Refugee Food Festival: «La cuisine donne une place aux personnes exilées»

Poulet yassa, mafé végétarien, tagine de veau aux olives : les étudiants boursiers du quartier dégustent gratuitement des plats parfumés d'Afrique de l'ouest, préparés par des personnes réfugiées en insertion. (Photo, AFP)
Poulet yassa, mafé végétarien, tagine de veau aux olives : les étudiants boursiers du quartier dégustent gratuitement des plats parfumés d'Afrique de l'ouest, préparés par des personnes réfugiées en insertion. (Photo, AFP)
Short Url
Publié le Mercredi 14 juin 2023

Refugee Food Festival: «La cuisine donne une place aux personnes exilées»

  • Lors de la 8ème édition du Refugee Food Festival, qui se tient jusqu'au 26 juin dans 13 villes en France et en Suisse, des chefs de restaurants gastronomiques ou de bistrots de quartier créent des plats à quatre mains avec des cuisiniers réfugiés
  • Parmi ces chefs, Michel Troisgros, trois étoiles au Guide Michelin, dont la famille s'est réfugiée en France pour fuir l'Italie mussolinienne, a participé au festival depuis 2018 parce que «c'est l'occasion d'être acteur du devoir d'hospitalité»

PARIS: "La cuisine donne une place aux personnes exilées" dans la société et leur permet de "faire rayonner leur culture", affirme le chef mauritanien Harouna Sow, réfugié depuis dix ans en France, qui a ouvert son restaurant et travaille avec deux cantines sociales.

Lors de la 8ème édition du Refugee Food Festival, qui se tient jusqu'au 26 juin dans 13 villes en France et en Suisse, des chefs de restaurants gastronomiques ou de bistrots de quartier créent des plats à quatre mains avec des cuisiniers réfugiés, comme lui.

Parmi ces chefs, Michel Troisgros, trois étoiles au Guide Michelin, dont la famille s'est réfugiée en France pour fuir l'Italie mussolinienne, a participé au festival depuis 2018 parce que "c'est l'occasion d'être acteur du devoir d'hospitalité".

"Quand on cuisine par amour, les gens vont apprécier", estime Harouna Sow qui espère ouvrir en 2024, au Sénégal le long d'un fleuve, un restaurant-ferme coopérative où l'"on cultive, on apprend, on cuisine, on mange".

Arrivé en France en décembre 2012 après avoir grandi en Mauritanie où sa famille d'éleveurs peuls faisait l'objet de persécutions, puis vécu au Sénégal et au Mali, il est aujourd'hui à la tête de trois établissements, dont son restaurant parisien Waalo.

"C'est mon projet personnel : ça montre aux personnes que c'est possible, qu'il n'y a pas de projet inatteignable", dit-il à l'AFP. "Il n'y a pas d'ascenseur social, c'est un escalier et cet escalier, il faut le monter en travaillant dur", dit le jeune homme de 33 ans.

Les deux autres cuisines dans lesquelles il officie sont des lieux de restauration qui forment et accueillent des cuisinières et cuisiniers réfugiés, valorisant leurs héritages culinaires, comme la Cantine des Arbustes, une cantine solidaire qui a ouvert en septembre 2022 dans le 14ème arrondissement de Paris.

«Very Food Trip»

Poulet yassa, mafé végétarien, tagine de veau aux olives : les étudiants boursiers du quartier y dégustent gratuitement des plats parfumés d'Afrique de l'ouest - facturés 5,20 euros aux non boursiers, 10,40 euros au tarif normal -, préparés par des personnes réfugiées en insertion comme Bouba, Ndeye, Abir ou Abdallah, qui s'activent aux fourneaux en cette chaude matinée de juin.

"Il y a quatre plats fixes et deux qui changent, pour que chacun puisse donner son inspiration", explique Harouna Sow.

Refugee Food qui emploie aujourd'hui 57 personnes dont 18 en insertion, c'est aussi un traiteur et un organisme de formation qui accompagne l'insertion socio-professionnelle des personnes réfugiées, avec le soutien d'une quarantaine de partenaires: Ville de Paris, Restos du coeur, entreprises...

Depuis début 2020, 276 personnes ont suivi une formation qualifiante de commis de cuisine (cours de cuisine, de français, de compétences numériques, suivi professionnel...). Une formation d'agent de la restauration collective, aux horaires "plus compatibles avec la vie de famille", a été lancée en partenariat avec des géants du secteur comme Sodexo ou Compass.

