait à « une provocation » et à « une manifestation belliciste du voisin marocain ».
« Menaces imminentes »
Dans son numéro de décembre, l'influente revue de l'Armée nationale populaire (ANP), El-Djeïch, appelle les Algériens à se tenir prêts à faire face à des « menaces imminentes ».
Son éditorial prémonitoire fait état de « la détérioration de la situation régionale le long de notre bande frontalière et (de) la menace que font peser certaines parties ennemies sur la sécurité de la région ces derniers temps ».
Selon la revue de l'ANP, l’Algérie est « contrainte » d’assumer ses « obligations régionales imposées par son rôle pivot, outre ses positions de principe immuables de soutien à toutes les causes justes ».
Depuis son indépendance, l'Algérie a pris fait et cause pour « le droit des peuples à l'autodétermination », en particulier celui des Sahraouis et des Palestiniens, dont elle est un des soutiens les plus vocaux.
Pour répondre à ses « obligations régionales », l'Algérie a adopté par référendum le 1er novembre un amendement constitutionnel qui révise la doctrine de son armée, la plus puissante du Maghreb.
Pour la première fois, l'ANP pourra désormais être autorisée à effectuer des missions de maintien de la paix hors des frontières de l'Algérie, pays limitrophe de zones de conflits: la Libye à l'Est et le Sahel au Sud.
Pour autant, rien n'est joué, souligne Mansour Kedidir car « l'administration (du président élu) Jo Biden ne peut pas violer les résolutions pertinentes des Nations unies dans cette affaire ».
Réagissant à la décision de Donald Trump, l'ONU -- qui maintient une opération de paix au Sahara occidental (Minurso) -- a assuré que sa position était « inchangée ».
Selon le secrétaire général Antonio Guterres, « la solution à cette question peut toujours être trouvée sur la base des résolutions du Conseil de sécurité ».