Sameh Alaa, la star inconnue qui fait tourner les têtes au Festival du film du Caire

Sameh Alaa lors de la remise de la Palme d'or du meilleur court métrage à Cannes, cette année (Photo, Getty Images).
Sameh Alaa lors de la remise de la Palme d'or du meilleur court métrage à Cannes, cette année (Photo, Getty Images).
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Publié le Vendredi 14 mai 2021

Sameh Alaa, la star inconnue qui fait tourner les têtes au Festival du film du Caire

  • La semaine prochaine, le réalisateur Sameh Alaa présentera son premier long métrage au jury du Festival international du film du Caire
  • «J'étais heureux d'être nominé», confie le réalisateur. Je me suis dit: «Je suis content d'être ici, c'est bien même si je ne gagne pas»

DUBAÏ: La semaine prochaine, le réalisateur Sameh Alaa présentera son premier long métrage au jury du Festival international du film du Caire. Qu’il gagne ou non, il a d’ores et déjà marqué l'histoire du cinéma égyptien.

À la fin du mois d'octobre, Sameh Alaa devient le premier cinéaste égyptien à remporter une Palme d'or à Cannes. Il passe ainsi des tréfonds du cinéma arabe à la lumière des projecteurs internationaux.

Et pourtant, on sait très peu de choses sur lui. Seuls quelques festivaliers ont vu ses films. Alaa est un homme discret, il est d’ailleurs difficile de découvrir son court métrage primé, I Am Afraid to Forget Your Face («J’ai peur d’oublier ton visage»). Et pourtant, il a bel et bien remporté avec cette œuvre l'un des prix les plus prestigieux du cinéma mondial.

I Am Afraid to Forget Your Face a remporté la Palme d'or au Festival de Cannes (Photo, fournie).

«J'étais heureux d'être nominé», avoue Alaa lors d'un appel téléphonique de Bruxelles. Je me suis dit: «Je suis content d'être ici, c'est bien même si je ne gagne pas. Toutefois, cette victoire fut très importante et il m'est difficile de la traduire en mots. C'est comme si j'avais eu un bébé… J'ai toujours eu du mal à imaginer que j'aurais un enfant, même s’il est facile de supposer que d'autres personnes peuvent éprouver ce sentiment. Une fois que vous avez un enfant, vous ne pensez plus de la même façon. Vous changez de perspective. Mais cela ne veut pas dire que vous ne rêvez plus de faire de nouveaux films.»

I Am Afraid to Forget Your Face retrace l'histoire d'Adam (interprété par Seif Hemeda), un jeune homme qui tente de renouer avec sa petite amie, dont il s’est séparé quatre-vingt-deux jours plus tôt. Tourné en format 4/3 et caractérisé par des dialogues sobres et simples, ce court métrage de quinze minutes est projeté pour la première fois au Festival international du film de San Sebastian au mois de septembre dernier. Il a déjà remporté, outre la Palme d'or du court métrage, des prix aux festivals de Moscou et d'El Gouna.

«Je suis toujours envahi par un sentiment de peur, la peur d'oublier les gens. Oublier à quoi ils ressemblent. J'ai vécu cette expérience avec beaucoup de gens qui sont décédés; quand je pense soudain à eux au bout de dix ou quinze ans, la seule image qui me vient à l'esprit est une photo que j'ai prise d'eux. Le visage commence à s'estomper, en quelque sorte. C'est de là que vient le titre du film, même s’il est inspiré d'une histoire personnelle que j'ai vécue en 2017. Il m'a fallu trois ans pour concevoir le film. Nous avons changé de producteur, nous nous sommes battus, nous avons trouvé des investisseurs, mais nous sommes tous très heureux maintenant», explique-t-il.

I Am Afraid to Forget Your Face raconte l'histoire d'un jeune homme qui tente de renouer avec sa petite amie, dont il est séparé quatre-vingt-deux jours plus tôt (Photo, fournie).

