ISLAMABAD : L'armée pakistanaise a annoncé lundi que plus de 100 personnes étaient jugées par des tribunaux militaires pour leur rôle dans les violences liées à l'arrestation le 9 mai de l'ex-Premier ministre Imran Khan, qui ont aussi valu à trois officiers d'être renvoyés.
L'arrestation de M. Khan dans une affaire de corruption le 9 mai à Islamabad avait déclenché des heurts violents entre ses supporteurs et les forces de l'ordre, qui avaient fait au moins neuf morts.
Elle avait ensuite été déclarée illégale par la Cour suprême et il avait été libéré sous caution trois jours plus tard.
Les manifestants pro-Khan avaient endommagé des édifices publics mais aussi, chose rare, des symboles militaires. Les autorités les ont accusés d'actes de terrorisme et avaient promis de les traduire devant des tribunaux militaires.
"102 mécréants sont jugés dans les tribunaux militaires déjà établis", a déclaré lundi le porte-parole de l'armée, le major-général Ahmed Sharif Chaudhry, en ajoutant que le processus était "en cours".
Les accusés ont "accès à des avocats civils" et ont le droit d'appel devant un tribunal civil et la Cour suprême, a-t-il précisé.
La décision des autorités de recourir aux tribunaux militaires a suscité de sévères critiques de la part des organisations de défense des droits humains.
Un tel processus est "incompatible avec les obligations du Pakistan au regard de la législation internationale sur les droits humains", avait notamment averti Amnesty International.
L'arrestation de M. Khan avait suscité la colère des partisans de son parti, le Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI), en particulier à l'égard de l'armée, coupable à leurs yeux de l'avoir orchestrée.
L'armée, qui exerce une influence politique considérable au Pakistan où elle a assumé le pouvoir pendant plus de trois décennies, a aussi durement sanctionné certains officiers jugés coupables de laxisme durant ces trois jours de violences.
Trois officiers, dont un général, ont ainsi été renvoyés de l'armée pour avoir "échoué à maintenir la sécurité et l'inviolabilité" de certaines installations militaires, a précisé le porte-parole.
Campagne d'intimidation
"De strictes sanctions disciplinaires" ont aussi été prises contre 15 autres officiers, dont trois généraux, a-t-il ajouté.
Après avoir été évincé du pouvoir par une motion de censure en avril 2022, M. Khan avait émis des critiques sans précédent contre l'armée, qui l'avait appuyé en sous-main lors de son élection en 2018 avant de se détourner de lui.
Il avait notamment plusieurs fois accusé un officier supérieur d'avoir comploté pour l'assassiner en novembre lors d'un meeting électoral, où il avait été blessé par balle à une jambe.
Les critiques directes à l'encontre de l'armée sont rares, car considérées comme une ligne rouge à ne pas dépasser, au risque de se retrouver dans le viseur de l'appareil sécuritaire.
Les autorités ont répondu aux incidents de mai par une sévère répression à l'encontre du PTI. Des milliers de ses sympathisants et une vingtaine de ses hauts responsables, accusés d'incitation à la violence, ont été arrêtés.
Plusieurs de ces hauts responsables ont ensuite annoncé, dès leur libération, quitter le parti ou renoncer à la politique, laissant M. Khan de plus en plus isolé et marginalisé.
Les défenseurs des droits humains ont dénoncé une campagne d'intimidation contre toute voix critique à l'égard du gouvernement et de l'armée.
M. Khan est depuis mis en cause dans des dizaines d'affaires, dont certaines liées aux violences de mai, qui lui valent des comparutions quasi-quotidiennes devant la justice.
Il dénonce un harcèlement judiciaire destiné à l'écarter des prochaines élections, prévues d'ici octobre, pour lesquelles il était le grand favori avant ces événements.