Osman Kavala, le mécène devenu bête noire d'Erdogan

"Nous avons eu 1.000 jours de notre vie volés. La mère de mon mari a plus de 90 ans et ne sait pas si elle pourra un jour revoir son fils", a déclaré l'épouse de M. Kavala, Ayse Bugra - ici à droite de la photo qui date de février dernier - lors d'une conférence de presse en ligne samedi. (Photo Osan KOZE/AFP)
"Nous avons eu 1.000 jours de notre vie volés. La mère de mon mari a plus de 90 ans et ne sait pas si elle pourra un jour revoir son fils", a déclaré l'épouse de M. Kavala, Ayse Bugra - ici à droite de la photo qui date de février dernier - lors d'une conférence de presse en ligne samedi. (Photo Osan KOZE/AFP)
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Publié le Lundi 27 juillet 2020

Osman Kavala, le mécène devenu bête noire d'Erdogan

  • Osman Kavala, une figure majeure de la société civile turque que le président Recep Tayyip Erdogan accuse de chercher à déstabiliser la Turquie, purge aujourd'hui son 1.000e jour derrière les barreaux sans même avoir été condamné
  • Son incarcération a fait de lui un des symboles de la répression orchestrée contre la société civile en Turquie, en particulier depuis le putsch manqué de 2016 qui a été suivi de purges massives

ISTANBUL : L'homme d'affaires et philanthrope Osman Kavala, une figure majeure de la société civile turque que le président Recep Tayyip Erdogan accuse de chercher à déstabiliser la Turquie, purgeait lundi son 1.000e jour derrière les barreaux sans même avoir été condamné.

Le mécène turc reste incarcéré à ce jour en dépit d'une demande de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) de le libérer et d'un acquittement rendu par un tribunal turc en février pour l'accusation de "tentative de renversement du gouvernement".

"Nous avons eu 1.000 jours de notre vie volés. La mère de mon mari a plus de 90 ans et ne sait pas si elle pourra un jour revoir son fils", a déclaré l'épouse de M. Kavala, Ayse Bugra, lors d'une conférence de presse en ligne samedi.

M. Kavala était initialement poursuivi pour avoir soutenu des manifestations antigouvernementales en 2013, connues sous le nom de mouvement de Gezi, visant M. Erdogan, alors Premier ministre. 

Malgré son acquittement en février, il n'a pu quitter la prison, car il a immédiatement été placé en garde à vue dans le cadre d'une autre enquête liée à une tentative de coup d'Etat visant M. Erdogan en 2016. 

Ses soutiens ont lancé une campagne sur les réseaux sociaux en utilisant le mot-dièse "Libérez Osman Kavala".

Son avocat, Ilkan Koyuncu, a assuré samedi qu'"aucune preuve" n'existait à l'appui des accusations visant son client.

M. Kavala était connu pour son soutien aux projets culturels en faveur du dialogue et de la paix, portant notamment sur les droits des minorités, la question kurde et la réconciliation arméno-turque.

Sujets difficiles

Né en 1957 à Paris, M. Kavala a fait des études d'économie à l'Université de Manchester avant de prendre la tête de l'entreprise familiale à la mort de son père en 1982. 

Mais il s'est progressivement consacré à l'édition, à l'art et à la culture.

Il lance en 1982 la maison d'édition Iletisim, aujourd'hui l'une des plus prestigieuses du pays, pour publier des livres et magazines consacrés à la démocratisation de la Turquie. 

Permettre à la société turque de débattre les sujets difficiles, dont le génocide arménien, par le biais des projets culturels, sera une des missions d'Anadolu Kültür, fondation qu'il a créée en 2002.

Humble, mais têtu; courtois, mais direct; directif, mais jamais condescendant: tels sont les mots choisis par son entourage pour le décrire.

"Je ne sais pas combien de fois j'ai porté des chaises avec lui lors des préparatifs d'un vernissage", indique ainsi Asena Günal, directrice d'Anadolu Kültür.

