TUNIS : Les autorités en Algérie ont bloqué mercredi plusieurs sites d'information, confirmant le verrouillage du paysage médiatique indépendant, en ligne notamment, et l'offensive contre la liberté de la presse et d'expression.
« Nous dénonçons vigoureusement cette censure arbitraire (...) dont nous ignorons le prétexte. Le journal n'en a jamais été informé », a réagi dans un communiqué l'équipe de Twala, nouveau-né du paysage médiatique algérien.
« C'est une atteinte à la liberté de la presse et à la liberté d'informer », a-t-elle déploré. « Twala.info reste accessible grâce à la technologie VPN ».
La même mesure a été prise à l'encontre du site Casbah Tribune, qui l'a annoncée via sa page Facebook.
De nombreux sites d'information ont été censurés par les autorités en 2020, à l'instar de Radio M, Maghreb Emergent, Interlignes, L'Avant-Garde et TSA (Tout sur l'Algérie).
Maghreb Emergent et Radio M ont annoncé mercredi être de nouveau complètement inaccessibles, après avoir été partiellement débloqués début octobre.
Sans explication
D'autres médias font l'objet de la même censure, tels les sites arabophones Tariq News et Ultra Sawt, a précisé Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme. « Encore une attaque contre la liberté de la presse ».
Reporters sans frontières (RSF), qui dénonce régulièrement les menaces contre la liberté de la presse en Algérie, a condamné « vigoureusement la censure de médias libres et indépendants ».
Le ministère de la Communication n'a donné aucune explication.
Ces blocages surviennent au moment où les Algériens s'interrogent sur la longue absence de leur président, Abdelmadjid Tebboune, censé revenir « dans les tout prochains jours » après avoir été soigné du coronavirus en Allemagne.
Lancé le 15 octobre, Twala est un média bilingue (français et arabe) proposant un suivi de l'actualité nationale en bref et du long format avec reportages, enquêtes, analyses et podcasts.
Casbah Tribune, publiant également dans les deux langues, est un site d'actualités nationales fondé en 2017 par le journaliste Khaled Drareni, actuellement derrière les barreaux. Ce dernier a été condamné en septembre à deux ans de prison ferme pour « incitation à attroupement non armé » et « atteinte à l'unité nationale ».
Mainmise
Internet fait l'objet d'un contrôle croissant en Algérie, touchant à la fois les activités des médias en ligne et des internautes critiques à l'égard du pouvoir, et mobilisant tout un arsenal juridique.
Ainsi, une réforme du Code pénal adoptée en avril 2020 visant à criminaliser la diffusion de fausses nouvelles a été dénoncée comme une grave menace à la liberté d'expression et de presse par plusieurs organisations de défense des droits humains.
En octobre, le gouvernement a adopté un projet de décret destiné à mieux « encadrer les activités des médias en ligne ». Il y est notamment prévu que les sites électroniques soient « exclusivement » hébergés en Algérie.
« Toutes les ressources (matérielles, logicielles, humaines, création, exploitation) nécessaires à l'hébergement d'un site devront être également en Algérie », d'après l'agence officielle APS.
Ce décret exécutif n'a toutefois pas encore été publié au Journal officiel.
Selon le ministre de la Communication Ammar Belhimer, un ancien journaliste et docteur en droit, « le fait de contraindre les sites électroniques à la domiciliation sous le domaine (.dz) en tant que condition pour l'accès à la publicité est un facteur permettant de les protéger des piratages et des attaques étrangères ».
Mais ce tour de vis sur internet s'inscrit dans un contexte de répression ciblant quotidiennement des militants des droits humains, des opposants, des journalistes et des blogueurs critiques à l'égard du régime.
Près de 90 personnes sont actuellement emprisonnées en Algérie pour des faits liés aux libertés individuelles. Des charges basées pour beaucoup sur leurs publications sur Facebook, d'après le Comité national de libération des détenus.
L'Algérie figure à la 146e place (sur 180) du classement mondial de la liberté de la presse 2020 établi par RSF, un recul de cinq places par rapport à 2019 et de 27 places par rapport à 2015.