RedStart Tunisie: dynamiser l’écosystème de l’innovation

Capture d'écran du webinar.
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Publié le Vendredi 04 décembre 2020

RedStart Tunisie: dynamiser l’écosystème de l’innovation

  • Le dispositif RedStart Tunisie a pour but de renforcer l’accompagnement de 62 entrepreneurs dont 25 seront accompagnés dans la recherche de financement et 12 entreprises recevront un appui dans leur développement à l’international
  • «Ce qui manque aujourd’hui en Tunisie, c’est la coordination et la coopération entre les acteurs. Les startupers et les PME ont besoin d’être informés, orientés pour développer des projets plus cohérents»

PARIS: Comment dynamiser l’écosystème de l’innovation en Tunisie? Comment améliorer la compétitivité des entreprises et des start-up dans un contexte particulier lié aux répercussions de la crise sanitaire mondiale sur l’économie? 

RedStart Tunisie, accélérateur de petites et moyennes entreprises (PME) innovantes et de start-up, a lancé le programme Red'Innov, pour renforcer l’écosystème de l’innovation en Tunisie. Mis en œuvre par Expertise France et soutenu par l’Union européenne via le programme Innov’i-EU 4 Innovation, le programme Red'Innov a été lancé via un webinaire intitulé «L'écosystème de l'innovation en Tunisie et l'appui aux start-up et PME innovantes», le 25 novembre dernier. 

Douja Gharbi et Arnaud Mournetas, respectivement fondateurs et PDG de RedStart Tunisie et RedStart France; Clara Guilhem, chef de projet Innov’i-Expertise France; Soumaya ben Beya, développeuse écosystème digital, Smart Capital; Inès Bouharb, directrice exécutive d’Excellia Capital Humain et titulaire d’un Executive Doctorate in Business Administration (EDBA); Thameur Hemdane, président du Financement participatif Afrique et Méditerranée (FPAM), ont participé au lancement du programme Red'Innov.

RedStart Tunisie, un accélérateur 

Le dispositif RedStart Tunisie, considéré comme un incubateur permettant de renforcer l’appui aux initiatives entrepreneuriales, sera déployé dans les régions de Kairouan, Gabès et Siliana. Son objectif: renforcer l’appui aux initiatives entrepreneuriales, notamment auprès des jeunes et des femmes et d’assurer un soutien pour guider les porteurs de projets dans l’information et l’accompagnement leur permettant d’avoir accès aux différents modes de financement, comme le crowdfunding (financement participatif) et le financement par les business angels (personnes qui décident d'investir une partie de leur patrimoine financier dans des sociétés innovantes à fort potentiel).

Plus concrètement, le dispositif RedStart Tunisie a pour objectif de renforcer l’accompagnement de 62 entrepreneurs, dont 25 seront accompagnés dans la recherche de financement, et 12 entreprises recevront un appui dans leur développement à l’international. Aussi, des prêts d’honneur seront accordés à 12 start-up innovantes, lesquelles seront sélectionnées selon les critères établis par le programme européen Innov’i-EU 4 Innovation.

Lors de son intervention au webinaire, Arnaud Mournetas, président de RedStart France, a indiqué que l’entrepreneur est le premier facteur nécessaire à la réussite d’une start-up. Douja Gharbi, présidente de RedStart Tunisie, affirme, quant à elle, que «la réussite d’une start-up dépend de sa particularité, de son innovation».

De son côté, Clara Guilhem, chef de projet Innov’i-Expertise France, insiste sur la culture de prise de risque, qu’elle considère comme un élément essentiel à toute initiative entrepreneuriale, et souhaite, via ce programme d’accompagnement, la développer auprès des jeunes entrepreneurs tunisiens. «Le rôle des programmes d'accompagnement servent à rassurer les entrepreneurs et à les aider pour affranchir les différentes étapes de création de leurs projets, de la quête des financements jusqu'à la conquête des marchés», a affirmé Clara Guilhem lors de son intervention. 

Vers la maturation de l’écosystème entrepreneurial 

«L’écosystème des investisseurs est très important à toutes les étapes, de l’amorçage à la monté en puissance, pour cela il faudra structurer l’écosystème autour des start-up», explique Clara Guilhem. «Dans les pays européens, une partie des risques est prise en charge par les banques, c’est un enjeu majeur qui est en ébauche en Tunisie.»