Sameh Alaa, qui vit entre Bruxelles et Le Caire, a l’habitude d’innover. Son court métrage, Fifteen («Quinze»), qui date de 2017, a été le premier film égyptien à figurer parmi les courts métrages du Festival international du film de Toronto. Il révèle un style cinématographique axé sur l'improvisation. Cependant, le réalisateur se montre très exigeant dans la phase d’élaboration du film.

«Le moment que je préfère, c’est quand je me trouve sur le plateau de tournage. Je suis toujours très calme. Je prends beaucoup de temps pour me préparer, comme si j'étudiais pour un examen. Vous étudiez beaucoup et quand vous vous rendez à l'examen, tous vos amis ont peur mais vous, vous êtes détendu… J'étudie le film, j'étudie les éléments avec lesquels je vais travailler. Je maîtrise les emplacements, je sais quels angles je vais prendre. Alors, le plus dur, c'est la période qui précède le tournage. Trois ans de préparation, pour un tournage qui se termine en un jour et demi ou deux jours.»

La réalisation d’I Am Afraid to Forget Your Face ne s’est cependant pas déroulée sans difficultés. Quatre jours avant le tournage, Alaa perd son premier rôle masculin, qui démissionne soudainement.

«C'était dur. Comment peut-on imaginer un film quand on n'a pas d'acteur? J'ai donc été chanceux de trouver Seif. J'ai dû passer en revue cinq cents ou six cents photos, à la recherche d'hommes correspondant à l'âge du personnage. Et là, j'ai vu Seif. On m'a proposé de choisir deux ou trois autres acteurs pour être tranquille, mais j'ai refusé. Je l'ai rencontré, nous avons passé dix minutes à discuter et il était parfait pour le rôle. Je crois que le hasard a bien fait les choses dans la réalisation du film», admet le réalisateur.

Son court métrage de 2017, Fifteen, est le premier film égyptien à figurer dans la sélection Short Cuts du Festival international du film de Toronto (Photo, fournie).

Tout au long de sa carrière, Sameh Alaa tente de s'éloigner de toute forme de mimétisme artistique. Dans son cinéma, la dimension personnelle et méditative prime sur la vérité générale ou l’impertinence. Il utilise ainsi des plans longs et lents, introduit des sons extérieurs et adopte un style cinématographique qui confine à la mélancolie. Le résultat est une vision artistique qui privilégie l'observation, le rythme et l'expérimentation.

«Mes films sont uniquement inspirés d’expériences ou de sentiments personnels. À l'école de cinéma, j'étais comme tous les autres jeunes cinéastes qui ne possèdent pas leur voix propre. J'essayais de créer un langage cinématographique – un monde cinématographique – qui ressemblait aux grands maîtres que nous aimions. Et puis, petit à petit, tu commences à sentir que tu ne fais pas grand-chose. Tu réalises de petits projets pour satisfaire l’admirateur qui est en toi, mais tu ne t'exprimes pas vraiment. C'est pourquoi, petit à petit, j'ai commencé à écrire mes propres histoires», révèle-t-il.

«J'ai commencé avec Fifteen, et je me suis senti beaucoup plus fort en termes d'émotions et de connexion avec le film. Ce court métrage n'est peut-être pas aussi intéressant que les œuvres des maîtres, mais il est plus fidèle à ma personnalité – et il m’a rendu plus satisfait de mon travail. Le public le ressent aussi, parce que c'est une histoire que je suis seul à pouvoir raconter ou, du moins, parce que je suis la personne la mieux placée pour la raconter d’une façon particulière, puisque c'est une expérience que j'ai vécue.»

Ce lien avec l'expérience personnelle se retrouve dans son premier long métrage, I Can Hear Your Voice… Still («J'entends encore ta voix... quand même»), qui est en passe d'être créé. Dans cette histoire du passage à l'âge adulte figurera un rôle principal féminin, pour la première fois dans la filmographie de Sameh Alaa. L’œuvre subira son premier examen de financement lors de la Cairo Film Connection. «La version préliminaire est prête, mais il reste encore beaucoup de travail à faire. L'histoire va changer, encore et encore. Mais je reste chez moi en raison du confinement, c'est donc le moment idéal pour que j'écrive et que je prenne mon temps», confie le cinéaste.

