En Tunisie, un passionné de la pourpre ressuscite ce pigment antique

Infinies nuances de pourpre (Fethi Belaid/AFP)
Infinies nuances de pourpre (Fethi Belaid/AFP)
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Publié le Lundi 27 juillet 2020

En Tunisie, un passionné de la pourpre ressuscite ce pigment antique

  • La première étape pour obtenir la pourpre, symbole de pouvoir, de prestige et de beauté, c'est d'ouvrir les murex, sorte de bulots à la coquille ornée de pointes
  • La suite est un secret jalousement gardé, disparu depuis presque 600 ans, mais dont M. Nouira maîtrise une partie après 13 ans d'essais

TUNIS : Sa passion pour l'histoire antique, Mohamed Ghassen Nouira la vit dans sa cuisine : c'est là que ce Tunisien redécouvre peu à peu, après des années de tâtonnements, les secrets millénaires pour fabriquer la pourpre, prestigieux pigment extrait d'un coquillage, le murex. Un marteau, une pincette et un petit mortier en pierre sont ses principaux outils de travail : la première étape pour cette couleur typique des dignitaires phéniciens, carthaginois et romains, c'est d'ouvrir les murex, sorte de bulots à la coquille ornée de pointes.

La suite est un secret jalousement gardé au point qu'il avait disparu depuis presque 600 ans -- mais après 13 ans d'essais, M. Nouira en maîtrise une partie.

En août 2007, il a trouvé sur une plage un murex mort dégageant une couleur rouge violacée, lui rappelant un cours d'histoire qui l'avait marqué à l'école, sur la pourpre.

Il en a alors acheté quelques spécimens à des pêcheurs, et s'est mis à explorer ce "trésor marin" dans une petite cuisine dans le jardin de son père - son atelier de travail encore aujourd'hui.

"Au début, je ne savais pas par où commencer. J'écrasais toute la coquille et j'essayais de comprendre comment ce petit animal marin dégageait une couleur aussi précieuse", explique ce directeur d'une société de consulting. Il lui a fallu surmonter de nombreux échecs, parfois démoralisants, mais aussi s'habituer à l'odeur pestilentielle. "Des experts en teinture, en archéologie et en histoire, ainsi que des chimistes, m'ont aidé et encouragé, mais aucun ne connaissait la technique", raconte-t-il.

Secret d'État

L'industrie de la pourpre, utilisée pour teindre les vêtements des puissants, fut parmi les principales sources de richesse des phéniciens et des empires carthaginois puis romains, explique le professeur Ali Drine, directeur de la division de recherche à l'Institut national du Patrimoine. Symbole de pouvoir, de prestige et de beauté, la pourpre était "sous la coupe des empereurs parce qu'elle rapportait beaucoup d'argent à la caisse impériale", dit-il.

En conséquence, aucun document historique ne détaille clairement les méthodes de la production de ce pigment, explique le professeur Drine. "Peut-être parce que les artisans ne voulaient pas divulguer les secrets de leur savoir-faire, ou bien ils avaient peur car les activités de la pourpre étaient rattachées directement aux empereurs, qui refusaient toute rivalité".

Seules pistes pour en exhumer les techniques : des éléments archéologiques en Méditerranée, cuves, coquillages traités et traces de feu surtout à Tyr, dans le sud de Liban, et dans le site de Meninx, sur les rivages de l'île tunisienne de Djerba. Ce sont en effet des phéniciens venus de Tyr, haut lieu de la pourpre, qui ont posé les bases de ce qui allait devenir l'empire carthaginois, sur les côtes tunisiennes.

M. Nouira se dit "satisfait et fier" d'avoir fait "revivre quelque chose en relation avec nos ancêtres les Carthaginois !". Même de nos jours, le pigment est un luxe: il peut atteindre 2.800 dollars (2.430 euros) le gramme chez certains revendeurs européens, voire 4.000 dollars (3.470 euros) selon M. Nouira, qui le vend à des prix plus modestes.

100 kg pour un gramme

Ils sont une poignée dans le monde à produire de la pourpre, parmi lesquels une peintre allemande et un passionné japonais -chacun avec ses techniques secrètes.

Lorsque M. Nouira leur a demandé de l'aide, l'un d'eux a rétorqué "ce n'est pas une recette de cuisine à faire passer", se souvient-il. "Cela m'a rendu plus déterminé encore, ça m'a poussé à lire plus et multiplier mes expériences" notamment sur deux types de murex, Rankulus et Bolinus Brandaris.

