La promesse vide du Myanmar concernant le rapatriement des Rohingyas

Des réfugiés rohingyas se dirigent vers le camp de réfugiés de Balukhali, au Bangladesh, après avoir fui le Myanmar. (AFP/File)
Des réfugiés rohingyas se dirigent vers le camp de réfugiés de Balukhali, au Bangladesh, après avoir fui le Myanmar. (AFP/File)
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Publié le Samedi 12 avril 2025

La promesse vide du Myanmar concernant le rapatriement des Rohingyas

La promesse vide du Myanmar concernant le rapatriement des Rohingyas
  • Le gouvernement du Myanmar a annoncé la semaine dernière que 180 000 réfugiés rohingyas, qui vivent actuellement dans des camps au Bangladesh, étaient "éligibles" au retour dans leur pays d'origine.
  • Il ne s'agit guère plus que d'un geste creux, d'une opération de relations publiques menée par un régime qui cherche désespérément à consolider sa légitimité chancelante. 

Le gouvernement du Myanmar a annoncé la semaine dernière que 180 000 réfugiés rohingyas, qui vivent actuellement dans des camps au Bangladesh, étaient "éligibles" au retour dans leur pays d'origine.

Cette nouvelle peut sembler être une avancée dans l'une des crises humanitaires les plus longues au monde. Après tout, les Rohingyas - un groupe minoritaire musulman - ont été soumis à une campagne militaire brutale en 2017 que l'ONU a qualifiée d'"exemple type de nettoyage ethnique". Plus de 700 000 d'entre eux ont fui vers le Bangladesh, rejoignant d'autres personnes déplacées par des vagues de violence antérieures, laissant derrière eux des villages incendiés et des vies brisées. Un accord de rapatriement, même partiel, pourrait être un signe d'espoir.

Mais si l'on gratte un peu la surface, il est clair qu'il ne s'agit que d'un geste creux, d'une opération de relations publiques d'un régime qui cherche désespérément à consolider sa légitimité qui s'effrite.

Le bilan du Myanmar sur la question des Rohingyas est une litanie de promesses non tenues. En 2017, après le tollé international suscité par le génocide, le gouvernement a signé un accord avec le Bangladesh pour faciliter le retour des Rohingyas déplacés. Pourtant, des années plus tard, moins de 1 000 personnes ont été rapatriées et même ces efforts ont été entachés d'absurdité. Les autorités du Myanmar ont proposé de loger les rapatriés dans ce qui s'apparente à des camps d'internement - des zones clôturées et entourées de barbelés, sans liberté de mouvement, sans accès à des moyens de subsistance et sans possibilité de reconstruire leur vie. Il ne s'agissait pas d'un retour à la maison, mais d'une peine de prison. Les Rohingyas, et c'est compréhensible, ont refusé. Pourquoi retourneraient-ils dans un pays qui les a systématiquement privés de leurs droits, a incendié leurs maisons et les a soumis à une violence indicible ?

Les obstacles au rapatriement ne sont pas de simples problèmes logistiques, ils sont délibérés. Prenons l'exemple de la loi de 1982 sur la citoyenneté, pierre angulaire de l'oppression des Rohingyas. Cette loi les a effectivement rendus apatrides en les excluant de la liste des groupes ethniques reconnus, malgré leur présence séculaire dans l'État de Rakhine. Sans citoyenneté, les Rohingyas ne peuvent pas posséder de terres, accéder à l'éducation ou se déplacer librement. Le gouvernement du Myanmar n'a montré aucune volonté d'abroger ou de modifier cette loi, ce qui signifie que même si 180 000 Rohingyas revenaient, ils resteraient des non-citoyens dans leur propre pays, exposés aux mêmes persécutions que celles qui les ont poussés à partir. L'annonce de l'éligibilité n'a aucun sens si l'on ne s'attaque pas à cette injustice fondamentale.

Ensuite, il y a la réalité physique : les Rohingyas n'ont nulle part où aller. Lors de la répression de 2017, l'armée du Myanmar a rasé des villages entiers, laissant derrière elle des cendres et des décombres. L'imagerie satellite a documenté la destruction systématique, et des rapports ultérieurs ont révélé que bon nombre de ces sites ont été réaffectés à des bases militaires ou réinstallés par d'autres groupes ethniques. Les terres ancestrales des Rohingyas ont disparu et le gouvernement n'a fait aucun effort sérieux pour reconstruire ou restituer les biens. Au lieu de cela, il a lancé des projets de camps "temporaires", un euphémisme pour désigner les mêmes centres de détention que ceux rejetés lors des précédents programmes de rapatriement. Pour les Rohingyas, le retour dans ces conditions n'est pas un retour à la maison, c'est un piège.