Tout au long de sa carrière, Alaa tente de s'éloigner de toute forme de mimétisme artistique. Dans son cinéma, la dimension personnelle et méditative prime la vérité générale ou l’impertinence (Photo, fournie).

«Je travaille en même temps sur un autre court métrage, d’un genre différent. Je souhaite essayer quelque chose de vraiment nouveau en utilisant la réalité virtuelle, et autres, parce que je veux expérimenter de nouvelles choses. Les courts métrages ont toujours été un espace d'expérimentation, c’est pourquoi je vais continuer à en réaliser. Certaines histoires ne correspondent qu'à ce format. Vous ne subissez pas la pression et les attentes du public. Vous pouvez faire ce que vous voulez en dix minutes.»

Les deux projets mettront du temps avant d'être finalisés, compte tenu des défis que représente la réalisation de films indépendants dans le monde arabe. Cependant, Alaa s’attache pour l’heure à achever son scénario de long métrage. Il attend également, patiemment, que l'industrie retrouve enfin un semblant de normalité.

«Vous savez, il faut être vraiment patient et croire en soi. Cela m'a pris plus de dix ans pour réfléchir, regarder des films et en être amoureux», déclare-t-il. «Ce milieu a pu occasionner des déceptions, mais un amour plus intense m'a permis de continuer. Les gens peuvent penser: “Ah, il a fait un film en douze minutes et il réussit.” Mais ça m'a pris douze ans de travail acharné, pas douze minutes. Douze ans passés à travailler sur moi-même en tant que personne. Et pourtant, je veux essayer de nouvelles choses, parce que j'aime raconter des histoires et j'aime le langage du cinéma.»

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com.


Le Studio Ghibli recevra la Palme d'Or d'honneur à Cannes

Cette vue générale montre l'extérieur de la société d'animation japonaise Studio Ghibli dans ses bureaux de l'ouest de Tokyo, le 11 mars 2024. Le légendaire studio d'animation japonais Ghibli, cofondé par Hayao Miyazaki, recevra une Palme d'or honorifique lors du 77e Festival de Cannes en mai 2024, ont annoncé les organisateurs le 17 avril 2024 (Photo Richard A. Brooks / AFP)
Cette vue générale montre l'extérieur de la société d'animation japonaise Studio Ghibli dans ses bureaux de l'ouest de Tokyo, le 11 mars 2024. Le légendaire studio d'animation japonais Ghibli, cofondé par Hayao Miyazaki, recevra une Palme d'or honorifique lors du 77e Festival de Cannes en mai 2024, ont annoncé les organisateurs le 17 avril 2024 (Photo Richard A. Brooks / AFP)
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  • «Pour la première fois de notre histoire, ce n'est pas une personne mais une institution que nous avons choisi de célébrer», ont déclaré Iris Knobloch, présidente du Festival de Cannes, et Thierry Fremaux
  • Le Festival de Cannes a déclaré que Ghibli « a déclenché un vent nouveau sur les films d'animation au cours des quatre dernières décennies « depuis sa création en 1985

PARIS : Le studio Ghibli Inc., géant de l'animation japonaise, recevra une Palme d'Or d'honneur au 77e Festival de Cannes, a-t-on annoncé mercredi.

«Pour la première fois de notre histoire, ce n'est pas une personne mais une institution que nous avons choisi de célébrer», ont déclaré Iris Knobloch, présidente du Festival de Cannes, et Thierry Fremaux, délégué général, dans un communiqué.

Lors du festival, qui se tiendra en mai en France, le prix sera décerné pour les réalisations à long terme du studio, connu pour ses films du réalisateur Hayao Miyazaki.

