Bolloré et l'extrême droite: le gouvernement ne sait sur quel pied danser

L'homme d'affaires français Vincent Bolloré, président-directeur général du groupe d'investissement Bolloré et président du conseil de surveillance du conglomérat multinational français de médias de masse Vivendi, assiste à la remise du prix littéraire Bretagne (Prix Bretagne - Prix Breizh) le 26 juin 2017 à Paris. (AFP)
L'homme d'affaires français Vincent Bolloré, président-directeur général du groupe d'investissement Bolloré et président du conseil de surveillance du conglomérat multinational français de médias de masse Vivendi, assiste à la remise du prix littéraire Bretagne (Prix Bretagne - Prix Breizh) le 26 juin 2017 à Paris. (AFP)
Short Url
Publié le Mercredi 12 juillet 2023

Bolloré et l'extrême droite: le gouvernement ne sait sur quel pied danser

  • Selon un politologue, il s'agit d'un projet «métapolitique» qui consiste à «penser que la diffusion des idées est le préalable de la conquête du pouvoir». Et cette diffusion passe par les médias
  • Le sociologue Jean-Marie Charron décèle dans cette cacophonie «l'embarras» d'un gouvernement qui n'a «pas beaucoup de marge de manœuvre» juridique

PARIS: Face à la montée en puissance dans les médias de Vincent Bolloré, qui dément tout projet "politique" faisant le lit de l'extrême droite, le gouvernement est divisé sur la réponse à apporter, oscillant entre condamnation et "embarras".

Que cherche Vincent Bolloré en tissant sa toile médiatique ? "Notre intérêt n'est pas politique, il n'est pas idéologique, c'est un intérêt purement économique", répondait devant le Sénat le 19 janvier 2022 l'industriel français .

Certes Vincent Bolloré n'a jamais affiché d'ambition politique personnelle comme le magnat des médias italien Silvio Berlusconi, devenu président du Conseil.

Mais "tous les entrepreneurs qui se lancent dans la construction d’un empire médiatique ont autre chose qu’un projet de rentabilité économique. Car les médias ne sont pas rentables", estime le politologue Jean-Yves Camus, spécialiste de l'extrême droite.

En ce qui concerne Vincent Bolloré, il s'agit d'un projet "métapolitique", explique-t-il, qui consiste à "penser que la diffusion des idées est le préalable de la conquête du pouvoir". Et cette diffusion passe par les médias.

En recolterant les fruits les candidats aux élections partageant sa "représentation idéologique", dans un spectre qui va de la droite LR jusqu'à Eric Zemmour, en passant par Marine Le Pen.

Prudence

Face à ce projet, le gouvernement est resté jusqu'à présent très prudent voire partagé sur une éventuelle riposte.

Et pour cause: "il ne revient pas à l'État aujourd'hui d'interférer dans le choix d'une rédaction du domaine privé", a rappelé le porte-parole du gouvernement Olivier Véran devant l'Assemblée nationale le 27 juin.

En outre, au nom du pluralisme des médias, "la presse d'opinion est légale en France", a-t-il insisté.

La rédaction du JDD, qui devrait bientôt rejoindre la galaxie Bolloré et fait grève depuis plusieurs semaines contre la nomination à sa tête de Geoffroy Lejeune, journaliste marqué à l'extrême droite, a appelé samedi Emmanuel Macron à se "saisir au plus vite" des questions d'indépendance de la presse, dans une lettre publiée par Ouest-France.

En épinglant à cette occasion "la discrétion" de l'exécutif qui "semble ainsi avaliser ce nouveau coup porté à l'indépendance des médias".

La ministre de la Culture Rima Abdul Malak a certes engagé avec les parlementaires "une réflexion" pour faire évoluer la loi Bloche de 2016 qui vise à renforcer l'indépendance des médias, selon M. Véran. Les Etats généraux de l'information pourront aussi interroger la manière de "préserver les comités de rédaction de l'influence d'actionnaires extérieurs".

Mais le porte-parole admet qu'à ce stade, la seule question qui se pose est de savoir si M. Bolloré prend "acte de la volonté ou non des salariés" du JDD.