Soumaya ben Beya travaille chez Smart Capital, une organisation semi-gouvernementale qui accompagne les porteurs de projets qui feront, selon elle, de la Tunisie «une future start-up nation», et qui est composée de donateurs qui croient dans les projets innovants. S’appuyant sur son expérience de trois ans dans l’écosystème innovant et précurseur de la Silicon Valley, Soumaya ben Beya a souligné, lors de son intervention, que «l’écosystème rapproche», elle et a aussi indiqué que «la dynamique de la création d’un écosystème très similaire à tous les environnements et la connectivité est sont la source secrète qui permet à un écosystème de croître rapidement». Elle ajoute que «Smart Capital travaille à rendre cette synergie possible, notamment en procédant à l’évaluation de l’écosystème et à échanger avec l’ensemble des acteurs – accélérateurs, incubateurs, start-up – pour discuter des moyens pour la mise en œuvre de la connectivité de l’écosystème entrepreneurial dans notre pays». 

À ce propos, Soumaya ben Beya a annoncé que Smart Capital a entamé un travail pour la mise en place «d’un programme, qui sera lancé très prochainement, et qui permettra de créer des liaisons entre les start-up, de créer une synergie qui développera des liens entre les entités: clientèle, extension d’activité ou de service et autres», avant d’ajouter: «Il faudra créer l’esprit de collaboration et mettre en œuvre les moyens comme des portails de start-up labélisées “Start-up Act” pour rapprocher les acteurs de l’écosystème.» 

La fondatrice de RedStart Tunisie confirme: «Ce qui manque aujourd’hui en Tunisie, c’est la coordination et la coopération entre les acteurs. Les dirigeants de start-up et les entrepreneurs des PME ont besoin d’être informés, orientés pour développer des projets plus cohérents». Lors de son intervention, Douja Gharbi a indiqué que RedStart Tunisie se positionne sur une niche différente pour être complémentaire. «On doit travailler ensemble sur les différents axes. Au sein de RedStart Tunisie, considéré comme un accélérateur de PME, on a envie que dans cette mouvance, cette tendance de start-up, très positive et porteuse d’innovation, de dynamique économique, soit adoptée par les PME, qu’elles puissent prendre le train en marche.» Pour cela, Douja Gharbi a indiqué que les PME doivent se mettre à niveau. «Pour que les PME soient complémentaires, il faudra qu’elles soient matchées avec ces start-up, cela découlera sur un gain de part et d’autre, notamment dans l’ouverture des marchés et l’internalisation», car estime-t-elle, «le marché tunisien est trop petit, notre grand intérêt serait de développer l’interaction entre entreprise et corporate pour travailler à l’international.», conclu -t-elle.  

Levier du financement alternatif 

«Le financement est le nerf de la guerre pour toutes les entreprises et plus particulièrement pour les start-up et les innovateurs», a déclaré, de son côté, Thameur Hemdane, président du FPAM, lors de son intervention. 

«Il est important dans un écosystème entrepreneurial d’avoir les outils pour pouvoir financer les entreprises et les start-up, bien évidemment, il s’agit d’un ensemble d’outils pour financer les différentes étapes du développement de l’entreprise. Malheureusement, en Tunisie, les outils existants ont montré leurs limites dans le financement de l’économie en général, et encore moins plus dans le financement des start-up», souligne Thameur Hemdane. 

Pour y remédier, le président de la FPAM, affirme qu’il «faut aller chercher ces fonds, via l’épargne privée qui n’est pas fléchée vers cet univers». L’intervenant a rappelé que les projets sont, en général, financés par les bailleurs de fonds étrangers, mais «que cela est insuffisant. La Tunisie doit aujourd’hui se poser la question quant à la mobilisation de l’épargne vers l’investissement dans nos PME et start-up.» 

Le financement participatif – qui consiste dans l’utilisation des plates-formes web pour mobiliser l’épargne privée et des prêts pour financer tous types de projets, y compris les projets culturels et créatifs –, bénéficie désormais d’une loi votée au début de l’année 2020, les décrets de mise en application devraient être promulgués dans quelques semaines. 