Et une "pré-formation" pour les femmes souvent "hyper motivées pour intégrer le programme, mais sans solution de garde" pour leurs enfants verra le jour en octobre.

A l'origine de Refugee Food : Marine Mandrila, 34 ans, diplômée en communication du Celsa et son compagnon Louis Martin, 35 ans, formé à l'école de commerce ESCP, deux "passionnés de cuisine" qui avaient "la bougeotte", dit la jeune femme à l'AFP.

Après deux tours du monde culinaires où ils ont cuisiné et mangé chez l'habitant, donnant lieu au livre "Very Food Trip" (Editions La Martinière) et à une série de reportages TV éponyme sur Planète+, ils se sont lancés dans ce projet en 2015, "au moment de la première grosse crise migratoire syrienne", se souvient Marine Mandrila.

Grâce au remarquable levier d'insertion pour les réfugiés qu'est la cuisine, elle veut contribuer, "à son niveau", "à ce que des personnes puissent se reconstruire". "Parce que le déracinement est l'une des pires douleurs humaines", dit-elle.


Rétrospective Mehdi Qotbi à l’IMA: l’art de faire danser les lettres arabes

Sous le pinceau de Qotbi, les lettres tournoient et dansent pour constituer un ensemble en mouvement qui capte le regard tout en restant insaisissable. (Photo Arlette Khouri)
Sous le pinceau de Qotbi, les lettres tournoient et dansent pour constituer un ensemble en mouvement qui capte le regard tout en restant insaisissable. (Photo Arlette Khouri)
Short Url
  • Sous le pinceau de Qotbi, les lettres tournoient et dansent pour constituer un ensemble en mouvement qui capte le regard tout en restant insaisissable
  • Cette œuvre libre et empreinte d’optimisme, tout comme la personne de Qotbi, puise ses racines dans l’enfance de l’artiste, dans ce quartier de Takaddoum où il est né à Rabat

PARIS: Alors que l’Institut du Monde Arabe à Paris met à l’honneur la langue arabe en collaboration avec l’Académie Internationale du Roi Salman pour la langue arabe, c’est l’écriture et les lettres arabes qui sont à l’honneur à travers la rétrospective des œuvres de l’artiste franco-marocain Mehdi Qotbi exposé à l’institut jusqu’au 5 janvier prochain.

qotbi
C’est une myriade de fraîcheur colorée qui accueille le visiteur de cette exposition et l’emporte dans l’univers joyeux, qu’expriment les œuvres de cet artiste atypique. (Photo Arlette Khouri)

C’est une myriade de fraîcheur colorée qui accueille le visiteur de cette exposition et l’emporte dans l’univers joyeux, qu’expriment les œuvres de cet artiste atypique.

Il a beau se servir des lettres arabes pour composer ses tableaux, son œuvre est à l’opposé de la calligraphie.

Son art, selon sa propre définition est plutôt « une désécriture » et non un alignement calligraphique de mots et de phrases.

Sous le pinceau de Qotbi, les lettres tournoient et dansent pour constituer un ensemble en mouvement qui capte le regard tout en restant insaisissable.

Cette œuvre libre et empreinte d’optimisme, tout comme la personne de Qotbi, puise ses racines dans l’enfance de l’artiste, dans ce quartier de Takaddoum où il est né à Rabat dans une famille modeste.

qotbi
L’universitaire et critique d’art Philippe Dagen décrit l’œuvre de Qotbi comme étant « un rapport constant et déconcertant entre peinture et écriture » et affirme que cette œuvre « s’offre et se dėrobe à l’interprétation critique. Elle se laisse admirer et ne se laisse pas saisir ». (Photo Arlette Khouri)

Dès l'enfance, Qotbi a baigné dans un univers de couleurs à l’ombre de sa mère tapissière dont il dit « elle ne savait ni lire, ni écrire, elle n’avait aucune culture. Mais elle avait la faculté de faire fusionner les couleurs », « elle savait les allier. Pour moi c’étaient des moments de rêve ».

Ce sont peut-être ces moments avec les émotions qui les accompagnent que Qotbi tente de reproduire dans son travail qui s’expose au musée Georges Pompidou à Paris ainsi qu’au musée d’art moderne, ailleurs aussi à la National Gallery of fins arts à Amman où à Houston dans le cadre de la Menil Collection.

