Ukraine: les exilés de l'occupation russe au secours des mines de charbon

Des mineurs travaillent dans l'un des tunnels d'une mine de charbon dans la région de Dnipro, le 9 juin 2023, lors de l'invasion russe de l'Ukraine.  (Photo : Anatolii Stepanov / AFP)
Des mineurs travaillent dans l'un des tunnels d'une mine de charbon dans la région de Dnipro, le 9 juin 2023, lors de l'invasion russe de l'Ukraine. (Photo : Anatolii Stepanov / AFP)
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Publié le Dimanche 11 juin 2023

Ukraine: les exilés de l'occupation russe au secours des mines de charbon

  • Des 89 mines de charbon que comptait l'Ukraine au moment de son indépendance à la chute de l'Union soviétique, 71 se trouvent dans le Donbass
  • Certaines mines ont été inondées lors des coupures d'électricité qui ont empêché leurs pompes à eau de fonctionner, et les mines contrôlées par Kiev alimentent 30% du réseau ukrainien

MYKOLAIVKA, Ukraine : Alors que les infrastructures énergétiques ukrainiennes sont la cible d'attaques répétées de Moscou, les quelques mines de charbon encore aux mains des Ukrainiens tournent autant que possible à plein régime, grâce à de nouvelles recrues qui ont fui l'est du pays occupé par les Russes.

«Beaucoup, beaucoup de ceux qui ont été contraints de quitter la zone occupée voulaient travailler pour nous», assure Oleg Bilousov, ingénieur en chef d'un groupement de mines dans la région centrale de Dnipropetrovsk. Selon lui, le tiers des 2.780 mineurs de son entreprise sont originaires du Donbass, région industrielle de l'est de l'Ukraine en partie occupée par les Russes.

Sur un site d'extraction de charbon en Ukraine, dont la société propriétaire a demandé à l'AFP de taire la localisation précise, un ascenseur en acier rouillé arrimé à un treuil massif plonge les mineurs à 180 mètres sous terre.

Les ouvriers grimpent ensuite dans des wagons clos de métal qu'une locomotive électrique descend, à travers plus d'un kilomètre de galeries, à 370 mètres de profondeur où le charbon est extrait.

- «impossible de survivre»-

Là des mineurs comme Artyom, 37 ans qui a fait ses études à Donetsk, aujourd'hui occupée par les Russes, évoque ce mélange de pression politique et économique qui a poussé nombre d'entre eux vers l'ouest.

Pour lui, la volonté de Vladimir Poutine de s'ériger en protecteur du Donbass est une plaisanterie. L'invasion de l'Ukraine le 24 février 2022 a été justifiée par Moscou notamment par une volonté de défendre les «républiques» autoproclamées par les séparatistes prorusses à Lougansk et Donetsk dans le Donbass.

«Tout ça n'est que mensonge», estime Artyom le visage marqué par la sueur et la poussière de charbon, alors qu'il travaille pour l'équipe de maintenance du matin.

Certains de ses amis ont fui en Russie, d'autres au contraire ont comme lui choisi la partie non occupée de l'Ukraine. Mais aucun ne travaille plus dans les mines de l'est du pays.

«C'est impossible de survivre là-bas. Il n'y a littéralement aucun travail là-bas. Les conditions de vie sont vraiment très mauvaises. Ils ne sont pas payés du tout, ou ne perçoivent que très peu», raconte-t-il à l'AFP.

Malgré l'afflux de main d'oeuvre venue de l'est, la mine manque encore de bras.

«Beaucoup sont en train de se battre», poursuit Artyom.

La mine bénéficie toutefois de l'arrivée d'une main oeuvre féminine à des postes qui auraient auparavant été occupés uniquement par des hommes.

Avec ses deux enfants, sa mère et son mari, Vika, 36 ans, a fui Lysychansk dans la partie occupée par les Russes de la région de Lugansk.

«Pouvez-vous imaginez nos souffrances, pour nous les gens qui viennent de là-bas, après la fermeture des mines. Où pouvons-nous travailler? Après avoir perdu nos maisons, nous avons perdu nos emplois», confie cette ex-employée d'une épicerie aujourd'hui opératrice sur ascenseur, et responsable du transport.

Les employés comme Vika apprécient la constance du salaire, l'assurance santé qui vont de pair avec ce travail.

«Ici je me sens bien, même si je ne parle pas ukrainien couramment. Ce n'est pas du tout un problème», assure la jeune femme en salopette de travail, casque sur la tête.

«Bien sûr j'adorerais rentrer à la maison. Mais je n'ai plus de chez-moi. Il est détruit. J'espère que l'Ukraine va me permettre de rentrer chez moi et peut-être m'aider à reconstruire ma maison».