«Pour développer le financement participatif, il faudra mettre en place un cadre réglementaire adéquat, en espérant que cela sera résolu dans les prochaines semaines grâce à l’implication de RedStar Tunisie et Expertise France», a souligné Thameur Hemdane lors de son intervention. «Le développement de l’écosystème entrepreneurial – incubateurs, accélérateurs, des réseaux de business angels d’investissement – devrait permettre au système du financement participatif, institutionnel ou privé, de s’y intégrer et de sourcer de bons projets.» Ce dernier ne manque pas de rappeler l’intérêt grandissant du financement participatif à l’échelle mondiale. «Les plates-formes de crowdfunding, qui s’appuient sur des outils digitaux, pourraient devenir à terme le guichet unique de la mise en relation avec les réseaux de financement.» 

Se faire une place dans un contexte en perpétuel mouvement 

Inès Bouharb souligne que «les PME ont aussi besoin de créer un vivier d’innovations dans le plan de développement pour pouvoir s’adapter et réagir par rapport aux marchés et dans la création de la valeur ajoutée aux produits et services». Inès Bouharb a fait référence à ce qu’on appelle aujourd’hui «la compétence d’entrepreneuriat», une stratégie déjà pratiquée par Google ou Facebook depuis une quinzaine d’années. Elle explique que «ces entreprises poussent leurs employés à développer un portefeuille d’idées au sein de l’entreprise, de manière informelle au départ, et de les tester pour en faire des projets sur lesquels elles s’impliqueraient davantage.»

Le contexte économique contraint, dû aux répercussions de la pandémie de la Covid-19, en mouvement et en phase d’instabilité, incitera-t-il les acteurs économiques à innover, à mettre en œuvre des stratégies d’adaptation pour assurer leur développement et/ou leur survie? 


L'armée israélienne a frappé plus de 50 «cibles terroristes» au Liban au cours du dernier mois

Un homme prend des photos après des frappes israéliennes suite aux ordres d'évacuation, dans la banlieue sud de Beyrouth, le 27 avril 2025. (AFP)
Un homme prend des photos après des frappes israéliennes suite aux ordres d'évacuation, dans la banlieue sud de Beyrouth, le 27 avril 2025. (AFP)
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  • Dimanche, Israël a frappé le sud de Beyrouth pour la troisième fois depuis l'entrée en vigueur du fragile cessez-le-feu du 27 novembre
  • Le Premier ministre israélien Netanyahu a promis d'empêcher le Hezbollah d'utiliser la banlieue sud de Beyrouth comme "refuge"

JERUSALEM : L'armée israélienne a déclaré lundi qu'elle avait frappé plus de 50 "cibles terroristes" au Liban au cours du mois dernier, malgré le cessez-le-feu de novembre qui a mis fin à la guerre entre Israël et les militants du Hezbollah.
Dimanche, Israël a frappé le sud de Beyrouth pour la troisième fois depuis l'entrée en vigueur du fragile cessez-le-feu du 27 novembre, ce qui a incité le président libanais Joseph Aoun à demander à la France et aux États-Unis, qui en sont les garants, d'y mettre fin.
"Au cours du mois dernier, les forces de défense israéliennes ont frappé plus de 50 cibles terroristes au Liban. Ces frappes ont été menées à la suite de violations du cessez-le-feu et des accords entre Israël et le Liban, qui constituaient une menace pour l'État d'Israël et ses citoyens", a déclaré l'armée dans un communiqué.
Le bureau du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a déclaré que la frappe de dimanche visait un bâtiment utilisé par le Hezbollah pour stocker des "missiles guidés avec précision" et a promis d'empêcher le groupe militant soutenu par l'Iran d'utiliser la banlieue sud de Beyrouth comme "refuge".
Le chef du Hezbollah, Naim Qassem, a déclaré dans un discours lundi que l'attaque "n'a aucune justification" et l'a qualifiée d'"attaque politique visant à changer les règles par la force".
Israël a continué à mener des frappes régulières au Liban malgré la trêve, qui visait à mettre fin à plus d'un an d'hostilités avec le Hezbollah, lesquelles ont culminé avec une campagne de bombardements israéliens intensifs et une incursion terrestre.
En vertu de cet accord, le Hezbollah devait retirer ses combattants au nord du fleuve Litani, à une trentaine de kilomètres de la frontière israélienne, et démanteler toute infrastructure militaire restante au sud.
Israël devait retirer toutes ses forces du Sud-Liban, mais des troupes restent sur cinq positions jugées "stratégiques".