Pourtant à l’âge de douze ans, Qotbi s’est cru destiné à une carrière militaire, il saisit l’opportunité d’un défilé militaire et aborde le ministre de la Défense de l’époque Mahjoubi Ahetdane qui l’aide à intégrer le lycée militaire de Kénitra.

Très vite, son penchant pour et le dessin pris le dessus sur son penchant pour le maniement des armes, et rejoint par la suite l’école des beaux arts de Rabat.

Sa rencontre avec le grand artiste marocain Jilali Gharbaouie finit par sceller son destin, il se consacre à sa vocation artistique qui le mène par la suite aux Beaux arts de Paris, dont il est diplômé.

Parallèlement à sa carrière d'artiste, Qotbi s’attache à transmettre sa passion aux jeunes et enseigne les arts plastiques dans des lycées à Paris et Auxerre.

Travailleur infatigable, il publie des livres d’artistes en collaboration avec de grands écrivains et poètes dont le syrien Adonis, la libanaise Andrée Chédid, la française Nathalie Sarraute et également le tchèque Vaclav Havel et le sénégalais Léopold Sedar Senghor.

L’universitaire et critique d’art Philippe Dagen décrit l’œuvre de Qotbi comme étant « un rapport constant et déconcertant entre peinture et écriture » et affirme que cette œuvre « s’offre et se dėrobe à l’interprétation critique. Elle se laisse admirer et ne se laisse pas saisir ».

Sa notoriété lui ouvre les portes des plus hautes sphères culturelles et politiques aussi bien en France qu’au Maroc, et Qotbi met cela à profit pour resserrer les liens entre son pays natal et son pays d’adoption.

Il se retrouve chargé de créer un « cercle d’amitié franco-marocain » qui s’est nourri de son large réseaux de contacts autant au Maroc qu’en France.

Le tout Paris artistique et politique était invité à l’inauguration de sa rétrospective, et bien sûr, l’épouse du président français Brigitte Macron était parmi les premiers à être présente.

 


Amira Ghenim, lauréate du Prix de la littérature arabe 2024 de l’Institut du Monde Arabe

Amira Ghenim succède à l’écrivain irakien Feurat Alani qui a reçu le Prix de la littérature arabe en 2023 pour son roman Je me souviens de Falloujah (JC Lattès). (Photo fournie)
Amira Ghenim succède à l’écrivain irakien Feurat Alani qui a reçu le Prix de la littérature arabe en 2023 pour son roman Je me souviens de Falloujah (JC Lattès). (Photo fournie)
Short Url
  • Le désastre de la maison des notables (finaliste de l’Arab Booker Prize, prix Comar d’Or en Tunisie en 2021) est son deuxième roman, mais le premier à être traduit en français
  • Amira Ghenim succède à l’écrivain irakien Feurat Alani qui a reçu le Prix de la littérature arabe en 2023 pour son roman Je me souviens de Falloujah (JC Lattès)

PARIS : Pierre Leroy, administrateur délégué de la Fondation Jean-Luc Lagardère et président du jury du Prix s’est dit ravi lundi dernier que cette nouvelle édition du Prix de la littérature arabe consacre « un roman intense, entremêlant intrigue familiale et grande Histoire, qui dessine le portrait complexe et tout en nuances d'une Tunisie en pleine mutation. L’ensemble des membres du jury et moi-même saluons par ailleurs la plume unique de l’auteure qui, grâce à un procédé narratif élaboré, a su donner naissance à une œuvre puissante, portée par une nouvelle collection qui met en lumière la littérature arabophone du Maghreb, encore trop souvent privée d’écho en France ».

Ce roman est celui d’ Amira Ghenim, lauréate du Prix de la littérature arabe 2024. Née en 1978 à Sousse en Tunisie, elle est agrégée d’arabe, titulaire d’un doctorat en linguistique et enseigne à l’université de Sousse. Elle est l’autrice d’essais universitaires et de trois romans, dont Le dossier jaune (2019) et Terre ardente (2024).

Le désastre de la maison des notables (finaliste de l’Arab Booker Prize, prix Comar d’Or en Tunisie en 2021) est son deuxième roman, mais le premier à être traduit en français.

