BERLIN : «Réalistes mais pas naïfs»: Berlin a dévoilé jeudi sa nouvelle stratégie face à la Chine qui l'a aussitôt mis en garde contre toute attitude pouvant «nuire à leur coopération et leur confiance mutuelle».
En balayant un vaste éventail de sujets, allant de la politique climatique à celle des droits de l'homme, la première économie européenne veut se doter avec ce document de 64 pages d'une «boussole» dans les relations bilatérales avec son premier partenaire commercial.
«Notre objectif n'est pas de nous découpler (de Pékin). Mais nous voulons réduire les dépendances critiques», a déclaré le chancelier allemand Olaf Scholz confirmant le repositionnement initié par Berlin ces derniers mois.
La doctrine «atténuer les risques sans couper les ponts» avec la Chine est devenu le mantra à Bruxelles et Berlin, en quête d'un rééquilibrage dans les relations avec Pékin, tout en échappant aux pressions exercées par les Etats-Unis, partisans d'une ligne dure.
«Pour nous, la Chine est et reste un partenaire, un concurrent et un rival systémique», a-t-il martelé.
Ces deux derniers qualificatifs ont été aussitôt rejetés par Pékin: ils ne correspondent «pas à des faits objectifs et ne sont pas dans l'intérêt des deux pays», a déclaré, dans un communiqué, l'ambassade chinoise à Berlin.
- «Malentendus et erreurs d'appréciation» -
Elle a également mis en garde contre «une vision idéologique de la Chine... qui ne ferait qu'intensifier les malentendus et les erreurs d'appréciation, et nuirait à la coopération et à la confiance mutuelle».
Le document présenté jeudi fait suite à la toute première stratégie de sécurité nationale de l'Allemagne, publiée à la mi-juin.
«Nous sommes réalistes, mais pas naïfs», a prévenu la ministre des Affaires étrangères Annalena Baerbock.
Le document, au ton mesuré, fait alterner mises en garde et appels à travailler ensemble.
«La rivalité systémique avec la Chine ne signifie pas que nous ne pouvons pas coopérer. Au contraire (...)», peut-on y lire.
«Il ne sera pas possible de surmonter la crise climatique sans la Chine», juge encore Berlin.
Pour autant le gouvernement allemand «est préoccupé par les efforts déployés par la Chine pour influencer l'ordre international dans le sens des intérêts de son système de parti unique et, ce faisant, pour relativiser les fondements de l'ordre fondé sur des règles, tels que le statut des droits de l'homme».
«Elle met délibérément sa puissance économique au service de ses objectifs politiques», estime Berlin.
Cette nouvelle stratégie allemande intervient dans un contexte général d'inquiétudes croissantes en Europe et aux Etats-Unis vis-à-vis des ambitions de la Chine.
La crise du Covid en 2020 a révélé les fragilités des chaînes d'approvisionnement européennes, victimes de la fermeture des frontières, tandis que la guerre en Ukraine a montré le risque d'une dépendance à la Russie pour les fournitures de gaz.
Les menaces chinoises visant Taïwan, les accusations de persécutions contre les Ouïghours, l'absence de condamnation par Xi Jinping de l'invasion l'Ukraine ont également alimenté la défiance.
- Intérêts pris en compte -
Si les grandes entreprises allemandes ne peuvent se priver de ce marché de plus de 1,4 milliard d'habitants, où elles investissent massivement, le document les encourage à chercher de nouveaux débouchés et partenaires.
La publication de la stratégie allemande a été retardée de plusieurs mois en raison de tiraillements au sein de la coalition gouvernementale.
Ces désaccords avaient notamment été mis en lumière lorsque M. Scholz avait soutenu la vente à une entreprise publique chinoise d'une participation partielle dans un terminal du port de Hambourg, malgré les objections des Verts.
La capacité de «trouver des compromis» est «la force des démocraties» par rapport aux autocraties, a souligné Mme Baerbock à propos du document finalement négocié par les partis de la coalition.
La Fédération de l'industrie allemande (BDI) a salué un texte qui apporte de la clarté, répondant aux «risques géopolitiques» tout en prenant en compte «les intérêts de l'Allemagne pour des relations économiques substantielles avec la Chine».