«Je suis vraiment honoré et ravi que le studio reçoive la Palme d'Or d'honneur», a déclaré le producteur de Ghibli, Toshio Suzuki. « Je tiens à remercier du fond du cœur le Festival de Cannes. … Je suis sûr que le Studio Ghibli continuera à relever de nouveaux défis.

Le Festival de Cannes a déclaré que Ghibli « a déclenché un vent nouveau sur les films d'animation au cours des quatre dernières décennies « depuis sa création en 1985.

Le studio « a réalisé ce qui semblait être un exploit impossible : produire de manière indépendante de purs chefs-d’œuvre et conquérir le marché de masse «, indique le communiqué.


L'art est une "traduction des sentiments", affirme un artiste saoudien de 16 ans

Jawad Al-Omair a déclaré avoir remarqué un changement radical dans ses capacités artistiques après avoir été présenté à un groupe d'artistes locaux qui lui ont enseigné des techniques de peinture à appliquer dans ses œuvres d'art. (Fournie)
Jawad Al-Omair a déclaré avoir remarqué un changement radical dans ses capacités artistiques après avoir été présenté à un groupe d'artistes locaux qui lui ont enseigné des techniques de peinture à appliquer dans ses œuvres d'art. (Fournie)
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  • Jawad Al-Omair s'est imposé comme peintre, s'inspirant de la beauté et de la douleur qui l'entourent
  • Dans une œuvre récente, Al-Omair a peint un grand autoportrait inspiré par le style de John Singer Sargent, un artiste américain réputé pour ses portraits peints à la fin du 19e et au début du 20e siècle.

RIYADH : Pendant que ses camarades de classe participaient à des activités sportives, l'artiste saoudien Jawad Al-Omair rêvait de la prochaine fois où il prendrait un pinceau ou un crayon pour dessiner à nouveau.

Il a expliqué à Arab News que le moment où il a découvert ses talents d'artiste, il n'était qu'en troisième année primaire.

Jawad Al-Omair a déclaré avoir remarqué un changement radical dans ses capacités artistiques après avoir été présenté à un groupe d'artistes locaux qui lui ont enseigné des techniques de peinture à appliquer dans ses œuvres d'art. (Fournie
Jawad Al-Omair a déclaré avoir remarqué un changement radical dans ses capacités artistiques après avoir été présenté à un groupe d'artistes locaux qui lui ont enseigné des techniques de peinture à appliquer dans ses œuvres d'art. (Fournie

"Tous les enfants allaient jouer. Je me retrouvais toujours à ouvrir mon cahier et à dessiner. Je me souviens d'un jour où j'ai dessiné quelque chose à l'école et, en rentrant, je l'ai montré à tout le monde. Je me suis dit que je devrais faire ça plus souvent."

Il utilise la peinture acrylique pour représenter ses idées vives sur la toile.

"Pour chaque peinture que je réalise, j'ai généralement une vision de la palette de couleurs et de la composition, et surtout du message et du sentiment que j'essaie de faire passer à travers le tableau".

Le jeune artiste considère la couleur comme un arsenal permettant de communiquer des émotions dans ses œuvres. "Si je voulais peindre quelque chose qui transmette le sentiment d'être perdu, j'utiliserais généralement des couleurs froides comme les gris et les bleus.

M. Al-Omair a déclaré qu'il avait remarqué un changement radical dans ses capacités artistiques après avoir été présenté à un groupe d'artistes locaux qui lui ont enseigné des techniques de peinture à appliquer dans ses œuvres d'art.

Jawad Al-Omair a déclaré avoir remarqué un changement radical dans ses capacités artistiques après avoir été présenté à un groupe d'artistes locaux qui lui ont enseigné des techniques de peinture à appliquer dans ses œuvres d'art. (Fournie)
Jawad Al-Omair a déclaré avoir remarqué un changement radical dans ses capacités artistiques après avoir été présenté à un groupe d'artistes locaux qui lui ont enseigné des techniques de peinture à appliquer dans ses œuvres d'art. (Fournie)

"Dana Almasoud est l'une de mes meilleures amies qui m'a beaucoup aidé. Il y a trois ans, j'étais un artiste complètement différent. J'étais incapable de dessiner de petits portraits, mais elle m'a appris à le faire. Je ne peux pas imaginer ce que serait ma vie si je ne les avais pas rencontrées", a-t-il déclaré.

