PARIS : A la veille du 14 juillet, le Parlement s'apprête à adopter définitivement le projet de programmation militaire du gouvernement: 413 milliards d'euros sur sept ans et des mesures de modernisation des Armées, mais aussi des reports de livraisons.
La mission est bientôt accomplie pour le ministre des Armées Sébastien Lecornu: l'exécutif espérait symboliquement faire adopter le texte avant la Fête nationale.
Ce projet de loi de programmation militaire (LPM) a été largement adopté pour la deuxième fois mercredi à l'Assemblée, et va être soumis jeudi dans la matinée au vote final du Sénat, dominé par la droite.
Dans un contexte de multiples tensions internationales et de la guerre en Ukraine, il prévoit de consacrer 413,3 milliards d'euros aux Armées sur sept ans, de 2024 à 2030 (dont 13,3 milliards provenant de ressources extra-budgétaires).
Cette trajectoire devra encore être validée chaque année dans les budgets de l'Etat. Elle entraînera une forte hausse de 40% par rapport à la précédente LPM (2019-2025).
Mais le gouvernement s'est longuement vu accusé de prévoir opportunément les dépenses les plus fortes après 2027, et la fin du quinquennat Macron.
Après un long bras de fer avec le Sénat, la cadence a finalement été accélérée en commission mixte députés-sénateurs: 2,3 milliards doivent être débloqués plus rapidement, d'ici à 2027.
Le rapporteur LR au Sénat Christian Cambon a salué mercredi une "rallonge", grâce "à l'intervention du président du Sénat" Gérard Larcher qui a "contacté la Première ministre", selon le sénateur.
En première lecture, la chambre haute avait été massivement favorable au texte (314 voix contre 17), seul le groupe communiste ayant voté contre et les écologistes s'étant majoritairement abstenus.
A l'Assemblée, le texte a été adopté avec les voix du camp présidentiel, des LR, du RN et du PS.
Les oppositions, notamment à gauche, critiquent des "effets d'annonce", soulignant qu'une trentaine de milliards couvrira l'inflation, et que des crédits découlent de la LPM précédente - "100 milliards" selon les socialistes.
Où vont les milliards ?
De vraies divergences de doctrine ont également éclaté entre le camp présidentiel et une partie de la gauche sur la coûteuse dissuasion nucléaire (13% des crédits), sanctuarisée en "socle" de la défense nationale. Communistes et écologistes veulent engager une sortie.
La place de la France dans l'Otan a aussi marqué les débats, et divise même au sein de la gauche - PCF et LFI veulent sortir du commandement intégré, contrairement aux socialistes.
Le député insoumis Bastien Lachaud a pointé des lacunes du texte sur "l'indépendance" industrielle ou la transition énergétique. L'écologiste Cyrielle Chatelain regrette un "manque d'ambition" sur l'Europe de la défense.
Tirant des enseignements du conflit en Ukraine, la LPM prévoit 16 milliards d’euros pour les munitions et 5 milliards pour la défense sol-air, mais n'échappe pas à des reports de livraisons.
En dépit d'efforts substantiels - 268 milliards pour les équipements, les armées recevront par exemple moins de blindés, de Rafale ou de frégates que ce qui était prévu dans la précédente programmation.
Concernant les effectifs, le gouvernement table sur 275 000 équivalents temps plein militaires et civils en 2030 (hors réservistes). Mais en "fonction de la réalité du marché du travail", le ministère pourra flécher des crédits "recrutement" vers la fidélisation des troupes (primes, avantages, etc.).
Le texte prévoit aussi des investissements pour moderniser l'armée: 10 milliards pour l'innovation, 6 pour l'espace, 5 pour les drones, 4 pour le cyber et le numérique.
Une commission parlementaire "d'évaluation" des exportations d'armes sera créée. Le Sénat avait plaidé pour une commission de "contrôle".
Le texte clarifie également les pouvoirs de réquisition de l’Etat, sujet d'inquiétudes sur les réseaux sociaux. Certains y voient un pouvoir de réquisitionner "toute personne" et "tous les biens". Ces possibilités restent toutefois juridiquement encadrées et strictement restreintes à la défense militaire, ont expliqué plusieurs experts à l'AFP.
Le texte vient enfin renforcer l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi). En cas de menace pour la sécurité nationale, elle pourra notamment engager plusieurs mesures graduelles coercitives contre des noms de domaine, et recueillir des données sur le réseau d'un opérateur, malgré de vives craintes à gauche pour la protection des données.