JUBA: La Tunisie, l’un des cinq principaux producteurs mondiaux d’huile d’olive, se trouve à un tournant décisif. L’industrie de l’huile d’olive du pays, qui a longtemps été une source vitale de stabilité économique et de devises étrangères, se trouve confrontée à des défis qui pourraient être déterminants pour son avenir.
Avec l’essor de l’agriculture superintensive qui a recours à des méthodes et des variétés d’olives espagnoles, la Tunisie a connu une augmentation des niveaux de production et des bénéfices pour les grands investisseurs. Cependant, de nouveaux obstacles viennent entraver ce succès.
Alors que le secteur évolue vers une mécanisation et des pratiques non durables, la durabilité à long terme du secteur tunisien de l’huile d’olive, ainsi que le bien-être des communautés locales, le climat et l’écologie uniques du pays, sont en jeu.
L’oléiculture est profondément ancrée dans le paysage agricole tunisien, avec plus de 300 000 producteurs et environ 1,7 million d’hectares d’oliviers. Cette vaste zone de culture couvre 35% des terres cultivables de la Tunisie, ce qui en fait l’occupation agricole la plus importante en termes d’utilisation des terres.
L’oléiculture constitue également une source importante d’emplois, puisque pendant les saisons de récolte, les femmes et les jeunes trouvent souvent un travail temporaire dans le secteur. Pourtant, une grande partie des récoltes est exportée par des entreprises européennes qui ne tiennent pas compte de leur provenance.
Cet étiquetage défaillant s’explique par le fait que les huiles d’olive tunisiennes sont souvent sous-évaluées et que les consommateurs ont tendance à préférer les marques européennes bien établies.
«Ce problème d’étiquetage est important dans la mesure où les consommateurs finissent souvent par payer pour de l’huile d’olive dite “vierge extra” alors qu’elle est de qualité inférieure», explique Anita Zachou, experte en huile d’olive, dans un entretien accordé à Arab News.
Pour cette spécialiste, les variétés d’huile d’olive tunisiennes comme les Chetoui, Sayali et Chemlali ont un potentiel important pour séduire les clients et satisfaire leurs goûts.
Cependant, ces dernières années, en Tunisie, les variétés espagnoles sont de plus en plus plantées «parce qu’elles peuvent fournir des récoltes rapides», confie Habib ben Moussa, un expert environnemental de Tunis, à Arab News. Il insiste sur leur durée de vie limitée (environ trente ans).
«Le Chemlali est une variété locale très productive; il peut concurrencer les variétés grecques et espagnoles, qui mettent à rude épreuve les sources d’eau locales», ajoute M. Ben Moussa. «Compte tenu de la fréquence croissante des années sèches, liée au changement climatique, il est peu probable que les variétés espagnoles perdurent.»
Judy Ridgway, une autre experte en huile d’olive, note que «les huiles d’olive tunisiennes commencent à faire leur entrée sur le marché britannique sous leurs propres noms, distincts des mélanges internationaux, mais il reste encore beaucoup à faire pour accroître leur sensibilisation et leur reconnaissance.»
Malgré les difficultés rencontrées pour commercialiser de nouvelles marques sur les marchés internationaux, les entreprises tunisiennes ont fait des progrès significatifs en améliorant la qualité de leurs produits ces dernières années. Elles ont activement participé à des compétitions internationales et ont reçu des prix.
Evoo Zeet, l’une de ces sociétés récompensées, a joué un rôle primordial dans l’introduction de l’huile d’olive vierge extra tunisienne sur le marché britannique en 2017.
«L’approvisionnement en huile d’olive tunisienne de haute qualité peut être difficile en raison des politiques et de l’exigence de grandes quantités de la part des acheteurs», déclare le propriétaire Daly Hamdi à Arab News.
En outre, le changement climatique et le stress hydrique ont rendu encore plus compliquée la production d’huile d’olive en Tunisie et dans d’autres pays méditerranéens, poursuit M. Hamdi. «La sécheresse et la pénurie de main-d’œuvre continuent de poser des défis importants à l’industrie, faisant grimper le coût de l’huile d’olive. Alors que le gouvernement tunisien soutient les grands producteurs, les petits ont du mal à bénéficier du soutien nécessaire.»
Malgré les défis de l’industrie de l’huile d’olive en Tunisie, il ne s’agit pas d’une situation isolée puisque l’ensemble de l’Europe du Sud, y compris le plus grand producteur d’olives au monde, l’Espagne, fait face à sa propre crise en raison d’une vague de chaleur. Cela risque de donner une deuxième mauvaise récolte consécutive, ce qui entraînera des lacunes potentielles au niveau des produits vendus et des prix encore plus élevés.
«En conséquence, les clients peuvent préférer des produits plus abordables aux huiles d’olive», déclare à Arab News Yacine Amor, directeur général de l’Artisan Olive Oil Company, une autre société très reconnue spécialisée dans les huiles d’olive tunisiennes.
M. Amor rappelle combien il est important de préserver le caractère unique de l’huile d’olive tunisienne. Pour atténuer les défis, l’entreprise s’approvisionne à partir d’oliveraies irriguées et maintient un réseau de fournisseurs diversifié.
«Il y a des défis comme partout, mais nous restons concentrés sur la mise en place d’une marque forte.»
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com