Pour accueillir les expositions, Osman Kavala a transformé un ancien dépôt de tabac dont il avait hérité en centre culturel, aujourd'hui appelé Depo.

"Je ne l'ai jamais vu rejeter quiconque qui venait avec une idée intéressante, qu'il s'agisse d'un projet littéraire ou cinématographique", raconte Mme Günal.

 "Milliardaire rouge"

Son incarcération a fait de lui un des symboles de la répression orchestrée contre la société civile en Turquie, en particulier depuis le putsch manqué de 2016 qui a été suivi de purges massives.

Pour son entourage, M. Kavala a travaillé pour une "Turquie meilleure", sans discrimination, à un moment où la société turque reste très polarisée sur des sujets brûlants comme la laïcité ou la question kurde.

"Je pense qu'Osman a toujours su apprécier la valeur des initiatives civiles pour le bien commun", affirme Emma Sinclair-Webb, de l'ONG Human Rights Watch. "Il est la dernière personne qui pourrait soutenir un coup d'Etat. C'est révoltant de le voir ciblé dans un jeu politique incompréhensible".

Le choix d'Osman Kavala de se consacrer aux sujets épineux au lieu de simplement mener une vie aisée a fait de lui un profil atypique nourrissant moult théories de complot. 

La presse turque pro-gouvernementale l'a surnommé "le milliardaire rouge", en le comparant au milliardaire américain d'origine hongroise George Soros, bête noire de plusieurs dirigeants autoritaires dans le monde. 

Reprenant ces propos, le président Erdogan l'a plusieurs fois attaqué en l'accusant d'être "le représentant en Turquie" de Soros et de "financer les terroristes". 

M. Kavala "a toujours été extraordinairement réfléchi et juste", affirme Andrew Gardner, de l'ONG Amnesty International. "Entièrement à l'opposé de l'image absurde qu'on donne de lui".


Au Liban, la plupart des sites militaires du Hezbollah ont été cédés à l'armée dans le sud du pays

L'armée libanaise est entrée mercredi dans la ville de Hawsh Al-Sayyid Ali, à la frontière orientale du Liban avec la Syrie. (X/@mdbarakat)
L'armée libanaise est entrée mercredi dans la ville de Hawsh Al-Sayyid Ali, à la frontière orientale du Liban avec la Syrie. (X/@mdbarakat)
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  • « Sur les 265 positions militaires du Hezbollah identifiées au sud du fleuve Litani, le mouvement en a cédé environ 190 à l'armée », a indiqué la source, qui a requis l'anonymat.
  • Le président libanais, Joseph Aoun, dont l'élection a été permise par l'affaiblissement du Hezbollah, a affirmé lundi que la question devait être résolue « par le dialogue », car le « Hezbollah est une composante libanaise ».

BEYROUTH : Selon une source proche du mouvement pro-iranien, l'AFP a appris samedi que la plupart des sites militaires du Hezbollah dans le sud du Liban avaient été placés sous le contrôle de l'armée libanaise.

« Sur les 265 positions militaires du Hezbollah identifiées au sud du fleuve Litani, le mouvement en a cédé environ 190 à l'armée », a indiqué la source, qui a requis l'anonymat.

Dimanche, une émissaire américaine en visite à Beyrouth a exhorté les autorités libanaises à accélérer le désarmement du Hezbollah.

« Nous continuons d'exhorter le gouvernement à aller jusqu'au bout pour mettre fin aux hostilités, ce qui inclut le désarmement du Hezbollah et de toutes les milices », a déclaré Morgan Ortagus sur la chaîne locale LBCI. 

Le président libanais, Joseph Aoun, dont l'élection a été permise par l'affaiblissement du Hezbollah, a affirmé lundi que la question devait être résolue « par le dialogue », car le « Hezbollah est une composante libanaise ».

« Nous allons bientôt élaborer une stratégie de défense nationale dans ce cadre », a-t-il ajouté.