Il ne s'agit guère plus que d'un geste creux, d'une opération de relations publiques menée par un régime qui cherche désespérément à consolider sa légitimité chancelante.   Azeem Ibrahim

Le moment choisi pour cette annonce est révélateur. La junte du Myanmar, qui a pris le pouvoir lors d'un coup d'État en 2021, perd du terrain, au sens propre comme au sens figuré. L'armée d'Arakan, un groupe d'insurgés de l'ethnie Rakhine, a réalisé des avancées significatives dans l'État de Rakhine, la région même d'où les Rohingyas ont été expulsés. Le gouvernement militaire est également aux prises avec une guerre civile plus large, un effondrement économique et un isolement international. En quête désespérée d'aide et de légitimité, il se tourne vers ses voisins de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est. Cette dernière promesse de reprendre 180 000 Rohingyas relève moins de l'humanitarisme que de la volonté d'acheter la bonne volonté d'un bloc de plus en plus frustré par l'instabilité du Myanmar.

Le point de vue de l'ANASE devient encore plus clair si l'on considère l'évolution de la dynamique régionale. En janvier, la Malaisie a pris la présidence de l'ANASE et son premier ministre, Anwar Ibrahim, est un fervent défenseur des Rohingyas. Anwar a demandé à plusieurs reprises que les responsables rendent des comptes et que des secours soient apportés aux personnes déplacées, faisant ainsi pression sur le Myanmar pour qu'il agisse - ou du moins qu'il donne l'impression d'agir. En faisant miroiter la perspective d'un rapatriement, la junte espère apaiser la Malaisie et d'autres membres de l'ANASE, en détournant les critiques et en s'assurant une marge de manœuvre diplomatique. Il s'agit d'un stratagème cynique, auquel le Bangladesh, qui accueille près d'un million de réfugiés rohingyas, ne se laissera probablement pas prendre une nouvelle fois.

Le Bangladesh, pour sa part, a exprimé son scepticisme. Les fonctionnaires du ministère des affaires étrangères ont noté que les promesses du Myanmar n'ont pas été tenues à plusieurs reprises et que les conditions d'un retour volontaire en toute sécurité ne sont pas réunies. Les Rohingyas eux-mêmes, entassés dans des camps tentaculaires à Cox's Bazar, partagent cette méfiance. Ils ont déjà vu ce scénario : de grandes annonces suivies de retards bureaucratiques, des demandes impossibles (comme l'exigence de documents qu'ils n'ont pas en tant qu'apatrides) et, en fin de compte, l'inaction. Sans garantie de sécurité, de citoyenneté et d'un véritable foyer où retourner, les Rohingyas n'ont aucune raison de monter dans les bus que le Myanmar prétend envoyer.

Il ne s'agit pas d'un plan de rapatriement, mais d'un spectacle. La junte veut que le monde la considère comme un acteur responsable, coopérant avec le Bangladesh pour résoudre une crise qu'elle a elle-même créée. Mais la réalité est brutale : le Myanmar n'a aucunement l'intention d'accueillir les Rohingyas comme des citoyens à part entière. Les 180 000 personnes considérées comme "éligibles" ne sont que des chiffres sur une page, une statistique à brandir lors des sommets de l'ANASE et des réunions de l'ONU. Pendant ce temps, les Rohingyas restent pris au piège : apatrides au Bangladesh, indésirables au Myanmar et oubliés par une grande partie du monde.

La communauté internationale doit voir clair dans cette mascarade. Il convient d'accroître la pression sur le Myanmar pour qu'il démantèle les obstacles juridiques et structurels qui maintiennent les Rohingyas dans l'incertitude, à commencer par la loi de 1982 sur la citoyenneté. L'ANASE, sous la direction de la Malaisie, a l'occasion de faire pression pour que le Myanmar rende réellement des comptes et ne se contente pas de platitudes. Quant au Bangladesh, qui croule sous le poids de l'accueil d'un million de réfugiés, il mérite plus que des promesses creuses : il a besoin d'un soutien concret pour gérer la crise que le Myanmar refuse de résoudre.

Pour les Rohingyas, l'annonce du 4 avril 2025 ne change rien. Il s'agit d'un nouveau chapitre d'une saga de déplacement et de désespoir qui dure depuis des décennies. Tant que le Myanmar ne fera pas face à ses propres atrocités et n'offrira pas une véritable voie vers la justice, les 180 000 Rohingyas "éligibles" resteront là où ils sont, car retourner dans un génocide en cours n'est pas un retour du tout.

*Azeem Ibrahim est directeur des initiatives spéciales au Newlines Institute for Strategy and Policy à Washington, DC. X : @AzeemIbrahim

Clause de non-responsabilité : les opinions exprimées par les auteurs dans cette section leur sont propres et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News. 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com