PARIS : La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a infligé mardi un nouveau revers à Meta, maison mère du réseau social Facebook, accusé de collecter et traiter illégalement des données personnelles à des fins de publicité ciblée.
Le groupe américain avait déjà été forcé début avril à modifier le socle juridique sur lequel il s'appuyait pour personnaliser les publicités afin de se conformer au Règlement européen sur les données personnelles (RGPD).
Il revendiquait depuis son "intérêt légitime", une notion juridique utilisée par les entreprises lorsque les traitements de données personnelles qu'elles mettent en œuvre ne portent pas une atteinte importante aux droits et intérêts des personnes concernées.
Or, la CJUE a considéré que, "en l'absence d'un consentement de leur part, les intérêts et les droits fondamentaux [des] utilisateurs prévalaient sur l'intérêt de l'opérateur d'un réseau social en ligne à la personnalisation de la publicité par laquelle il finançait son activité".
Pour les associations de défense de la vie privée, qui tentent de forcer Facebook à demander le consentement de ses utilisateurs pour de tels traitements, il s'agit d'une victoire qui pourrait avoir de lourdes conséquences pour le réseau social.
La décision "clarifie davantage le fait que Meta ne peut pas simplement contourner le RGPD avec quelques paragraphes dans ses documents juridiques", s'est félicité dans un communiqué l'activiste autrichien Max Schrems, à la tête de l'association Noyb.
"Cela signifie que Meta doit obtenir un consentement approprié [de ses utilisateurs] et ne peut pas utiliser sa position dominante pour forcer les gens à accepter des choses qu'ils ne veulent pas", a-t-il poursuivi.
Twitter exaspère ses usagers, son rival Meta tente d'en profiter
Neuf mois après sa prise de pouvoir chez Twitter, Elon Musk a une nouvelle fois froissé ses utilisateurs en limitant sans préavis l'utilisation gratuite du réseau social, une décision à contre-courant de l'industrie, dont ses concurrents tentent de tirer profit.
Le groupe Meta de son rival Mark Zuckerberg, maison mère de Facebook, a présenté cette semaine sa nouvelle application Threads, qui vise à concurrencer frontalement Twitter.
Le lancement officiel de cette application, décrite sur la boutique Apple comme "l'application d'Instagram pour les conversations via du texte", est attendu jeudi aux Etats-Unis.
Le projet Bluesky, porté par le co-fondateur de Twitter Jack Dorsey et accessible sur invitation, tente également de se faire remarquer avec une approche plus décentralisée.
Si elles doivent encore faire la preuve de leur réelle popularité, ces initiatives entendent toutes profiter de la dégradation de l'image de Twitter depuis son rachat l'année dernière pour 44 milliards de dollars.
Le réseau à l'oiseau bleu a de nouveau suscité de fortes réactions la semaine dernière en choisissant de restreindre la lectures de tweets, à 10 000 par jour pour les comptes vérifiés, donc payants, 1 000 pour les autres et même 500 pour les nouveaux comptes, des plafonds déjà relevés deux fois en quelques jours.
L'objectif affiché est de limiter l'utilisation massive des données du réseau social par des tiers, en particulier les entreprises alimentant ainsi leurs modèles d'intelligence artificielle.
"Cela perturbait l'utilisation ordinaire" par les internautes, selon Elon Musk, qui a également mis fin la veille à la possibilité de consulter des tweets sans se connecter et s'identifier. De nombreux utilisateurs se sont plaints que certaines fonctionnalités étaient inutilisables.
Mardi, le réseau social a enfoncé le clou en annonçant réserver d'ici un mois son application TweetDeck, très utilisée par les professionnels de l'information, aux comptes certifiés, donc payants.
"La trajectoire des plateformes a été entièrement bâtie sur leur capacité à assurer un service stable et fiable sans limites d'utilisation", rappelle John Wihbey, professeur à l'université de Northeastern (Etats-Unis). Ce qui vient de se passer "semble être une volte-face", selon lui.
Contacté par l'AFP, Meta a répondu "être en train d'évaluer la décision". L'entreprise tente toujours de faire reconnaître son droit à utiliser d'autres bases légales que le consentement pour cibler la publicité. Il y a un an, l'application TikTok prévoyait également de recourir à "l'intérêt légitime", avant de suspendre sa mise à jour.
La CJUE, qui était sollicitée par l'autorité fédérale allemande de la concurrence dans le cadre d'une question préjudicielle, a également jugé que les autorités s'occupant des questions de concurrences au sein des États membres pouvaient sous certaines conditions étudier la conformité des entreprises au RGPD afin de déterminer une situation d'abus de position dominante.
Pour le président de l'autorité allemande, Andreas Mundt, "l'arrêt envoie un signal fort pour l'application du droit de la concurrence dans l'économie numérique, un domaine où les données sont déterminantes pour le pouvoir de marché", a-t-il indiqué sur Twitter.