Tunisie: le président Saied dénonce une «ingérence flagrante» après des critiques à l'international

Des dizaines de personnalités tunisiennes incluant des grands noms de l'opposition ont récemment été condamnées à de lourdes peines pour "complot" contre la sûreté de l'Etat, ce qu'elles nient en dénonçant un dossier "vide" et politique. (AFP)
Des dizaines de personnalités tunisiennes incluant des grands noms de l'opposition ont récemment été condamnées à de lourdes peines pour "complot" contre la sûreté de l'Etat, ce qu'elles nient en dénonçant un dossier "vide" et politique. (AFP)
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  • "Les déclarations et communiqués émanant de parties étrangères sont inacceptables (...) et constituent une ingérence flagrante dans les affaires intérieures de la Tunisie"
  • "Si certains expriment leur regret que les observateurs internationaux aient été exclus (d'une audience du procès, ndlr), la Tunisie peut aussi envoyer des observateurs auprès de ces parties (...) et leur demander également de modifier leurs législations

TUNISIE: Le président tunisien, Kais Saied, a dénoncé dans la nuit de lundi à mardi les critiques à l'international, notamment de la France et l'Allemagne, qui ont suivi la condamnation d'opposants à de lourdes peines de prison, en les qualifiant d'"ingérence flagrante".

"Les déclarations et communiqués émanant de parties étrangères sont inacceptables (...) et constituent une ingérence flagrante dans les affaires intérieures de la Tunisie", a dit M. Saied en recevant son ministre des Affaires étrangères, selon un communiqué de la présidence.

"Si certains expriment leur regret que les observateurs internationaux aient été exclus (d'une audience du procès, ndlr), la Tunisie peut aussi envoyer des observateurs auprès de ces parties (...) et leur demander également de modifier leurs législations et d'amender leurs procédures", a-t-il poursuivi.

Des dizaines de personnalités tunisiennes incluant des grands noms de l'opposition ont récemment été condamnées à de lourdes peines pour "complot" contre la sûreté de l'Etat, ce qu'elles nient en dénonçant un dossier "vide" et politique.

La France, l'Allemagne et l'ONU ont affirmé que les conditions d'un procès "équitable" n'avaient pas été respectées.

Berlin a notamment regretté "l'exclusion des observateurs internationaux, notamment l'ambassade d'Allemagne à Tunis, de la dernière journée du procès".

"Violations du droit" 

Le Haut Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, Volker Türk, a de son côté affirmé que le processus avait été "entaché par des violations du droit à un procès équitable et du droit à une procédure régulière, suscitant de graves inquiétudes quant aux motivations politiques".

Il a exhorté la Tunisie "à s'abstenir d'utiliser une législation sur la sécurité nationale et la lutte contre le terrorisme pour faire taire la dissidence et restreindre l'espace civique".

Depuis le coup de force par lequel M. Saied s'est octroyé les pleins pouvoirs à l'été 2021, ONG et opposants ont déploré une régression des libertés dans le pays berceau du Printemps arabe en 2011.

En plus du méga-procès du "complot", des dizaines de politiciens, avocats et chroniqueurs connus sont emprisonnés depuis début 2023 en vertu d'un décret réprimant la diffusion de fausses nouvelles, à l'interprétation très large.

Le Haut-Commissaire a demandé une nouvelle fois à la Tunisie "de mettre fin aux persécutions politiques, détentions, arrestations arbitraires et emprisonnement" de personnalités, et de "respecter tous leurs droits humains, y compris les droits à la liberté d'opinion et d'expression".

"La Tunisie était un modèle et une source d'inspiration pour de nombreuses nations de la région après la transition politique de 2011, et j'espère que le pays reviendra sur le chemin de la démocratie, de l'Etat de droit et des droits de l'homme", a écrit le responsable onusien.


1988 – L'attentat de Lockerbie contre le vol 103 de la Pan Am

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  •  Le crash de l'avion a fait la une d'Arab News, détaillant les ravages causés dans la ville écossaise
  • Les grands événements mondiaux attirent les théoriciens du complot comme l'aimant attire le fer, et Lockerbie n’échappe pas à cette règle

DJEDDAH: Le roi dirige la délégation saoudienne lors d'un sommet du Conseil de coopération du Golfe à Manama, un nouveau gouvernement est en place en Israël et une crise sévit au Soudan; cette première page d'Arab News aurait pu être publiée presque n'importe quel jour de ces dernières années.

