ISLAMABAD : Le ministre pakistanais de la défense, Khawaja Mohammad Asif, a qualifié jeudi l'ancien premier ministre Imran Khan d'«instigateur» des émeutiers qui ont attaqué des biens de l'État et des installations militaires pour protester contre l'arrestation de Khan au début du mois, et n'a pas exclu que son procès se tienne devant un tribunal militaire.
L'arrestation de Khan dans le cadre d'une affaire de fraude foncière, le 9 mai, a donné lieu à des manifestations violentes de plusieurs jours de la part de ses partisans, qui ont incendié des voitures et des bâtiments privés et publics, notamment des installations militaires.
De nombreux proches de Khan, ainsi que des milliers de sympathisants de son parti, le Pakistan Tehreek-e-Insaf (le Mouvement du Pakistan pour la justice), ont été arrêtés par la suite, et l'armée a annoncé que les personnes impliquées dans les violences seraient jugées en vertu des lois pakistanaises en vigueur, particulièrement la loi sur l'armée.
Le gouvernement du Premier ministre Chehbaz Charif a également déclaré cette semaine qu'il envisageait d'interdire le PTI.
Dans une interview exclusive accordée à Arab News jeudi, le ministre pakistanais de la défense a déclaré que seuls les suspects contre lesquels des «preuves absolument infaillibles ou à toute épreuve» d'incitation à des attaques contre des installations militaires ont été reconnues seraient jugés en vertu des lois de l'armée.
«Il y aura très, très peu de personnes qui seront jugées en vertu de cette loi», a-t-il précisé.
«Peut-être deux, trois ou quatre personnes, qui dirigeaient ou incitaient ces manifestants.»
Les commentaires du ministre sont intervenus alors qu'un tribunal pakistanais de la ville de Lahore, dans l'est du pays, a remis jeudi 16 civils à l'armée pour qu'ils soient jugés pour leur implication présumée dans les violentes manifestations en faveur de Khan.
Le ministre de la défense n'a pas non plus exclu la possibilité que Khan soit jugé en vertu de la loi sur l'armée et comparaisse devant un tribunal militaire.
«C'est un instigateur», a déclaré Asif. «Les preuves doivent être évaluées et les avocats ou les conseillers juridiques du gouvernement examineront la question.»
En réponse à sa déclaration de mercredi selon laquelle le gouvernement envisageait d'interdire le PTI, Asif a comparé les violences du 9 mai aux attentats du 11 septembre aux États-Unis, affirmant que la question de l'interdiction du parti avait été soulevée à cause des attaques «inimaginables» perpétrées contre des propriétés militaires.
«On n'attend pas d'un Pakistanais, d'un parti politique pakistanais ou d'un groupe pakistanais qu'il dise aux partisans d'un parti politique dirigé par son chef (Khan), ou plutôt manipulé par ce dernier, qu'il leur demande d'attaquer des installations militaires», a répliqué Asif.
Il a toutefois ajouté que le parlement serait consulté si le gouvernement décidait d'entamer le processus d'interdiction du PTI.
«Il y a une procédure d'interdiction d'un parti, bien sûr, chaque fois que cette procédure commence, si elle commence, nous la soumettrons au parlement et nous essaierons, et évidemment, il pourrait y avoir une procédure judiciaire aussi pour cela», a éclairci le ministre.
Asif a ajouté qu'il n'était personnellement pas favorable à l'interdiction des partis politiques, «mais tout le monde a une ligne rouge, même des individus comme moi ou des institutions ou des pays, et lorsque ces lignes rouges sont franchies, il faut réagir.»
Imran Khan
Commentant le fait que des collaborateurs clés de Khan aient quitté son parti, le ministre a exclu qu'il s'agisse d'une tentative de «démanteler» le PTI.
Khan a déclaré que ses collaborateurs étaient contraints de partir sous la pression du gouvernement et de l'armée dans le cadre d'une manœuvre visant à démanteler le PTI avant les élections prévues avant la fin de cette année.
Cette semaine, dans ce qui a été largement perçu comme un assouplissement de sa position, Khan a annoncé qu'il était prêt à constituer un comité chargé de mener des discussions avec des «personnalités puissantes», une référence probable aux militaires, avec lesquels Khan est engagé dans un bras de fer qui ne cesse de s'aggraver.
La légende du cricket devenue homme politique a accédé au pouvoir lors d'élections générales en 2018 dont on croit généralement qu'elles ont été truquées en sa faveur par l'armée. Les deux parties nient cette accusation, mais Khan s'est depuis lors brouillé très publiquement avec l'armée après avoir été destitué en avril dernier à la suite d'un vote parlementaire de défiance qu'il attribue à un complot des États-Unis, de l'armée et de ses rivaux politiques au Pakistan. Tous nient ces accusations.
«Nous avons besoin d'un consensus plus large entre les différents acteurs qui font partie de notre élite dirigeante ou de notre structure de pouvoir», a affirmé Asif lorsqu'on lui a demandé si le gouvernement était prêt à accepter la dernière offre de pourparlers de Khan. Il a indiqué que le pouvoir judiciaire, l'institution militaire, le parlement et les partis politiques, notamment le PTI de Khan, devraient être impliqués dans la recherche d'un consensus.
«Il doit y avoir un consensus national sur la plupart des questions», a soutenu le ministre de la défense. «Il ne s'agit pas d'un consensus entre les hommes politiques ou une ou deux autres institutions comme le pouvoir judiciaire ou l'establishment, mais d'un nouveau contrat social.»
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com