PARIS: Le parquet de Paris a requis, début avril, un procès pour 19 hommes mis en examen dans l'enquête sur la mort de 39 migrants vietnamiens, retrouvés asphyxiés dans une remorque de camion en Angleterre en 2019.
Le ministère public a demandé que ces 19 hommes, aujourd'hui âgés de 21 à 58 ans et suspectés d'avoir participé à un vaste réseau d'immigration clandestine du Vietnam en Europe, soient jugés en correctionnelle.
Un procès pour homicides involontaires a aussi été requis pour quatre d'entre eux qui avaient "pleinement conscience des risques encourus par les victimes", accuse le parquet dans ses réquisitions consultées par l'AFP.
A l'issue d'investigations transnationales, sous la direction de la juridiction nationale de lutte contre le crime organisé (JUNALCO), les enquêteurs ont conclu que les 19 hommes - de nationalité vietnamienne, française, chinoise, algérienne ou marocaine - étaient chargés de l'organisation du transport des victimes, chauffeurs de taxi ou encore propriétaires d'appartements servant à l'hébergement temporaire des personnes migrantes en région parisienne.
Ces suspects sont accusés d'avoir "profité de la misère des candidats à l'exil" en demandant "des sommes exorbitantes" pour organiser leur transport de l'Asie en Europe, sur des périodes s'étalant de 2018 à 2020, détaille le parquet.
Plus précisément, le ministère public a demandé leur procès pour aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irrégulier en bande organisée, ainsi que pour association de malfaiteurs en vue de commettre ce délit. Des infractions passibles de dix ans d'emprisonnement.
Concernant ses réquisitions pour homicides involontaires, si les quatre Vietnamiens mis en cause n'étaient pas à "l'origine de la fermeture de la remorque et de sa prise en charge de la France jusqu'au Royaume-Uni", ils "ont contribué à créer la situation qui a conduit" au décès des 31 hommes et huit femmes, âgés de 15 à 44 ans, tous originaires du Vietnam, a affirmé le parquet.
«Marchandises» ou «poulets»
D'après des interceptions téléphoniques, ces hommes désignaient les personnes migrantes par les termes de "marchandises" ou de "poulets".
Un procès "permettra d'apporter de la nuance", a estimé l'avocat Dylan Slama, qui défend un trentenaire vietnamien, visé pour l'ensemble des infractions requises, notamment homicides involontaires. "La question est de savoir dans quelle mesure on a le choix de ses actes quand on se retrouve dans un système duquel il est très difficile de s'extraire", a-t-il déclaré à l'AFP.
Un autre Vietnamien, 38 ans, "attend" également "de s'expliquer à l'audience", selon ses avocats Antoine Ory et Gaspard Lindon.
En revanche, un non-lieu a été requis pour les poursuites de traite d'êtres humains en bande organisée, infraction criminelle faisant encourir 20 ans.
"Il n'apparaît pas suffisamment établi par l'enquête que les membres du réseau (...) avaient pour but final d'exploiter les victimes une fois arrivées en Europe", écrit le parquet.
Il revient désormais au juge d'instruction de se prononcer sur les infractions et sur la tenue d'un procès.
Ce drame, à l'automne 2019, avait jeté une lumière crue sur les risques de l'exil via des filières clandestines.
Le matin du 22 octobre, les victimes étaient montées dans une remorque, dans le nord de la France. Cette dernière avait ensuite été transportée jusqu'au port belge de Zeebruges, pour traverser la Manche, puis avait été prise en charge en Angleterre par un autre transporteur. Trente-neuf cadavres avaient ensuite été découverts dans la remorque, dans une zone industrielle à l'est de Londres.
Après cette tragédie, l'AFP avait échangé avec des familles originaires de Ha Tinh, une région pauvre du Vietnam d'où partent nombre de migrants. Le frère d'une victime avait raconté que sa soeur, Pham Thi Tra My, 26 ans, avait envoyé un message sur le téléphone de sa mère expliquant qu'elle ne pouvait "plus respirer", qu'elle était "en train de mourir".
Outre la France, des procédures judiciaires ont été menées au Royaume-Uni, au Vietnam et en Belgique.
En février, la justice belge a notamment réduit les peines en appel de plusieurs personnes, dont celle du chef de la partie belge du réseau, qui a finalement écopé de dix ans d'emprisonnement.