Dans une œuvre récente, Al-Omair a peint un grand autoportrait inspiré par le style de John Singer Sargent, un artiste américain réputé pour ses portraits peints à la fin du 19e et au début du 20e siècle.

Il décrit Sargent comme l'un de ses artistes préférés. "Si vous voyez son autoportrait, il est similaire au mien. J'ai regardé ses œuvres pendant que je peignais afin de capturer la même atmosphère.

Il a fallu environ 12 heures à Al-Omair pour réaliser son autoportrait, qui met en valeur ses traits proéminents.

Jawad Al-Omair a déclaré avoir remarqué un changement radical dans ses capacités artistiques après avoir été présenté à un groupe d'artistes locaux qui lui ont enseigné des techniques de peinture à appliquer dans ses œuvres d'art. (Fournie)
Jawad Al-Omair a déclaré avoir remarqué un changement radical dans ses capacités artistiques après avoir été présenté à un groupe d'artistes locaux qui lui ont enseigné des techniques de peinture à appliquer dans ses œuvres d'art. (Fournie)

"On me fait souvent des commentaires sur mon nez, alors je l'ai peint au centre. Je voulais immortaliser mon moi de 16 ans, car qui sait à quoi je ressemblerai dans cinq ans ?

Le jeune artiste souhaite transformer toutes sortes d'expériences - même celles d'amis ou de membres de la famille - en œuvres d'art.

"Comment serait la vie si nous n'avions pas de musique ou de belles choses à regarder ? Quand on pense à un artiste, on imagine généralement quelqu'un avec un pinceau, mais c'est bien plus que cela.

"L'art consiste à traduire des sentiments avec une certaine habileté. Le cinéma a beaucoup appris à l'humanité parce qu'il permet d'en savoir plus sur les gens. L'écriture, les chansons et la musique sont des choses émotionnelles que nous partageons. L'art est l'une des parties les plus importantes de la vie. Chacun possède un côté artistique qu'il n'a peut-être pas encore découvert", a-t-il déclaré.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


A Milan, les icônes du design italien retrouvent leur splendeur d'antan

Des visiteurs regardent le canapé "La Bocca" (La Bouche) présenté par Gufram, au Palazzo Litta dans le cadre de l'événement Fuorisalone 2024, à la veille de la Semaine du design de Milan, à Milan, le 15 avril 2024. (Photo Gabriel Bouys AFP)
Des visiteurs regardent le canapé "La Bocca" (La Bouche) présenté par Gufram, au Palazzo Litta dans le cadre de l'événement Fuorisalone 2024, à la veille de la Semaine du design de Milan, à Milan, le 15 avril 2024. (Photo Gabriel Bouys AFP)
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  • «Pour Ponti, le mobilier avait sa dignité comme s'il s'agissait d'une sculpture, il avait sa propre vie et était libre, telle une œuvre d'art», dit M. Licitra, 71 ans, qui gère avec passion et minutie les archives de son illustre ancêtre
  • Dans un tout autre registre, le Groupe Memphis, mouvement éphémère du «design radical» et anticonformiste créé en 1981 par Ettore Sottsass, a refait surface

MILAN, Italie : Ancrées dans l'imaginaire collectif, les icônes créées par les grands maîtres du design italien comme Gio Ponti, Ettore Sottsass ou Mario Bellini ont retrouvé une nouvelle vie, grâce aux rééditions de ces meubles vintage omniprésentes au Salon du meuble de Milan.

Salvatore Licitra, petit-fils de Gio Ponti (1891-1979), fait glisser sa main délicatement sur le canapé en cuir vert, baptisé Due Foglie (Deux Feuilles) en raison de sa forme incurvée et douce, qui a été conçu en 1957 par le célèbre designer et revisité par le groupe Molteni.

