CANNES: DiCaprio et De Niro réunis pour la première fois chez Scorsese: le réalisateur légendaire a fait l'événement samedi à Cannes avec "Killers of the Flower Moon", qui met en images une page sombre de l'histoire des Etats-Unis, sur les terres amérindiennes.
Après Harrison Ford jeudi et son "Indiana Jones", c'était au tour d'un autre octogénaire célèbre, Palme d'or en 1976 avec "Taxi Driver" et président du jury en 1998, de prouver qu'il fallait encore compter sur lui sur les célèbres marches.
Violence sourde, règlements de compte et trahisons, "Killers of the Flower Moon", présenté en avant-première mondiale, transpose l'univers des plus grands films du réalisateur sur les terres poussiéreuses d'une tribu amérindienne, les Osage, au début du XXe siècle.
Le pétrole découvert en abondance sous leur pieds est leur chance, les rendant immensément riches, autant que leur malédiction: il suscite la convoitise des Blancs, nombreux à épouser les femmes Osage placées sous tutelle et prêts à tout pour mettre la main sur le pactole.
Dans une ambiance de western assumée, avec arrivée du héros dans la petite ville de Fairfax à bord d'un train, cérémonie du calumet et puits de pétrole, la petite communauté va être soudainement victime d'une série de meurtres et de disparitions.
Scorsese donne libre cours à deux de ses acteurs fétiches, Robert De Niro, 79 ans, ("Taxi Driver", "Raging Bull", "Mean Streets"...) et Leonardo DiCaprio, 48 ans, ("Le Loup de Wall Street", "Shutter Island"), qui se coulent dans cet univers vicié.
Ce dernier joue Ernest Burkhart, un homme amoureux d'une Amérindienne, Mollie (l'actrice Lily Gladstone, elle-même d'origine amérindienne Blackfeet), qui se retrouve embringué dans une conspiration ourdie par l'homme d'affaires William Hale, incarné par un Robert De Niro avide de pétrole. Un agent du FBI, joué par Jesse Plemons ("The Power of the Dog"), est chargé d'élucider les meurtres.
Colonialisme
Avec sa réalisation fastueuse, à la hauteur du budget pharaonique de 200 millions d'euros, et ses images léchées, cette fresque prend son temps (3H26) pour souligner, meurtre après meurtre, les dynamiques coloniales et racistes qui ont perduré aux Etats-Unis au XXe siècle.
Pour Martin Scorsese, "Killers of the Flower Moon" montre comment certains Américains "ont pu rationaliser la violence, même contre ceux qu'ils aimaient", au nom de la civilisation. Les Osage du film, interprétés par des acteurs recrutés dans la communauté, sont minés par les maladies et la dépression, et un système législatif qui organise leur discrimination.
Le film a été tourné sur les lieux réels où vivent les Osage et Leonardo DiCaprio, qui devait initialement incarner le détective du FBI mais a préféré opter pour un rôle trouble, a passé du temps avec ces Amérindiens.
"Il s'agissait de s'immerger dans ce monde", selon le réalisateur new-yorkais, malgré la chaleur et les coyotes rôdant dans les prairies d'Oklahoma.
La projection de "Killers of the Flower Moon" à Cannes, où la Croisette était en ébullition depuis le début de l'après-midi, représente un symbole d'espoir tout particulier pour le cinéma, car Martin Scorsese avait fait le choix de Netflix et du petit écran pour son précédent opus, "The Irishman", avec De Niro, Pacino et Joe Pesci.
Ce nouveau film porte aussi les couleurs d'une entreprise de la tech, Apple. Mais le géant à la pomme a accepté de le sortir en salles (le 18 octobre en France), ce qui lui a ouvert les portes du Festival de Cannes, défenseur du grand écran.
Jusqu'au bout, le Festival a rêvé d'inscrire ce Scorsese dans la course à la Palme d'or mais les producteurs ont préféré conserver leur place hors compétition.
Après les vedettes de Scorsese, un duo de stars féminines a monté les marches samedi soir: Natalie Portman et Julianne Moore, qui partagent l'affiche du film "May December", signé Todd Haynes, en compétition.