Sauf que le roi saoudien était le roi Fahd, que le Premier ministre israélien était Yitzhak Shamir et qu'un autre article de la page indique que nous sommes le 23 décembre 1988.

Deux nuits auparavant, le vol 103 de la Pan Am reliant Francfort à Detroit, via Londres et New York, avait été pulvérisé par une bombe terroriste alors qu'il franchissait la frontière entre l'Angleterre et l'Écosse.

Avec un bilan de 270 morts – les 243 passagers et les 16 membres d'équipage, ainsi que 11 victimes au sol à Lockerbie, où l'avion a percuté deux rues résidentielles à 800 km/h – cet attentat reste le plus meurtrier de l'histoire du Royaume-Uni.

Peu d'événements ont une résonance qui va d'une petite ville frontalière écossaise à la Maison Blanche. C'est pourtant le cas. Lockerbie, avec ses 4 000 âmes, a rejoint la liste des lieux au Royaume-Uni et ailleurs – Aberfan, Munich, Srebrenica, My Lai – associés à jamais dans la conscience publique à la perte cruelle et insensée de vies humaines.

L’Écosse, mon pays, et Glasgow, ma ville, ne sont pas réputées pour leur douceur, tout comme les journalistes qu’elles façonnent, qui ne sont guère connus pour leur sensibilité excessive. Pourtant, j’ai vu des reporters, durs, cyniques, aussi impitoyables que le diamant, revenir de Lockerbie profondément marqués par l’ampleur de ce qu’ils y avaient vécu, remplis de respect et d’admiration pour la dignité sereine et la force d’âme avec lesquelles les habitants de la ville ont supporté leurs pertes.

pan am lockerbie
Le crash de l'avion a fait la une d'Arab News, détaillant les ravages causés dans la ville écossaise. (AN)

 

La plupart des passagers de l'avion étaient américains et leurs proches sont venus des États-Unis pour identifier les corps et les biens. Les habitants de Lockerbie ont temporairement enterré leur propre chagrin pour héberger, nourrir et réconforter les personnes endeuillées. Des liens ont été tissés, qui perdurent encore aujourd'hui.

Lorsqu'un attentat terroriste a été confirmé, l'auteur identifié par Washington était inévitable. Les États-Unis et le régime de Mouammar Kadhafi en Libye étaient en état de guerre larvée depuis des années, et les frappes aériennes américaines d'avril 1986, loin de faire fléchir Kadhafi, semblaient seulement l'avoir courroucé.

Les enquêteurs américains et britanniques pensent que des agents libyens à Malte ont dissimulé une bombe Semtex dans un lecteur de radiocassettes et l'ont envoyée dans une valise à Francfort, où elle a été chargée à bord du vol 103 de la Pan Am et où le sort de 270 personnes a été scellé.

Paradoxalement, certains récits peuvent avoir du sens si l'on travaille à rebours, en l'occurrence à partir du moment où Abdelbaset al-Megrahi, officier de renseignement libyen et ancien chef de la sécurité de la Libyan Arab Airlines, est mort à son domicile de Tripoli le 20 mai 2012, à l'âge de 60 ans.

Plus de 11 ans auparavant, en janvier 2001, trois juges écossais siégeant dans un tribunal spécial installé dans une ancienne base aérienne américaine aux Pays-Bas avaient condamné Al-Megrahi à la prison à vie pour 270 chefs d'accusation de meurtre dans l'affaire de l'attentat de Lockerbie. Il a passé plus de huit ans dans deux prisons écossaises avant que le gouvernement écossais ne le libère pour des raisons humanitaires, les médecins ayant déclaré qu'il était atteint d'un cancer en phase terminale, et qu'il retourne en Libye en août 2009. Il est retourné en Libye en août 2009. On lui avait donné trois mois à vivre, mais il a tenu près de trois ans.

Al-Megrahi était, et reste, la seule personne à avoir été condamnée pour l'attentat à la bombe contre le vol 103 de la Pan Am; avec sa mort, l'affaire est donc close? Eh bien, non.