Depuis le début de la guerre, de nombreux civils ont quitté les zones occupées par la Russie à l'est de l'Ukraine, pour se réfugier dans des villes toujours contrôlées par Kiev.

Des mines des zones occupées ou proches de la ligne de front ont fermé. Certaines ont été inondées lors des coupures d'électricité qui ont empêché leurs pompes à eau de fonctionner.

- travailler deux fois plus -

Dans le centre de l'Ukraine, quand la guerre a pris de l'ampleur, «beaucoup de mineurs de cette région se sont enrôlés volontairement», explique M. Bilousov.

Les mineurs qui sont restés en poste ont dû travailler deux fois plus.

«Cela a été une période difficile pour l'entreprise et pour le pays», explique M. Bilousov. A quatre reprises l'an passé des ouvriers au fond de la mine lors de coupures de courant ont dû être évacués, raconte-t-il.

Des 89 mines de charbon que comptait l'Ukraine au moment de son indépendance à la chute de l'Union soviétique, 71 se trouvent dans le Donbass.

Les mines contrôlées par Kiev alimentent 30% du réseau ukrainien.

Elles sont gérées par DTEK, la plus important acteur privé du secteur de l'énergie en Ukraine.

Selon Kiev, depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie, 50% des infrastructures énergétiques ukrainiennes ont subi des attaques.

A partir d'octobre Moscou a attaqué ces sites, plongeant à de multiples reprises la population dans le froid et le noir.


Mobilisation en soutien à Gaza: affrontements et intervention de la police sur le campus de la UCLA à Los Angeles

Des agents de la CHP marchent près d'un campement de partisans des Palestiniens de Gaza, sur le campus de l'UCLA, à Los Angeles, Californie, États-Unis, le 1er mai 2024. (Reuters)
Des agents de la CHP marchent près d'un campement de partisans des Palestiniens de Gaza, sur le campus de l'UCLA, à Los Angeles, Californie, États-Unis, le 1er mai 2024. (Reuters)
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  • Manifestants et contre-manifestants se sont opposés à coups de bâton et se sont lancé des projectiles
  • Quelques heures plus tôt, la police de New York avait délogé des manifestants pro-palestiniens barricadés dans un bâtiment de l'université Columbia, campus américain d'où est partie la mobilisation estudiantine pro-palestinienne

LOS ANGELES : Des affrontements ont éclaté dans la nuit de mardi à mercredi en marge d'un rassemblement étudiant dénonçant la guerre menée par Israël à Gaza à l'Université UCLA, à Los Angeles, dernier épisode d'un mouvement étudiant qui secoue les Etats-Unis.

Les heurts ont éclaté quand un important groupe de contre-manifestants, pour beaucoup masqués, a attaqué un campement pro-palestinien installé sur une pelouse de l'UCLA, selon un photographe de l'AFP sur place.

Les assaillants ont tenté d'enfoncer une barricade improvisée autour du campement, composée de barrières métalliques et de panneaux de contreplaqué. Manifestants et contre-manifestants se sont ensuite opposés à coups de bâton et se sont lancé des projectiles.

«La violence en cours à l'UCLA est absolument abjecte et inexcusable», a fustigé la maire de Los Angeles, Karen Bass, ajoutant que la police de la ville était déployée sur le campus.

Cette dernière a indiqué avoir été appelée en renfort par la direction après «de nombreux actes de violence commis dans le campement à l'intérieur du campus».

Tôt mercredi, les policiers étaient toujours présents en grand nombre sur le site universitaire.

Quelques heures plus tôt, la police de New York avait délogé des manifestants pro-palestiniens barricadés dans un bâtiment de l'université Columbia, intervenant manu militari sur le campus américain d'où est partie la mobilisation estudiantine pro-palestinienne.

Le campement de tentes installé sur la pelouse du site a été démantelé, a pu constater une journaliste de l'AFP dans la nuit de mardi à mercredi.

Environ 300 personnes ont été interpellées, a indiqué la police new-yorkaise.

Dans le sud-ouest du pays, la police de l'Université de l'Arizona a annoncé mercredi matin avoir utilisé du gaz lacrymogène pour disperser «un rassemblement illégal».

En Caroline du Nord, sur la côte est, la police est intervenue mardi pour évacuer un campement sur un campus de Chapel Hill, arrêtant plusieurs manifestants dans un face-à-face tendu.

- Accord -

Depuis deux semaines, les mobilisations de soutien à Gaza se multiplient à travers les campus américains, de la Californie aux grandes universités du nord-est, en passant par le sud et le centre du pays -- rappelant les manifestations contre la guerre du Vietnam.

