La frontière entre le Liban et le nord d'Israël est calme depuis la guerre de juillet 2006 entre Israël et le Hezbollah, non pas parce que l'un ou l'autre a gagné, mais plutôt parce que les deux étaient suffisamment puissants pour créer un équilibre de dissuasion.
Dans le sud, la situation est similaire, bien que l'équilibre de la dissuasion ne soit pas exactement le même. Israël et le Hamas sont parvenus à un accord souvent qualifié de « calme en échange du calme » ; tant qu'un côté n'attaque pas l'autre, la frontière Israël-Gaza est restée calme pendant plus d'une décennie, à l'exception de deux violentes attaques israéliennes en 2018 et 2021.
Or, après les brutales violences contre les fidèles musulmans à la mosquée Al-Aqsa le mois dernier, Israël s'est retrouvé attaqué non seulement du nord et du sud, mais aussi du front syrien. Sur 30 roquettes lancées dans le nord d'Israël, 25 ont été interceptées par des missiles de défense aérienne Patriot de fabrication américaine, et les cinq qui ont atterri ont causé des dégâts et des blessés mais aucun mort. Quelques roquettes lancées depuis la Syrie ont atterri sur les hauteurs du Golan sans causer de dégâts sérieux, et des roquettes ont également été tirées depuis Gaza, sans dégâts.
Les attaques n'ont donc été ni longues ni efficaces, mais leur message était clair : ce qui se passe à Al-Aqsa est d’une grande importance. Malgré diverses ententes, les groupes palestiniens - qu'ils soient affiliés à l'OLP ou au Hamas - n'accepteront pas pacifiquement la violence anti-palestinienne dans le troisième lieu saint de l'islam.
Alors que l'activation simultanée de trois fronts n'a causé aucun dommage majeur ni aucune perte de vie, ils ont pu faire comprendre que les Palestiniens et les Arabes à proximité ne resteront pas silencieux alors que leurs compatriotes palestiniens sont harcelés et battus, et leurs lieux saints profanés.
Il ne fallut pas longtemps pour que ce message soit compris. Bien que le gouvernement de Netanyahu soit chargé de fanatiques radicaux d'extrême droite, les attaques sur trois fronts ont porté leurs fruits. Lorsqu'elles se sont ajoutées aux attaques meurtrières contre les colons dans la vallée du Jourdain et à Tel-Aviv, Israël a compris qu'il fallait se calmer. Et malgré la rhétorique israélienne exagérée, et bien que la Jordanie « ait ordonné » les fidèles musulmans de s'abstenir de la tradition de dormir dans la mosquée Al Aqsa, la sécurité israélienne n'a finalement pas essayé de physiquement repoussé qui que ce soit, et a permis au Ramadan d’avoir lieu sans attaques et incursions dans le lieu saint.
«La décision d’Israël de s’abstenir de nouvelles violences pour chasser les fidèles d’Al-Aqsa est un nouveau paradigme, reflétant un équilibre émergent de la dissuasion, tout comme les accords qui ont été conclus avec les groupes armés au Liban et à Gaza.» Daoud Kuttab
Ironiquement, l’apaisement était exactement ce que les États-Unis, la Jordanie et l'Égypte avaient exigé d'Israël et des Palestiniens lors de deux sommets consécutifs sur la sécurité à Aqaba et à Charm el-Cheikh, des semaines avant le début du chevauchement des vacances du Ramadan et de Pâques. Le gouvernement palestinien dirigé par Mahmoud Abbas a peu de contrôle sur ce que font les fidèles à Jérusalem, qui est totalement sous le contrôle de sécurité d'Israël. L’aggravation de la situation était donc clairement un acte conscient des Israéliens poussé par des ministres extrémistes radicaux comme Itamar Ben-Gvir et Bezalel Smotrich.
La décision d’Israël de s’abstenir de nouvelles violences pour chasser les fidèles d’Al-Aqsa est un nouveau paradigme, reflétant un équilibre émergent de la dissuasion, tout comme les accords qui ont été conclus avec les groupes armés au Liban et à Gaza.
Bien que de telles ententes puissent durer un certain temps, elles ne sont pas une alternative à un processus politique et à un accord beaucoup plus solide avec les Palestiniens et avec d'autres acteurs de la région, étatiques et non étatiques.
L’action israélienne agressive, qui a été exposée dans de nombreuses vidéos et photos partagées dans le monde entier, a clairement montré la centralité de Jérusalem et le joyau de sa couronne, la mosquée Al-Aqsa. On pourrait penser qu'après des décennies de contrôle de la ville sainte, les responsables de ces lieux tireraient la leçon et prendraient des mesures préventives pour ne pas dégénérer. L’aggravation de la situation était politiquement motivée par certains des extrémistes du gouvernement israélien. De plus, la diplomatie discrète, même de la part des États-Unis et de la Jordanie, n'a pas le même effet qu'une population résiliente et ses compatriotes palestiniens et arabes peuvent avoir afin de créer l'équilibre de la dissuasion.
Bien que cet équilibre soit utile comme pacificateur temporaire, des mesures concrètes sont absolument nécessaires afin de garantir que l'horrible violence israélienne que tout le monde a vue à la mosquée Al-Aqsa ne se reproduise jamais.
Daoud Kuttab est un journaliste palestinien de Jérusalem. Il a été professeur de journalisme à l'université de Princeton.
Twitter : @daoudkuttab
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com