Le monde est témoin de nombreux conflits et de crises humanitaires. Chacun apporte son propre lot de circonstances et de complexité. On cite par exemple la crise des Rohingyas au Myanmar et la question palestinienne au Moyen-Orient, qui ont retenu l’attention en raison de leur nature prolongée et du sort des communautés touchées.
Les Rohingyas et les Palestiniens sont victimes, depuis longtemps, de troubles politiques, de discrimination et de marginalisation. Les Rohingyas, un groupe ethnique minoritaire qui vit dans l’État de Rakhine, au Myanmar, font face à des persécutions systémiques et au déni de citoyenneté depuis que la loi de 1982 sur la citoyenneté les a privés de leurs droits. De même, les Palestiniens ont connu la dépossession et le déplacement depuis la création de l’État d’Israël, en 1948, ce qui a entraîné le déplacement de centaines de milliers de Palestiniens.
Olivier De Schutter, rapporteur spécial de l’ONU sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme, a récemment mis en lumière l’urgence de remédier à la situation de près d’un million de Rohingyas qui résident dans des camps surpeuplés à Cox’s Bazar, au Bangladesh. Il avertit que les réfugiés rohingyas au Bangladesh sont confrontés au même sort que les Palestiniens, puisqu’ils sont pris au piège dans une crise durable et de plus en plus négligée. Il affirme qu’il est essentiel de leur accorder le droit de travailler dans leur pays d’accueil. En effet, compter uniquement sur la diminution de l’aide internationale n’est pas viable.
M. De Schutter, qui s’est récemment rendu à Cox’s Bazar, décrit des conditions «absolument terribles». Les gens qu’il a rencontrés sont profondément désespérés. Les réfugiés, qui ont fui la brutale répression militaire au Myanmar en 2017, sont isolés de la communauté locale et sont soumis à des conditions de vie sordides. Alors que la communauté internationale a exprimé son indignation face à la violence infligée aux Rohingyas il y a plus de cinq ans, l’attention s’est désormais portée sur d’autres crises, ce qui fait que les réfugiés sont de plus en plus délaissés.
L’annonce récente du Programme alimentaire mondial, selon laquelle l’allocation alimentaire accordée aux réfugiés rohingyas a été réduite à 8 dollars par personne par mois (1 dollar = 0,92 euro) en raison d’un financement insuffisant aggrave une situation déjà désastreuse. M. De Schutter prévient que cette réduction de l’aide, combinée à la hausse des prix des denrées alimentaires, entraînera une détérioration significative de l’apport calorique et de la qualité nutritionnelle chez les réfugiés. En outre, les taux de malnutrition et de dénutrition chez les enfants vont monter en flèche, perpétuant le problème du retard de croissance chez les enfants.
Le plus préoccupant est le fait que ces personnes vulnérables dépendent entièrement de l’aide humanitaire. Elles n’ont pas le droit de travailler. Elles sont complètement prises au piège de leur situation et se trouvent dans l’incapacité de l’améliorer ou de devenir autonomes, ce qui aggrave leur sort.
La mise en garde de l’ONU attire l’attention sur les similitudes entre les réfugiés rohingyas au Bangladesh et les luttes de longue date des Palestiniens. Cet appel urgent à affronter à cette crise négligée souligne combien il est important d’accorder aux Rohingyas le droit de travailler et de les soutenir dans leur quête d’autosuffisance. Sans des efforts concertés pour remédier à leur situation difficile, ces personnes sont confrontées à un avenir marqué par une dépendance continue à l’égard de l’aide humanitaire et une détérioration de leur bien-être général.
Une similitude frappante entre les Rohingyas et les Palestiniens est le déplacement forcé qu'ils ont subi. Les Rohingyas ont fait face à plusieurs vagues d’exode en raison de violentes répressions militaires, comme la crise de 2017, qui a conduit environ un million d’entre eux à fuir vers le Bangladesh voisin. Les Palestiniens ont également connu de multiples vagues d’exil, à commencer par la Nakba, en 1948, qui a entraîné le déplacement de centaines de milliers de Palestiniens de leurs foyers et la création de camps de réfugiés dans les pays voisins.