Ndiaye hausse le ton 

Le ministre de l'Education nationale Pap Ndiaye a lui clairement affiché dimanche son soutien à la "mobilisation des personnels du JDD" en s'en prenant à Vincent Bolloré, un "personnage manifestement très proche de l'extrême droite la plus radicale" et à sa chaîne CNews, devenue "clairement d'extrême droite", tout comme la radio Europe 1.

Des propos qui ont suscité la polémique jusque dans les rangs macronistes.

"Si je pensais qu’Europe 1 était une radio d’extrême droite, je ne serais pas venu à votre antenne ce matin", s'est ainsi démarqué mardi le ministre de la Fonction publique Stanislas Guerini.

Le parti LR et des élus RN ont, eux, apporté leur soutien à CNews, quand le sénateur PS David Assouline, qui avait auditionné M. Bolloré, et plusieurs membres de l'aile gauche de la macronie, ont salué les propos de Pap Ndiaye

Le sociologue Jean-Marie Charron décèle dans cette cacophonie "l'embarras" d'un gouvernement qui n'a "pas beaucoup de marge de manœuvre" juridique.

"La loi sur la liberté de la presse de 1881 est extrêmement claire, elle dit que le propriétaire est le directeur de publication, et en tant que tel il a la main sur l’orientation éditoriale. Le rédacteur en chef ou le directeur de la rédaction, juridiquement ça n’existe pas", souligne-t-il.

Conçue à une époque où les journaux d'opinion étaient nombreux, elle vise à "laisser aux éditeurs la totale indépendance en matière de contenu". Si bien que ce spécialiste des médias "ne voit pas du tout comment le politique peut interférer".


Paris entend résoudre les tensions avec Alger « sans aucune faiblesse »

le chef de la diplomatie française, chef de la diplomatie française (Photo AFP)
le chef de la diplomatie française, chef de la diplomatie française (Photo AFP)
Short Url
  • Le chef de la diplomatie française a assuré mardi que Paris entendait résoudre les tensions avec Alger « avec exigence et sans aucune faiblesse ».
  • « L'échange entre le président de la République (Emmanuel Macron, ndlr) et son homologue algérien (Abdelmadjid Tebboune) a ouvert un espace diplomatique qui peut nous permettre d'avancer vers une résolution de la crise », a-t-il ajouté.

PARIS : Le chef de la diplomatie française a assuré mardi que Paris entendait résoudre les tensions avec Alger « avec exigence et sans aucune faiblesse ». Il s'exprimait au lendemain d'un entretien entre les présidents français et algérien, qui visait à renouer le dialogue après huit mois de crise diplomatique sans précédent.

« Les tensions entre la France et l'Algérie, dont nous ne sommes pas à l'origine, ne sont dans l'intérêt de personne, ni de la France, ni de l'Algérie. Nous voulons les résoudre avec exigence et sans aucune faiblesse », a déclaré Jle chef de la diplomatie française devant l'Assemblée nationale, soulignant que « le dialogue et la fermeté ne sont en aucun cas contradictoires ».

« L'échange entre le président de la République (Emmanuel Macron, ndlr) et son homologue algérien (Abdelmadjid Tebboune) a ouvert un espace diplomatique qui peut nous permettre d'avancer vers une résolution de la crise », a-t-il ajouté.

Les Français « ont droit à des résultats, notamment en matière de coopération migratoire, de coopération en matière de renseignement, de lutte contre le terrorisme et au sujet bien évidemment de la détention sans fondement de notre compatriote Boualem Sansal », a affirmé le ministre en référence à l'écrivain franco-algérien condamné jeudi à cinq ans de prison ferme par un tribunal algérien. 


Algérie: Macron réunit ses ministres-clés au lendemain de la relance du dialogue

Emmanuel Macron, président français (Photo AFP)
Emmanuel Macron, président français (Photo AFP)
Short Url
  • Emmanuel Macron  réunit mardi plusieurs ministres en première ligne dans les relations avec l'Algérie, dont Bruno Retailleau, Gérald Darmanin et Jean-Noël Barrot, au lendemain de l'appel avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune
  • Le président français a décidé, à la suite de ce coup de fil, de dépêcher le 6 avril à Alger le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot afin de « donner rapidement » un nouvel élan aux relations bilatérales.