Les répercussions ont commencé peu après la catastrophe et se poursuivent encore aujourd'hui. La Pan Am, dont les opérations de sécurité ont été jugées criminellement inutiles, a fait faillite au bout d'un an et s'est retirée des affaires au bout de deux ans. Les sanctions de l'ONU contre Kadhafi et la Libye ont renforcé leur statut de paria et, en février 2011, le pays était plongé dans une guerre civile. Kadhafi a été capturé et tué le 20 octobre 2011. Al-Megrahi lui survivra de sept mois.


Pour le reste d'entre nous, la sécurité des compagnies aériennes et des aéroports s'est intensifiée sur une trajectoire ascendante apparemment sans fin, et nous pouvons au moins être reconnaissants qu'une valise non accompagnée contenant une bombe ne puisse plus jamais voyager de Malte vers le ciel écossais en passant par deux aéroports.

Mais le plus important est peut-être que Lockerbie a marqué le début d'un effondrement de la confiance du public dans ce que nous disent nos gouvernements. Les autorités américaines et britanniques ont toujours insisté sur la culpabilité d'Al-Megrahi et sur le fait qu'il avait agi seul ou avec un seul complice. Rares sont ceux qui le croient.

Les grands événements mondiaux – l'assassinat de John F. Kennedy, les alunissages, les attentats du 11 septembre – attirent les théoriciens du complot comme l'aimant attire le fer, et Lockerbie n’échappe pas à cette règle. Les accusations ont fusé: l'Iran, les Palestiniens, le Mossad, la Stasi, l'Afrique du Sud de l'apartheid.

Ce qui rend Lockerbie différent, c'est que l'une des «théories» est presque certainement un fait – mais laquelle, c'est ce que tout le monde peut deviner. Jim Swire, médecin de campagne anglais à la voix douce mais déterminée, dont la fille Flora, âgée de 23 ans, a péri à bord de l'avion, est l'un des hommes les plus habilités à faire cette supposition.

Swire, aujourd'hui octogénaire, a consacré sa vie à la recherche de la vérité sur Lockerbie. Il a rencontré et interrogé Al-Megrahi. Il a rencontré et interrogé Kadhafi. Il a été une épine dans le pied des autorités britanniques et américaines pendant plus de 30 ans, et il croit encore aujourd'hui que le procès contre Al-Megrahi était une parodie et un tissu de mensonges, pour couvrir une vérité épouvantable qui ne sera peut-être jamais connue.

Le président américain George H. W. Bush a mis en place une commission de sécurité aérienne en septembre 1989 pour faire un rapport sur le sabotage de l'avion, et des parents britanniques des victimes ont rencontré des membres de la commission à l'ambassade des États-Unis à Londres en février de l'année suivante. Un membre de l'équipe de Bush a dit à l'un des parents: «Votre gouvernement et le nôtre savent exactement ce qui s'est passé, mais ils ne le diront jamais.»

 

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Robert Love, un habitant de la région, près de l'un des quatre moteurs du 747 Jumbo de la Pan Am qui a explosé et s'est écrasé alors qu'il se dirigeait vers New-York. (AFP)

 

Peut-être pas. Mais comme une pousse tenace issue d'une graine enfouie profondément dans le sol, la vérité a un moyen de parvenir à la lumière.

Cette année, la production de deux séries télévisées, dont l'une est centrée sur la recherche obstinée de la vérité par M. Swire, a ramené la tragédie de Lockerbie dans l'esprit du public. De vieilles théories sont remises au goût du jour.

Mais cette année pourrait aussi voir ces théories réfutées – ou justifiées.

Le 12 mai, un homme identifié dans les documents judiciaires comme Abu Agila Mohammad Masud Kheir al-Marimi, ou simplement Masud, sera jugé à Washington, accusé d'avoir fabriqué la bombe qui a détruit le vol 103 de la Pan Am.

L'histoire de l'identification, de la capture et de l'extradition de Masud vers les États-Unis – un pays avec lequel la Libye n'a pas conclu de traité d'extradition – n'a pas encore été racontée.

Il reste également à voir si le procès de Masud permettra de tourner la page, ou s'il ne fera qu'accroître la détresse des familles des victimes du vol 103 de la Pan Am et des habitants de Lockerbie, toujours en deuil.

Ross Anderson, rédacteur en chef adjoint à Arab News, était rédacteur en chef du quotidien Today à Londres la nuit de la catastrophe de Lockerbie.