Les étudiants appellent les établissements à couper les ponts avec des mécènes ou entreprises liés à Israël, et dénoncent le soutien de Washington à son allié israélien.

Se distinguant ainsi des autres institutions, l'université Brown dans l'Etat de Rhode Island a annoncé mardi avoir trouvé un accord avec les manifestants, prévoyant le démantèlement de leur campement en échange d'un vote de l'université en octobre sur d'éventuels «désinvestissements dans des +sociétés qui rendent possible et profitent du génocide à Gaza+».

A Columbia, les négociations entre direction et groupes étudiants n'avaient pas abouti. «Les événements de la nuit dernière sur le campus ne nous ont pas donné le choix», avait écrit la présidente de l'université, Minouche Shafik, dans une lettre rendue publique demandant à la police de New York d'intervenir sur le campus.

A Los Angeles, le président de l'UCLA Gene Block avait mis en garde avant les heurts de la nuit contre la présence de personnes extérieures à l'université.

Dimanche, des militants pro-palestiniens et pro-israéliens, soutenus par de nombreux manifestants extérieurs au campus, en étaient venus aux mains, avec des bousculades et des insultes.

«Beaucoup de manifestants et de contre-manifestants pratiquent leur militantisme de manière pacifique. Mais d'autres emploient des méthodes franchement choquantes et honteuses», avait écrit M. Block dans un message posté mardi sur le site de l'université.

«Ces incidents ont provoqué, tout particulièrement chez nos étudiants juifs, une profonde anxiété et de la peur», a-t-il ajouté.

- A 6 mois de la présidentielle -

Depuis le début du mouvement, des centaines de personnes - étudiants, enseignants et militants - ont été interpellées, parfois arrêtées et poursuivies en justice dans plusieurs universités du pays.

Les images de policiers anti-émeutes intervenant sur les campus, à la demande des universités, ont fait le tour du monde et on fait vivement réagir le monde politique, à six mois de la présidentielle dans un pays polarisé.

Joe Biden «doit faire quelque chose» contre ces «agitateurs payés», a déclaré mardi soir sur Fox News le candidat républicain Donald Trump. «Il nous faut mettre fin à l'antisémitisme qui gangrène notre pays aujourd'hui», a-t-il ajouté.

«Occuper par la force un bâtiment universitaire est la mauvaise approche» et ne représente «pas un exemple de manifestation pacifique», avait tonné avant l'intervention de la police John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche.


Royaume-Uni: Premiers migrants arrêtés avant leur expulsion vers le Rwanda, d'autres campent à Dublin

Des demandeurs d'asile dormant dans des tentes à Dublin affirment que la vie sous les bâches est meilleure et plus sûre que le risque d'être envoyé par le Royaume-Uni au Rwanda  (Photo, AFP).
Des demandeurs d'asile dormant dans des tentes à Dublin affirment que la vie sous les bâches est meilleure et plus sûre que le risque d'être envoyé par le Royaume-Uni au Rwanda (Photo, AFP).
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  • L'adoption d'une loi permettant l'expulsion des migrants vers le Rwanda a déclenché leur départ du Royaume-Uni
  • Une centaine de tentes ont poussé devant l'Office, depuis que le gouvernement irlandais a cessé il y a quelques mois de fournir un hébergement aux demandeurs d'asile

LONDRES: Les premiers migrants susceptibles d'être expulsés par le Royaume-Uni vers le Rwanda ont été arrêtés et placés en détention, a annoncé mercredi le ministère britannique de l'Intérieur, sans préciser le nombre de personnes concernées.

"Les premiers migrants en situation irrégulière devant être expulsés vers le Rwanda ont été placés en détention à la suite d'une série d'opérations menées cette semaine à l'échelle nationale", écrit le Home Office dans un communiqué.

Davantage d'arrestations "devraient être menées dans les semaines à venir", a-t-il ajouté.

"Cette action est un élément clé du plan visant à assurer des vols vers le Rwanda dans les neuf à onze semaines à venir", a poursuivi le ministère.

Le gouvernement conservateur de Rishi Sunak a promis de mettre un terme aux traversées de la Manche par les migrants clandestins.

Le Parlement a adopté la semaine dernière une loi très controversée permettant d'expulser vers le Rwanda des migrants arrivés illégalement au Royaume-Uni.

Leur demande d'asile sera examinée dans ce pays d'Afrique de l'Est et ils ne pourront pas revenir au Royaume-Uni, quelle que soit l'issue de leur démarche.