PARIS : Emmanuel Macron  réunit mardi à 18H00 plusieurs ministres en première ligne dans les relations avec l'Algérie, dont Bruno Retailleau, Gérald Darmanin et Jean-Noël Barrot, au lendemain de l'appel avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune pour relancer le dialogue, a appris l'AFP de sources au sein de l'exécutif.

Le président français a décidé, à la suite de ce coup de fil, de dépêcher le 6 avril à Alger le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot afin de « donner rapidement » un nouvel élan aux relations bilatérales après des mois de crise, selon le communiqué conjoint publié lundi soir.

Le ministre français de la Justice, Gérald Darmanin, effectuera de même une visite prochainement pour relancer la coopération judiciaire.

Le communiqué ne mentionne pas en revanche le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, figure du parti de droite Les Républicains, partisan d'une ligne dure à l'égard de l'Algérie ces derniers mois, notamment pour obtenir une nette augmentation des réadmissions par le pays de ressortissants algériens que la France souhaite expulser.

Bruno Retailleau sera présent à cette réunion à l'Élysée, avec ses deux collègues Barrot et Darmanin, ainsi que la ministre de la Culture, Rachida Dati, et celui de l'Économie, Éric Lombard, ont rapporté des sources au sein de l'exécutif.

 Dans l'entourage du ministre de l'Intérieur, on affirme à l'AFP que si la relance des relations décidée par les deux présidents devait bien aboutir à une reprise des réadmissions, ce serait à mettre au crédit de la « riposte graduée » et du « rapport de force » prônés par Bruno Retailleau. 


Algérie: la relance de la relation décriée par la droite

Cette photo prise le 25 août 2022 montre les drapeaux français et algérien avant l'arrivée du président français à Alger pour une visite officielle  afin d'aider à rétablir les liens avec l'ancienne colonie française, qui célèbre cette année le 60e anniversaire de son indépendance. (Photo Ludovic MARIN / AFP)
Cette photo prise le 25 août 2022 montre les drapeaux français et algérien avant l'arrivée du président français à Alger pour une visite officielle afin d'aider à rétablir les liens avec l'ancienne colonie française, qui célèbre cette année le 60e anniversaire de son indépendance. (Photo Ludovic MARIN / AFP)
Short Url
  • La droite a dénoncé mardi la relance de la relation bilatérale avec l'Algérie en minimisant son impact sur les obligations de quitter le territoire (OQTF).
  • Selon l'élu des Alpes-Maritimes, cette conversation entre les deux chefs d'État signifie « que les ministres n'ont aucun pouvoir, M. Retailleau en premier ».

PARIS : La droite a dénoncé mardi la relance de la relation bilatérale avec l'Algérie en minimisant son impact sur les obligations de quitter le territoire (OQTF), Laurent Wauquiez déplorant « une riposte très provisoire » et Éric Ciotti, allié du RN, dénonçant une relation « insupportable » entre les deux pays.

« La riposte était très graduée et en plus très provisoire », a réagi Laurent Wauquiez sur X au lendemain de la conversation entre les présidents français Emmanuel Macron et algérien Abdelmadjid Tebboune, qui ont acté une relance de la relation bilatérale, après des mois de crise.

Lors de la réunion du groupe des députés LR, l'élu de Haute-Loire, qui brigue la présidence du parti face au ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, s'est dit convaincu que les autorités algériennes n'accepteront pas les OQTF.

« On va se retrouver dans 90 jours avec les OQTF dangereux qui seront dans la nature. Nous ne pouvons pas l'accepter », a déploré le député de Haute-Loire.

De son côté, Éric Ciotti, l'ancien président des LR alliés avec le RN, a directement ciblé le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau sur CNews, lui reprochant de n'avoir montré que « des petits muscles face à Alger ».

Selon l'élu des Alpes-Maritimes, cette conversation entre les deux chefs d'État signifie « que les ministres n'ont aucun pouvoir, M. Retailleau en premier ».

« La relation privilégiée Macron-Algérie depuis 2016 perdure. Et cette relation est insupportable, parce qu'elle traduit un recul de notre pays. »

Les deux présidents, qui se sont entretenus le jour de l'Aïd el-Fitr marquant la fin du ramadan, ont marqué « leur volonté de renouer le dialogue fructueux », selon un communiqué commun.

La reprise des relations reste toutefois subordonnée à la libération de l'écrivain Boualem Sansal et à des enjeux de politique intérieure dans les deux pays.