BRUXELLES: Les Européens vont imposer le retrait en une heure des photos, vidéos et messages en ligne "à caractère terroriste", à la suite d'un accord intervenu jeudi, quelques semaines après les attentats qui ont frappé la France et l'Autriche.
Le compromis trouvé entre eurodéputés et représentants des Etats membres ouvre la voie à l'adoption d'un règlement dans les mois à venir. Il survient en plein sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE, qui doivent discuter vendredi de la sécurité et de la lutte antiterroriste, et quelques jours avant l'annonce par Bruxelles de projets pour mieux réguler les plateformes.
Ce règlement, proposé en 2018 par la Commission européenne, doit encore être formellement adopté par le Parlement européen et le Conseil, institution représentant les Etats membres.
Le secrétaire d'Etat français aux Affaires européennes Clément Beaune s'est réjoui d'une "avancée majeure, portée par la France".
Les réseaux sociaux se sont retrouvés sur la sellette après l'assassinat en octobre par un jeune Tchétchène réfugié en France du professeur d'histoire-géographie Samuel Paty, qui avait été vilipendé sur internet pour avoir montré à ses élèves des caricatures de Mahomet dans le cadre d'un cours sur la liberté d'expression.
"C'est un succès important que nous ayons finalement en place un délai obligatoire d'une heure pour que les plateformes comme Google, Facebook et Twitter suppriment de leurs sites la propagande terroriste signalée", s'est félicité l'un des négociateurs, l'eurodéputé Javier Zarzalejos, du PPE (droite).
"La propagande terroriste a joué un rôle clé dans les récents attentats en Europe. La différence entre une vidéo qui est en ligne une heure, trois heures ou 24 heures, ce sont des millions de vues", a-t-il ajouté.
Sanctions
Du côté de Renew Europe (centristes et libéraux), l'eurodéputée Maite Pagazaurtundua a estimé que le compromis, trouvé après près de deux ans de négociations, veillait "à ce que la liberté d'expression des utilisateurs soit garantie en ne retirant que les contenus illégaux, sans excès ni discrétion".
L'ONG Liberties a toutefois exprimé ses inquiétudes, jugeant que le règlement constituait une "menace pour les droits fondamentaux".
Au lendemain de la présentation par Bruxelles d'un nouvel agenda de lutte antiterroriste, la commissaire européenne Ylva Johansson s'est félicitée de l'accord sur une législation qui "garantit que ce qui est illégal offline est illégal en ligne".
Le compromis, dont les détails n'ont pas été dévoilés, prévoit qu'un Etat membre peut envoyer une injonction de retrait à une plateforme établie dans un autre pays de l'UE. L'Etat dans lequel est située la plateforme se voit toutefois accorder un droit de regard après le retrait, pour vérifier dans les 72 heures que la décision respecte bien le droit européen, selon une source proche des négociations.
Les Etats membres peuvent sanctionner le non-respect de ces retraits et décident du montant des pénalités, qui doivent être proportionnées à la nature et à la taille des plateformes pour ne pas faire porter une charge trop lourde aux petites entreprises.
Le règlement prévoit une possibilité de recours pour les utilisateurs qui contestent le retrait de leur contenu.
La définition d'un "contenu terroriste" correspond à celle de la directive de 2017 relative à la lutte contre le terrorisme.
Le règlement prévoit de protéger certains contenus (à caractère éducatif, journalistique, artistique ou de recherches, de même que ceux qui visent à sensibiliser contre les activités terroristes).
Une garantie qui constitue une "amélioration" par rapport au texte initial, selon Eva Simon, de l'ONG Liberties, mais qui ne suffit pas à "dissiper les inquiétudes": "la crainte est que des régimes autoritaires dans l'UE utilisent une vague définition du contenu terroriste pour faire de la censure sur internet et limiter les voix critiques", dit-elle.