En l’absence d’action d’envergure, la coalition israélienne intensifiera son occupation et ses crimes de guerre contre les Palestiniens. Cette intensification conduira à davantage d’attaques palestiniennes contre des Israéliens, y compris des civils. Les actes dont nous avons été témoins au cours des dernières semaines risquent fort de s’aggraver.
Les dirigeants israéliens et palestiniens n’ont pas la volonté ou, dans le cas des seconds, les moyens d’empêcher cela ou même d’en modérer les pires aspects. Le mouvement des colons israéliens est sur le pied de guerre. Il exigera des résultats concrets d’une coalition israélienne dont il était lui-même à l’origine de l’élection. Benjamin Netanyahou a besoin de leurs votes et il ne veut pas les affronter. Attendez-vous à une série d’autres annonces concernant les colonies. C’est Itamar Ben-Gvir, et non M. Netanyahou, qui est aux commandes à Jérusalem-Est. Le ministre de la Sécurité nationale est déterminé à attiser le conflit, notamment à travers l’augmentation extraordinaire du nombre de maisons palestiniennes démolies.
L’Autorité palestinienne perd de plus en plus de contrôle et d’influence. Les jeunes Palestiniens ne voient aucun espoir de négociations viables ou de recours par des voies légales – des solutions que des pays comme les États-Unis et le Royaume-Uni leur interdisent. Ils sont jeunes, sans emploi et ils n’ont que très peu foi en l’avenir. Ils sont prêts à prendre les armes et à attaquer leurs occupants, aussi naïve que cette tentative puisse paraître. Les bienfaits d’une telle démarche pour la cause palestinienne sont assez peu évidents, mais cela se traduira sans doute par de nouvelles effusions de sang. Tuer des civils israéliens ne fera, comme toujours, que se réduire la liberté des Palestiniens.
En théorie, lorsqu’un conflit international majeur devient aussi complexe et périlleux, la communauté internationale doit intervenir. Cette intervention est vitale, car les conséquences d’une escalade pourraient se répercuter dans toute la région. Ce conflit, comme celui de l’Ukraine, soulève des questions de droit international et de responsabilité pour les membres du Conseil de sécurité de l’Organisation des nations unies (ONU) et les hautes parties contractantes à la Convention de Genève. Le silence relatif est accablant.
Quelles sont les options à disposition ? Le manque d’unité au sein du Conseil de sécurité de l’ONU sur presque tous les sujets depuis la crise ukrainienne n’aide pas. Pourtant, si les États-Unis et leurs alliés européens étaient prêts à demander des comptes à Israël, le Conseil devrait trouver le type de consensus vital pour y parvenir.
«Ce conflit est trop grave pour être abandonné aux mains des parties belligérantes.» Chris Doyle
Tout dépend des États-Unis. Si l’administration Biden est prête à mettre de côté la protection diplomatique sans égale qu’offre son pays aux crimes israéliens, de nombreuses options s’offrent à elle. Le président américain est manifestement mécontent de Benjamin Netanyahou. Il a refusé, devant les caméras, de l’inviter à la Maison-Blanche – une rebuffade sans précédent. Mais une grande partie de cette discorde découle de l’Iran et de problèmes intérieurs israéliens, et non de la façon dont Israël traite les Palestiniens. Cela dit, les responsables américains sont loin d’être satisfaits de la manière dont M. Netanyahou est revenu sur les promesses de suspendre la construction de colonies, qu’il avait formulées lors du sommet d’Aqaba et de Charm el-Cheikh.
Les États-Unis ont de nombreux outils à leur disposition. Premièrement, le pays pourrait révoquer sa promesse de mettre son veto aux résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU qui sont critiques à l’égard d’Israël. Aucun État ne devrait disposer d’une telle porte ouverte aux abus. Deuxièmement, il pourrait considérer la prison comme une option en accordant son soutien à la compétence de la Cour pénale internationale (CPI) sur les crimes de guerre commis par toutes les parties en Palestine. Troisièmement, il pourrait soutenir la saisine de la Cour internationale de justice (CIJ) par l’Assemblée générale des nations unies sur la question de la légalité de l’occupation israélienne. Cela permettrait aux États-Unis de se conformer à certaines de leurs obligations juridiques.