Une autre similitude importante est la façon dont les Rohingyas et les Palestiniens sont confrontés à des défis importants dans leur quête d’un État et de l’autodétermination. Les Rohingyas, malgré leur présence de longue date au Myanmar, se sont vu refuser la citoyenneté et sont confrontés à de sévères restrictions de mouvement et d’accès aux services de base. De même, les Palestiniens ont lutté pour établir un État indépendant, notamment en raison de l’occupation par Israël de la terre palestinienne, des colonies israéliennes illégales construites sur la terre palestinienne et de l’incapacité de la communauté internationale à intervenir et à négocier efficacement un règlement définitif du conflit.
Les deux peuples ont en commun la marginalisation qu’ils ont subie au cours de leur histoire après l’effondrement de la domination coloniale et des régimes impériaux. Tant au Myanmar qu’en Israël, les gouvernements ont tenté de les déraciner de leur terre, les présentant comme des étrangers sans revendications légitimes. On a réécrit leurs récits historiques et les deux groupes persécutés ont été qualifiés d’ethnies inexistantes, d’intrus et d’envahisseurs.
Des prétextes religieux ont été utilisés pour soutenir la persécution des deux groupes. Le gouvernement du Myanmar a renforcé les factions nationalistes bouddhistes, qui promeuvent le génocide contre les Rohingyas sans défense, tandis que le gouvernement israélien a renforcé les factions nationalistes juives, qui soutiennent l’épuration ethnique des Palestiniens.
Les réponses internationales à la crise des Rohingyas et à la question palestinienne ont également fait l’objet de débats et de critiques. Dans les deux cas, la communauté internationale a eu du mal à trouver des solutions efficaces, avec une volonté politique limitée et des dynamiques géopolitiques complexes qui ont entravé les progrès. Des appels à la responsabilisation, à la justice et à l’aide humanitaire ont été lancés, mais l’action significative pour remédier aux causes profondes de ces crises est limitée.
Les Rohingyas et les Palestiniens ont en commun une longue histoire de troubles politiques, de discrimination et de marginalisation.
Dr Azeem Ibrahim
Les Rohingyas et les Palestiniens ont été confrontés à de graves violations des droits humains. Les Rohingyas auraient fait l’objet de nombreux cas d’exécutions extrajudiciaires et de violences sexuelles. Par ailleurs, leurs maisons et leurs villages auraient été détruits. Les Palestiniens ont également subi une série d’atteintes aux droits humains, notamment des restrictions de mouvement, la confiscation de terres et des actes de violence. Ces violations mettent en évidence le besoin urgent d’une intervention internationale et de la protection des droits de l’homme au sein des deux communautés.
Les Rohingyas et les Palestiniens partagent plusieurs similitudes dans leurs histoires respectives, comme les déplacements forcés, les luttes pour un État et la réponse de la communauté internationale. Les deux communautés ont enduré des conflits prolongés, ont été confrontées à de graves violations des droits humains et ont demandé reconnaissance et justice. Il est crucial que la communauté internationale reconnaisse ces similitudes, sensibilise à leur sort et œuvre à trouver des solutions durables qui respectent les droits de l’homme, la justice et le droit à l’autodétermination des Rohingyas et des Palestiniens.
Ce n’est qu’au moyen d’efforts concertés que nous pourrons espérer mettre un terme aux souffrances de ces communautés marginalisées ainsi que leur garantir un avenir plus pacifique et plus juste.
Le Dr Azeem Ibrahim est directeur du Center for Global Policy. Il est l’auteur de The Rohingyas: Inside Myanmar’s Genocide («Les Rohingyas: à l’intérieur du génocide de Birmanie»), publié aux éditions Hurst en 2017.
Twitter: @AzeemIbrahim
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com