PARIS : Avec leur cuisine engagée et décoincée, les jeunes chefs marquent la scène gastronomique parisienne, dont le meilleur est mis en lumière pendant le festival Taste of Paris, au Grand Palais Éphémère, au pied de la tour Eiffel.
Le festival ouvert au grand public jusqu'à dimanche met en lumière cette «nouvelle génération décomplexée qui se détache de ses aînés, qui a appris dans des grandes maisons mais qui cuisine sa propre identité et se libère des codes trop fermés pour eux», résume pour l'AFP Mathilde Delville, directrice de la programmation de Taste of Paris, organisé dans la «capitale de la gastronomie» depuis 2015.
«C'est une cuisine qui parle à tout le monde, qui est moins coincée. On a beaucoup de festivaliers qui viennent parce qu'ils ont envie de découvrir de nouveaux plats», dit-elle.
Des plats streetfood comme étoilés, au caviar, carnés ou veggie, desserts surprenants ou régressifs se dégustent pour un prix maximum de 12 euros.
«Cela nous tient à coeur de mettre en lumière» ces chefs, souligne Mathilde Delville, ajoutant que les guides gastronomiques récompensent de plus en plus ces profils recherchés par le public.
Le Franco-Egyptien Omar Dhiab, 32 ans, a ainsi obtenu une étoile Michelin en mars, mois d'un an après l'ouverture en septembre de son propre restaurant.
Le chef, qui a aiguisé ses couteaux dans des grands établissements parisiens comme le Pavillon Ledoyen, le restaurant Lasserre et L'Abeille au Shangri-La, affirme à l'AFP avoir «pris tous les bons côtés et essayé d'éliminer au maximum les mauvais pour créer une entreprise pérenne et saine».
- Révolution du petit pois -
Dans ses cuisines, on l'appelle par son prénom et pas «chef», et il s'autorise à ne plus confier à ses équipes certaines tâches, comme enlever la peau des petits pois, ce qui est le cas dans les «grandes maisons».
«On les trie: avec les gros, on fait une purée, les petits pois +caviar+, on les cuisine à la minute. On enlevait la peau avant parce que cela faisait plus joli, mais cela n'améliorait pas le goût», explique-t-il.
«Un petit pois, ça a des défauts et des qualités. Quand il fait chaud, il devient plus gros (...) Il faut garder le produit tel quel, savoir commencer à le servir au bon moment, l'arrêter au bon moment et le travailler différemment», ajoute-t-il.
Autodidacte, le chef Alexandre Marchon défend lui aussi la cuisine «de produit avec un fort accent légumier», qu'on peut découvrir dans son entrée aux petits pois-gariguette-sabayon à l'ail des ours-huile de cosses.
«On fait une cuisine engagée sur la qualité du produit. Cela ne veut pas dire qu'on ne peut pas faire des choses gourmandes», assure-t-il à l'AFP.
«Aujourd'hui, aller au restaurant, c'est un acte militant, c'est soutenir les restaurateurs, soutenir une filière, des producteurs, un savoir-faire. C'est cela que je veux transmettre», poursuit-il.
Alexandre Marchon a ouvert son restaurant «au pire des moments», entre les deux confinements en 2020, et ça n'est «toujours pas facile» dans le contexte socio-économique actuel.
«Il faut se réinventer, chercher d'autres leviers, tout en ayant une cuisine avec des valeurs», poursuit celui qui a participé cette année à la populaire émission Top Chef, un «nouveau challenge» pour se faire mieux connaître.
«La restauration d'il y a 10 ans est révolue», analyse-t-il. D'où la nécessité, pour défendre sa cuisine et ses valeurs, de concevoir son restaurant comme «une marque» et de la faire exister non seulement dans les cuisines mais aussi à travers les émissions télévisées et les festivals.