Le Hezbollah est le seul groupe libanais à avoir conservé ses armes après la fin de la guerre civile en 1990, au nom de la « résistance » contre Israël.

Depuis le début de la guerre à Gaza, le Hezbollah a ouvert un front contre Israël en tirant des roquettes à partir du sud du Liban pour soutenir son allié palestinien.

Ces hostilités ont dégénéré en guerre ouverte en septembre 2006 avec des bombardements israéliens intenses au Liban, principalement contre les bastions du Hezbollah, dont la direction a été quasiment décimée. La guerre a fait plus de 4 000 morts.

Israël, qui a maintenu sa présence militaire au Liban dans cinq points « stratégiques » le long de la frontière, continue de mener régulièrement des frappes au Liban, disant viser des infrastructures et des membres du Hezbollah.


Gaza : une délégation du Hamas est attendue au Caire samedi pour discuter d'une trêve

Des Palestiniens prient pour l'Aïd Al-Adha près des ruines de la mosquée Al-Al Rahma détruite par les frappes aériennes israéliennes à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, le 16 juin 2024. Le Hamas a déclaré qu'il était prêt à conclure un accord global pour la paix à Gaza. (Reuters)
Des Palestiniens prient pour l'Aïd Al-Adha près des ruines de la mosquée Al-Al Rahma détruite par les frappes aériennes israéliennes à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, le 16 juin 2024. Le Hamas a déclaré qu'il était prêt à conclure un accord global pour la paix à Gaza. (Reuters)
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  • « Nous espérons que cette rencontre permettra d'avancer concrètement vers un accord mettant fin à la guerre a déclaré ce responsable sous couvert d'anonymat.
  • « Mais les contacts et les discussions avec les médiateurs sont en cours », a-t-il affirmé.

LE CAIRE : Une délégation du Hamas est attendue samedi au Caire pour des discussions avec les médiateurs égyptiens en vue d'une nouvelle trêve dans la bande de Gaza, a indiqué à l'AFP un responsable du mouvement islamiste palestinien.

« Nous espérons que cette rencontre permettra d'avancer concrètement vers un accord mettant fin à la guerre et à l'agression, et garantissant le retrait complet des forces d'occupation de la bande de Gaza », a déclaré ce responsable sous couvert d'anonymat, en référence à Israël.

Selon lui, le Hamas n'a reçu aucune nouvelle offre de trêve, malgré des informations de médias israéliens rapportant que l'Égypte et Israël avaient échangé des projets de documents portant sur un accord de cessez-le-feu et de libération d'otages.

« Mais les contacts et les discussions avec les médiateurs sont en cours », a-t-il affirmé.

La délégation est conduite par Khalil al-Hayya, le négociateur en chef du Hamas, a-t-il précisé.

Selon le Times of Israel, la proposition égyptienne prévoirait le retour en Israël de 16 otages, huit vivants et huit morts, en échange d'une trêve de 40 à 70 jours ainsi que de la libération d'un grand nombre de prisonniers palestiniens.


Reconnaissance de l'État palestinien : de nombreuses conditions à réunir pour que la France agisse

Emmanuel Macron a répété vendredi dans un message posté sur X en français, anglais, arabe et hébreu que la seule solution au conflit israélo-palestinien était « politique » (Photo AFP)
Emmanuel Macron a répété vendredi dans un message posté sur X en français, anglais, arabe et hébreu que la seule solution au conflit israélo-palestinien était « politique » (Photo AFP)
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  • - Le projet du président français : « Je défends le droit légitime des Palestiniens à un État et à la paix, comme celui des Israéliens à vivre en paix et en sécurité, l'un et l'autre reconnus par leurs voisins », a résumé Emmanuel Macron. 
  • Il a dévoilé le projet d'une telle reconnaissance par Paris dans une « dynamique collective », impliquant la reconnaissance de l'État d'Israël par les pays avoisinants.