Amira Ghenim succède à l’écrivain irakien Feurat Alani qui a reçu le Prix de la littérature arabe en 2023 pour son roman Je me souviens de Falloujah (JC Lattès).

Pour sa part, Jack Lang, Président de l’IMA, a voulu souligner « l’importance de faire rayonner la richesse des cultures du monde arabe, dont la littérature et la poésie sont des modes majeurs. Dans le contexte où la traduction des textes arabophones se raréfie, la mise en lumière des auteurs issus du monde arabe est essentielle et ce prix, également porté désormais par la jeunesse, en est le précieux instrument ».

 


Sally Rooney, Hisham Matar et Arundhati Roy appellent au boycott des institutions culturelles israéliennes

Des auteurs de renom du monde entier, dont Sally Rooney, Hisham Matar et Arundhati Roy, appellent au boycott des institutions culturelles israéliennes. (AFP)
Des auteurs de renom du monde entier, dont Sally Rooney, Hisham Matar et Arundhati Roy, appellent au boycott des institutions culturelles israéliennes. (AFP)
Short Url
  • Plus de 1 000 écrivains et professionnels de l'édition ont signé une lettre dans laquelle ils s'engagent à boycotter les institutions culturelles israéliennes
  • Les auteurs se sont engagés à ne pas travailler avec des éditeurs, des festivals, des agences littéraires et des publications israéliens qui sont "complices de la violation des droits des Palestiniens"

DUBAÏ: Des auteurs de renom du monde entier appellent au boycott des institutions culturelles israéliennes.

Plus de 1 000 écrivains et professionnels de l'édition ont signé une lettre dans laquelle ils s'engagent à boycotter les institutions culturelles israéliennes qui "sont complices ou sont restées des observateurs silencieux de l'oppression écrasante des Palestiniens".

Parmi les auteurs populaires qui ont signé la lettre figurent l'Irlandaise Sally Rooney, connue pour des romans tels que "Conversations with Friends", "Normal People" et, plus récemment, "Intermezzo"; le romancier américano-libyen Hisham Matar, lauréat du prix Pulitzer; le romancier Viet Thanh Nguyen, lauréat du prix Pulitzer; la lauréate du prix Booker Arundhati Roy; Mohsin Hamid, auteur de "The Reluctant Fundamentalist"; et la lauréate du prix Booker Avni Doshi, qui est basée à Dubaï.

Les auteurs se sont engagés à ne pas travailler avec des éditeurs, des festivals, des agences littéraires et des publications israéliens qui sont "complices de la violation des droits des Palestiniens", notamment en appliquant des "politiques et pratiques discriminatoires" ou en "blanchissant et justifiant l'occupation, l'apartheid ou le génocide d'Israël".

Les institutions qui n'ont jamais reconnu publiquement les "droits inaliénables du peuple palestinien tels qu'ils sont inscrits dans le droit international" seront également boycottées.

La campagne a été organisée par le Festival palestinien de littérature (également connu sous le nom de PalFest), qui organise chaque année des manifestations publiques gratuites dans plusieurs villes de Palestine.

"En tant qu'écrivains, éditeurs, travailleurs de festivals littéraires et autres travailleurs du livre, nous publions cette lettre alors que nous sommes confrontés à la crise morale, politique et culturelle la plus profonde du XXIe siècle", commence la déclaration, qui poursuit en indiquant qu'Israël a tué "au moins 43 362" Palestiniens à Gaza depuis octobre dernier et que cela fait suite à "75 ans de déplacement, de nettoyage ethnique et d'apartheid".

La culture "a joué un rôle essentiel dans la normalisation de ces injustices". Les institutions culturelles israéliennes, "qui travaillent souvent directement avec l'État, ont joué un rôle crucial dans l'obscurcissement, le camouflage et le lavage artistique de la dépossession et de l'oppression de millions de Palestiniens pendant des décennies".

Les travailleurs de l'industrie ont un "rôle à jouer", affirme l'engagement. "Nous ne pouvons pas, en toute conscience, nous engager avec les institutions israéliennes sans nous interroger sur leur relation avec l'apartheid et le déplacement", peut-on lire, en notant que "d'innombrables auteurs" ont adopté la même position contre l'apartheid en Afrique du Sud.

La lettre se termine par un appel aux pairs des signataires à se joindre à l'engagement.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com