NANCY: Une signature, une photo, "Merci pour tout ce que vous avez fait!", et ainsi de suite: Eric Zemmour sillonne la France pour dédicacer son nouveau livre, une manière pour le patron de Reconquête! d'entretenir une flamme à l'incandescence contrariée.
Un an après la présidentielle, le candidat aux 7,07% de suffrages savoure: l'interminable file d'attente, le succès des ventes de "Je n'ai pas dit mon dernier mot" (éd. Rubempré), un retour sous les projecteurs médiatiques, sa nouvelle récente paternité, "et puis du temps pour lire à nouveau, en ce moment Max Weber et Georges Simenon".
Mercredi, le polémiste d'extrême droite était à Nancy. "Il ose dire les choses que les autres n'osent pas dire", s'enthousiasme Cécile, une aide-soignante de 52 ans jadis fidèle à "Sarkozy et Fillon", contemptrice de Marine Le Pen ("trop lisse, avec un programme de gauche"), et qui a fait une trentaine de kilomètres pour obtenir le paraphe de son champion.
Derrière elle, des dizaines d'inconditionnels font la queue pour entrer dans la librairie du centre-ville autoproclamée "enracinée" - en fait, identitaire et monarchiste -, séparés d'un cortège de manifestants "antifas" par un cordon de forces de l'ordre. Au milieu d'un nuage de fumée lacrymogène, une poignée de jeunes zemmouristes provoque en entonnant "Maréchal, nous voilà".
«Devant Wauquiez»
Reste que les passions suscitées par Eric Zemmour tranchent avec l'atonie du parti qu'il préside, Reconquête!, toujours à la recherche d'un avenir après ses déroutes électorales.
"Cet espace politique existe", veut convaincre la numéro deux du mouvement, Marion Maréchal, qui entend "reconstruire un vrai parti de droite" et être "à court ou moyen terme une alternative à LR", en faisant observer que les sondages d'intentions de vote à une future présidentielle placent Zemmour "devant Laurent Wauquiez" - dans un étiage toutefois comparable à son score de l'année dernière, entre 7% et 9%.
A l'automne, la formation avait d'abord cru trouver sa martingale dans l'agit-prop: tentative de récupération du meurtre de la jeune Lola, manifestations musclées dans des villages où des migrants doivent être accueillis ou mise en place d'un réseau de "parents vigilants" pour dénoncer les supposées dérives "wokes" de l'Education nationale.
Même s'ils s'en défendent, les zemmouristes semblent désormais mettre la pédale douce sur ces coups d'éclat, parfois jugés extrême-droitiers. "Les gens nous disent qu'on ne s'exprime pas assez sur tous les sujets", note une historique du parti, selon qui "on a fait peur à l'électorat LR parce qu'il ont eu l'impression qu'on proposait de trop gros changements".
«Espoir durable?»
"Notre démarche et notre offre politique ne sont réductibles ni au Rassemblement national, ni à LR, mais il y a des gens chez eux qui ne sont plus en phase avec la ligne de leur parti, donc je leur dis: +Venez chez nous!+", a exhorté pour sa part Eric Zemmour à Nancy. L'un de ses élus locaux à Marseille a toutefois fait le chemin inverse la semaine dernière en retournant au RN, quitté l'année passée.
L'épisode de la réforme des retraites a également laissé des traces: "Je la voterai", avait lancé Zemmour, quand Marion Maréchal avait dit "comprendre l'exaspération" des manifestants.
En creux, c'est l'espace politique d'une ligne libérale qui est interrogé, alors que la séquence a semblé profiter à la Nupes comme au RN, défenseurs d'un interventionnisme.
"Mais l'électorat de droite va à la clarté et à la constance", note Olivier Ubéda, conseiller en stratégie politique, qui rappelle "l'espoir" qu'avait suscité la campagne Zemmour dont il était le directeur des évènements. "Est-ce que cet espoir est durable ? Personne ne peut répondre à cette question".
Un indice pourrait survenir dès l'année prochaine avec les élections européennes, lors desquelles Marion Maréchal sera vraisemblablement à la tête d'une liste Reconquête!.
Avant une nouvelle participation de Zemmour à la course à l'Elysée en 2027? A Nancy, chargé de quatre livres qu'il vient de faire signer, Romain Collé, 34 ans, fait la moue: "Je crois que je préfère le chroniqueur au politicien", souffle cet employé à la Sécurité sociale. "Et puis il faut bien le reconnaître: sa candidature à la présidentielle, ça a été un échec."