PARIS: L'économie française devrait connaître une nette baisse de régime en 2023, mais un peu moins prononcée que prévu grâce à une meilleure situation énergétique, avant une reprise progressive les deux années suivantes sur fond de rémission de l'inflation, a prédit mardi la Banque de France.
La croissance voit certains de ses moteurs grippés, comme la consommation des ménages pénalisée par la forte hausse des prix, mais l'économie française continuerait de résister cette année et échapperait à la récession, selon l'institution monétaire.
Après une hausse de 2,5% l'an dernier, le produit intérieur brut (PIB) progresserait de 0,7%, selon une prévision relevée de 0,1 point de pourcentage par la Banque de France lors de la présentation de ses projections macroéconomiques.
Elle attribue ce petit regain d'optimisme à la normalisation de la situation énergétique: les prix se calment fortement après leur flambée dans le sillage du déclenchement de la guerre en Ukraine, et le risque d'une rupture d'approvisionnement s'éloigne.
Cette prévision reste toutefois inférieure à la hausse de 1% attendue par le gouvernement.
La croissance regagnerait ensuite en vigueur, mais cette fois moins fortement qu'anticipé jusqu'ici, avec une progression de 1% du PIB en 2024 puis de 1,5% en 2025, une révision abaissée de 0,2 point dans les deux cas.
Plus confiants
La consommation des ménages profiterait du reflux de l'inflation, mais la hausse des taux d'intérêt de la Banque centrale européenne (BCE) pour freiner cette dernière pèserait sur les investissements et la conjoncture économique mondiale serait moins favorable aux exportations françaises.
"Il y a six mois, la grande crainte était d'avoir à la fois une récession et l'installation d'une inflation trop forte. Nous sommes aujourd'hui plus confiants: nous allons sortir progressivement de l'inflation tout en évitant la récession", s'est réjoui le gouverneur de la Banque de France dans une interview au journal Les Echos.
"Mais cela ne suffira pas à l'ambition de croissance de la France", a ajouté François Villeroy de Galhau, à l'heure où le gouvernement table sur des économies combinées à une activité à moyen terme plus dynamique pour redresser les finances publiques.
"Dès lors que l'on sort du mode crise et de l'urgence, il faut sérieusement s'atteler à une stratégie de transformation pour muscler notre capacité productive, en particulier la transformation du travail", a-t-il poursuivi.
Alors que le gouvernement a annoncé lundi des pistes d'économies pour au moins 10 milliards d'euros sur le quinquennat, la Banque de France a prévenu qu'à législation inchangée, le déficit public resterait supérieur à 4% du PIB en 2025 et l'endettement public ne diminuerait quasiment pas, proche de 111%.
Stratégie monétaire gagnante
Sur le front de l'inflation, l'accalmie prend de plus en plus corps. Après le passage du pic au deuxième trimestre cette année, la décrue s'annonce plus marquée au second semestre jusqu'à atteindre 4% en fin d'année (contre 7% fin 2022).
Pour l'ensemble de l'année, la Banque de France a toutefois un peu relevé sa prévision pour l'indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) - qui sert de baromètre au niveau européen. Il devrait atteindre 5,6%, après 5,9% en 2022, les prix de l'alimentation refluant moins rapidement qu'anticipé.
Leur évolution dépendra également de l'issue des renégociations commerciales entre distributeurs et industrie agroalimentaire, rouvertes sous la pression du gouvernement.
La détente serait plus prononcée à partir de 2024, avec une hausse des prix limitée à 2,4%. Elle ralentirait encore en 2025, à 1,9%, conformément à l'objectif de la BCE.
"Notre stratégie monétaire fonctionne", s'est félicité François Villeroy de Galhau.
Très sensibles aux hausses salariales, les services prendraient le relais de l'alimentation comme principal contributeur de l'inflation.
Dans ce contexte, après une stagnation en 2022, le pouvoir d'achat par habitant reculerait de 0,4% cette année. Il bénéficierait ensuite de la désinflation (+0,9% en 2024 et +0,5% en 2025), ce qui soutiendrait la consommation des ménages après un léger repli cette année (-0,1%).
Malgré une croissance modérée, l'emploi continuerait de bien tenir, avec une remontée anticipée du chômage moins forte qu'envisagé auparavant, au détriment toutefois de la productivité.
Le taux de chômage passerait de 7,1% en 2023 à 7,4% en 2024 et 7,6% l'année suivante.