PARIS : Toute reconnaissance de l'État palestinien par la France ne contribuera à mettre la solution des deux États avec Israël sur les rails que si elle réunit une myriade de conditions qui semblent pour le moment inatteignables.

Emmanuel Macron a répété vendredi dans un message posté sur X en français, anglais, arabe et hébreu que la seule solution au conflit israélo-palestinien était « politique ». Les obstacles sont de taille.

- Le projet du président français : « Je défends le droit légitime des Palestiniens à un État et à la paix, comme celui des Israéliens à vivre en paix et en sécurité, l'un et l'autre reconnus par leurs voisins », a résumé Emmanuel Macron. 

L'an passé, il avait déclaré que la reconnaissance d'un État palestinien n'était pas un tabou, à condition que ce geste symbolique soit « utile ».

Mercredi, il a dévoilé le projet d'une telle reconnaissance par Paris dans une « dynamique collective », impliquant la reconnaissance de l'État d'Israël par les pays avoisinants.

La conférence pour les deux États, prévue en juin à New York sous l'égide de la France et de l'Arabie saoudite, doit être « un tournant », a-t-il dit. 

Des frontières à définir 

« Les attributs juridico-politiques de l'État palestinien en question n'existent pas aujourd'hui. C'est une pure fiction diplomatique », souligne néanmoins David Khalfa, de la Fondation Jean-Jaurès à Paris.

« Pour qu'un État palestinien soit viable, il faut une continuité territoriale entre Gaza et la Cisjordanie », note Karim Bitar, enseignant à Sciences Po Paris. Or, « on ne voit pas aujourd'hui le gouvernement israélien accepter d'entamer un processus de décolonisation, de mettre un terme à l'occupation de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est, et de demander aux 700 ou 800 000 colons israéliens de quitter ces territoires occupés », dit-il. 

Une autre question épineuse est celle du désarmement du Hamas, qui a perpétré les attentats sanglants du 7 octobre 2023 en Israël et provoqué les représailles meurtrières de l'armée israélienne à Gaza.

Israël a fait de l'éradication du groupe sa priorité. 

Démilitarisation du Hamas et exfiltration

Quoiqu'affaibli, le groupe « a réussi à recruter des milliers de jeunes miliciens » et dispose encore d'un arsenal lui permettant de « mener des actions de guérilla contre les soldats israéliens et de réprimer dans le sang les leaders de la contestation anti-Hamas à Gaza », observe-t-il.

S'agissant de l'exfiltration de certains cadres du Hamas, la question est complexe à explorer avec ceux qui parlent au Hamas, reconnaît-on à Paris. Comment les exfiltrer et vers quelle destination, en plus du Qatar et de la Turquie ? Des interrogations  qui restent sans réponse actuellement. 

Revitaliser l'Autorité Palestinienne

« Les Israéliens doivent être convaincus que le Hamas va être désarmé, qu'il est exclu de la gouvernance de Gaza et que l'Autorité palestinienne va réellement se réformer », a expliqué à l'AFP une source diplomatique française.

Cela passe par le renforcement de la légitimité de l'Autorité palestinienne, alors que la popularité du Hamas augmente au sein de la population. 

Normalisation avec Israël

Selon Hasni Abidi, enseignant au Global Studies Institute de l'Université de Genève, il faut un changement de personnel politique en son sein pour qu'une Autorité palestinienne revitalisée soit en mesure d'assurer une gouvernance crédible dans la bande de Gaza. Or, ses dirigeants ne manifestent aucun désir de passer la main, ce qui permet à Israël d'entretenir l'idée qu'ils n'ont pas d'interlocuteur crédible.

La source diplomatique rappelle que la normalisation est un processus et pas un acte isolé. Elle souligne que ce processus peut se faire progressivement et que d'autres pays peuvent participer. Cependant, la France est réaliste et ne s'attend pas à un règlement immédiat du conflit israélo-palestinien.