Un peu plus loin, sur le même stand, il retrouve avec émotion un autre de ses chefs-d'oeuvre, le fauteuil Continuum de 1963 dont la structure est façonnée dans une ligne continue en canne de rotin. Un meuble qui lui rappelle son enfance, car il trônait à l'entrée du studio de son grand-père à Milan.

«Je suis content que l'on redécouvre un patrimoine qui n'était pas très connu car à l'époque il n'y avait pas de réseau de distribution. Maintenant, ces meubles tombés dans l'oubli existent à nouveau, ont un nom, une histoire», confie Salvatore Licitra.

«Pour Ponti, le mobilier avait sa dignité comme s'il s'agissait d'une sculpture, il avait sa propre vie et était libre, telle une œuvre d'art», dit M. Licitra, 71 ans, qui gère avec passion et minutie les archives de son illustre ancêtre.

Suscitant un grand intérêt dans le monde, les oeuvres de Gio Ponti, qui cherchait à la fois «la fonctionnalité et la beauté», sont très appréciées des Japonais qui «me demandent toujours où se trouve sa tombe pour pouvoir la visiter», assure son héritier.

- Objets culte de Memphis -

Dans un tout autre registre, le Groupe Memphis, mouvement éphémère du «design radical» et anticonformiste créé en 1981 par Ettore Sottsass, a refait surface. Dissous peu après le départ de son fondateur en 1985, il a cassé les codes bourgeois de l'époque avec des objets pop frôlant le kitsch et des formes géométriques.

«Le monde vit un moment de grisaille et de guerres, et les gens cherchent donc à se rasséréner en achetant des produits qui les égaient», explique Charley Vezza, PDG de la société Italian Radical Design, qui regroupe les marques Memphis Milano, Gufram et Meritalia.

«Personne n'a jamais jeté un meuble de Memphis, il a une certaine valeur, c'est un objet culte qu'on revend aux enchères», assure ce jeune entrepreneur âgé de 37 ans.

La mythique bibliothèque Carlton d'Ettore Sottsass, une pièce de collection surréaliste aux allures de totem créée en 1981 qui rejette tout concept de fonctionnalité, vaut ainsi plus de 15.000 euros.

Gufram a réédité à son tour une série limitée de Cactus, portemanteau vert et ludique inventé en 1972 par Guido Drocco et Franco Mello, en violet, bleu et rouge.

Et Meritalia a relancé la production des oeuvres du designer visionnaire Gaetano Pesce décédé début avril à 84 ans. Parmi elles, son canapé ludique et modulable La Michetta de 2005, inspiré de ces petits pains soufflés milanais.

- Une histoire à raconter -

«Les rééditions apportent un certain réconfort» aux acheteurs, «psychologique par le lien avec les racines du passé, mais aussi par la valeur économique qu'elles acquièrent au fil du temps», commente Maria Porro, présidente du Salone del Mobile.

Les murs du stand de Tacchini sont tapissés de photos des maestros du design et de leurs oeuvres, assorties de notes retraçant leur histoire. Fille du fondateur de l'entreprise familiale et son PDG, Giusi Tacchini ne cache pas sa passion pour ces icônes.

«Nous recherchons des pièces du passé qui ont une histoire à raconter. Il ne s'agit pas toujours de créateurs célèbres, mais aussi de designers inconnus ou peu connus», raconte-t-elle.

«Ce sont des produits qui ne suivent pas les modes du moment, des grands classiques que l'on aime aujourd'hui et qui seront encore beaux dans dix, vingt ou cinquante ans», s'émerveille-t-elle.

Le canapé Le Mura (Les murs), créé en 1972 par le designer renommé Mario Bellini, 89 ans, a été ainsi réédité en 2022, en utilisant de nouveaux matériaux et revêtements, tout en respectant l'original.

«Le Mura a été choisi pour ses lignes pures et son caractère», explique Giusi Tacchini. «C'est un mélange parfait d'intemporalité et de sensualité qui, pour nous, fait le succès d'un produit».