Le gouvernement compte commencer les expulsions au début de l'été et espère qu'elles dissuaderont d'autres migrants de venir au Royaume-Uni.

Cette politique "montrera clairement que si vous venez ici illégalement, vous ne pouvez pas rester", redit le ministère de l'Intérieur dans son communiqué.

"Nos équipes (...) travaillent à un rythme soutenu pour arrêter rapidement les personnes qui n'ont pas le droit d'être ici, afin que nous puissions faire décoller les vols", a déclaré le ministre de l'Intérieur James Cleverly, cité dans le communiqué.


L'ONG HRW critique l'application mobile pour demander l'asile à la frontière mexicano-américaine

Des migrants de différentes nationalités demandant l'asile aux États-Unis voyagent à bord des wagons de marchandises du train mexicain connu sous le nom de « La Bête » alors qu'ils arrivent à la ville frontalière de Ciudad Juarez, dans l'État de Chihuahua, au Mexique, le 24 avril 2024 (Photo, AFP).
Des migrants de différentes nationalités demandant l'asile aux États-Unis voyagent à bord des wagons de marchandises du train mexicain connu sous le nom de « La Bête » alors qu'ils arrivent à la ville frontalière de Ciudad Juarez, dans l'État de Chihuahua, au Mexique, le 24 avril 2024 (Photo, AFP).
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  • Depuis mai 2023, avant de se présenter à la frontière, les demandeurs d'asile, sauf les mineurs isolés, sont censés obtenir un rendez-vous sur l'application téléphonique de la police américaine des frontières
  • Beaucoup des personnes interrogées ont fait état de nombreux problèmes pour utiliser l'application

WASHINGTON: L'obligation pour les demandeurs d'asile aux Etats-Unis d'obtenir un rendez-vous sur une application mobile avant de se présenter à la frontière avec le Mexique livre les migrants à la violence des cartels, déplore mercredi Human Rights Watch (HRW).

Depuis mai 2023, avant de se présenter à la frontière, les demandeurs d'asile, sauf les mineurs isolés, sont censés obtenir un rendez-vous sur l'application téléphonique de la police américaine des frontières ou s'être vu refuser l'asile dans un des pays traversés. Autrement, leur demande est présumée illégitime et ils risquent une procédure d'expulsion accélérée, leur interdisant pendant cinq ans l'entrée aux Etats-Unis.

Cette réglementation fait suite à la levée par l'administration du président démocrate Joe Biden d'une mesure de son prédécesseur républicain Donald Trump qui verrouillait depuis trois ans l'accès au territoire américain.

"Mais un résultat pratique reste le même pour les demandeurs d'asile", affirme HRW dans un rapport publié mercredi : pendant de longues semaines, voire des mois, "ils sont forcés d'attendre dans le nord du Mexique, ainsi que dans beaucoup d'autres villes ailleurs au Mexique par lesquelles transitent les migrants".

Systématiquement visés 

Ils y sont "systématiquement visés par les cartels qui, parfois avec l'aide de responsables des autorités mexicaines, les enlèvent, les rackettent, les agressent sexuellement et les dévalisent", énumère l'ONG.

L'exigence de prise de rendez-vous sur l'application crée un "filtrage numérique", qui livre "aux cartels une population vulnérable", selon le rapport, établi à partir d'interviews avec 128 demandeurs d'asile, des employés de centres d'accueil, des responsables mexicains et des employés d'organisations humanitaires.

Bien que l'inscription pour un rendez-vous sur l'application ne soit en principe pas obligatoire, dans les faits, les demandeurs qui se présentent à la frontière sans l'avoir préalablement obtenue sont éconduits par les autorités frontalières mexicaines et américaines, indique HRW.

Beaucoup des personnes interrogées ont fait état de nombreux problèmes pour utiliser l'application, notamment matérielles, techniques, ou linguistiques. L'application n'est ainsi disponible qu'en anglais, en espagnol et en créole haïtien.

Ces pratiques "violent le principe juridique fondamental de non-refoulement" des demandeurs d'asile vers des pays où leur vie ou leur liberté serait en danger, souligne l'ONG.

Elle exhorte donc l'administration Biden à donner instruction à la police des frontières de traiter toutes les demandes d'asile, indépendamment de la façon ou du lieu de dépôt, ainsi que de l'obtention d'un rendez-vous via l'application "CBP One" de la police des frontières.

Human Rights Watch lui suggère en outre d'en améliorer l'accessibilité et la facilité d'utilisation, y compris par l'ajout d'autres langues, comme l'arabe, le français, le russe, le chinois, le portugais, et de langages amérindiens.