Mais les États-Unis pourraient faire encore d’avantage. Pourquoi le contribuable américain devrait-il continuer à financer des milliards de dollars (1 dollar = 0,91 euro) d’aide à Israël, un État dont l’économie est prospère et dynamique ? Ce n’est pas un pays en développement qui languit aux niveaux les plus bas du classement mondial de la pauvreté. Le président Biden pourrait réduire ces fonds et les déployer plus efficacement ailleurs. Il pourrait assortir l'aide militaire américaine de conditions plus strictes, notamment qu'elle ne soit pas utilisée pour opprimer les Palestiniens.
Les dirigeants israéliens comptent toujours sur l’inaction des États-Unis. En réalité, cela ne fait qu’augmenter la faiblesse américaine, puisque son soutien est considéré comme une évidence. Les rares fois où les États-Unis ont rappelé Israël à l’ordre, Tel-Aviv a fait volte-face. Lorsque le président George H.W. Bush a refusé de garantir des prêts en raison des colonies, il a contribué à faire venir un Yitzhak Shamir réticent à la Conférence de paix de Madrid. Joe Biden pourrait adopter une approche ferme avec toutes les parties.
Les acteurs européens disposent également d’options, même si elles ne sont pas aussi éloquentes. Ils pourraient tous soutenir les options juridiques internationales avec plus de vigueur. L’Union européenne (UE) peut également être plus ferme avec Israël sur la question du droit international. Elle peut lier la coopération future en matière de recherche – qu’Israël apprécie tant – au respect de la législation israélienne. L’accord d’association avec l’UE comprend une clause relative aux droits de l’homme qui aurait dû être invoquée il y a longtemps et qui pourrait certainement l’être maintenant. Le Royaume-Uni pourrait également en faire partie. Il dispose d’un accord de libre-échange en cours avec Israël et il devrait insister sur la conditionnalité de cet accord, notamment sur le fait que l’accord ne couvre pas les territoires occupés.
De manière plus constructive, la communauté internationale pourrait et devrait internationaliser à nouveau ce conflit. Ce dernier est trop grave pour être abandonné aux mains des parties belligérantes et l’asymétrie entre Israël et l’Autorité palestinienne ne permet pas de négociations constructives.
Les grandes puissances doivent déterminer clairement les futurs contours d’un accord. Si leur option de prédilection est une solution à deux États, alors il faudrait renforcer cette initiative. Rares sont ceux qui estiment qu’une telle option est toujours réalisable, mais à moins que la communauté internationale n’établisse un nouveau cadre, il faudra suivre cette voie. L’Initiative de paix arabe de 2002 doit en être la base essentielle. Israël doit quitter le territoire occupé au nom de la paix. Des échanges de territoires peuvent être envisagés. Jérusalem devrait avoir un avenir commun pour deux États et deux peuples. Une solution pour les réfugiés palestiniens doit également être engagée. Cet État palestinien doit être viable, indépendant, souverain et contigu.
La partie palestinienne y a souscrit. Pendant des années, l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) a accepté l’option des deux États. Certes, les dirigeants palestiniens ont des obligations à respecter. Le domaine politique palestinien doit être réorganisé et une nouvelle autorité gouvernementale légitime et unique doit être élue au cours d’élections libres et équitables.
Aucun Premier ministre israélien n’a même envisagé de soutenir ce modèle depuis l’époque d’Ehud Olmert. Les dirigeants internationaux devraient rappeler Israël à l’ordre. Benjamin Netanyahou, la partie palestinienne accepte la solution à deux États : quand le ferez-vous aussi ?
Si M. Netanyahou refuse, comme ce sera probablement le cas, cela doit entraîner des conséquences. Si Israël n’accepte pas une véritable solution à deux États, acceptera-t-il alors un seul État avec des droits égaux pour tous ? La réponse à cette question sera également négative. À ce stade, la réponse internationale doit être franche. L’alternative à ces solutions est le crime d'apartheid. Il faudra le dénoncer et ne pas tolérer un jour de plus cette impunité.
Chris Doyle est le directeur du Council for Arab-British Understanding, situé à Londres.
Twitter: @Doylech
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com