Dans la mallette en bois où il conserve son stock, qui va du bleu indigo au rouge violet, il garde précieusement son premier échantillon obtenu en 2009, "cher souvenir de ma première réussite". "J'ai alors amélioré mes méthodes jusqu'à trouver la bonne technique et la maîtriser à partir de 2013-2014", dit-il. Pour obtenir un gramme de pourpre pure, il doit décortiquer cent kilos de murex, ce qui lui prend deux weekends. Il faut laver, trier les coquillages par espèces puis par tailles, et casser délicatement la partie supérieure de la coquille dans le petit mortier, afin d'en extraire la glande, qu'il fait sécher avec du sel. C'est elle qui produit la couleur, après oxydation.

M. Nouira a produit en tout quelques dizaines de grammes de pourpre pure, qu'il vend dans le monde entier. Mais ce qu'il espère avant tout, c'est voir son travail exposé dans des musées tunisiens, et il regrette le manque d'intérêt des autorités pour son travail.

"La pourpre a un grand potentiel touristique", estime M. Nouira qui rêve d'animer un jour des ateliers dans un lieu inspiré de ceux de l'Antiquité. En attendant, il garde ses secrets de fabrication, qu'il espère transmettre à ses enfants. "Ghassen a voulu, a essayé et a réussi", souligne le Pr Drine.


Jean Paul Gaultier nomme Ameni Esseibi première ambassadrice régionale de sa gamme de parfums

Ameni Esseibi, considérée comme la première mannequin grande taille au Moyen-Orient (Photo,  fournie)
Ameni Esseibi, considérée comme la première mannequin grande taille au Moyen-Orient (Photo, fournie)
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  • «Jean Paul Gaultier est plus qu’une marque pour moi», affirme-t-elle dans un communiqué
  • Ameni Esseibi a fait ses débuts internationaux en septembre 2022 en défilant pour la marque française Victor Weinsanto lors de la Fashion Week de Paris

DUBAÏ: La marque de luxe française Jean Paul Gaultier a annoncé que la mannequin tunisienne Ameni Esseibi a été nommée pour la première fois ambassadrice régionale de la gamme de parfums de la marque.

Ameni Esseibi, considérée comme la première mannequin grande taille au Moyen-Orient, a présenté le parfum emblématique Scandal de la marque dans les images de campagne, en portant divers ensembles.

Parmi ces ensembles figurait une robe bleue moulante ornée de motifs floraux roses. Sur un autre cliché, elle est vêtue d’une combinaison de la même couleur, avec des imprimés géométriques jaunes, orange, violets et roses.

Elle a également revêtu une robe noire ainsi qu’une robetransparente beige et or superposée sur une simple base noire.

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Ameni Esseibi a présenté le parfum emblématique Scandal de la marque dans les images de campagne. (Photo fournie)

«Jean Paul Gaultier est plus qu’une marque pour moi», affirme-t-elle dans un communiqué. «C’est un peu comme une famille. Son identité incarne tout ce que je représente: la rébellion, la force, l’audace, l’intrépidité, la sensualité et une touche de scandale.»

«En grandissant, le parfum préféré de ma mère était de la marque Jean Paul Gaultier, ce qui en fait un élément précieux de ma vie. Je suis très honorée d’entrer dans l’Histoire en tant que première ambassadrice arabe dans la région et cette marque fera toujours partie intégrante de ma carrière», ajoute-t-elle.

Ameni Esseibi a fait ses débuts internationaux en septembre 2022 en défilant pour la marque française Victor Weinsanto lors de la Fashion Week de Paris.

Elle a ensuite travaillé avec plusieurs marques réputées, dont H&M, et elle a figuré dans les pages de nombreuses publications.

En 2022, l’Arab Fashion Council, une organisation à but non lucratif représentant l’industrie de la mode au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, a nommé la mannequin basée à Dubaï comme ambassadrice.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Algérie: entre hockey et croquet, un jeu traditionnel pour fêter le printemps

Dans les montagnes du nord de l'Algérie, l'arrivée du printemps vient d'être fêtée avec le "thakourth", un jeu traditionnel, mélange de hockey sur gazon et de croquet, qui sert aussi à résoudre les conflits dans les villages berbères (Photo, AFP).
Dans les montagnes du nord de l'Algérie, l'arrivée du printemps vient d'être fêtée avec le "thakourth", un jeu traditionnel, mélange de hockey sur gazon et de croquet, qui sert aussi à résoudre les conflits dans les villages berbères (Photo, AFP).
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  • Ce jeu qui remonterait à l'Antiquité existe avec des variantes dans toute l'Afrique du nord, du Maroc jusqu'à la Libye
  • Il a aussi une connotation religieuse et la prière de la «Fatiha» est récitée avant chaque partie

BLIDA: Dans les montagnes du nord de l'Algérie, l'arrivée du printemps vient d'être fêtée avec le "thakourth", un jeu traditionnel, mélange de hockey sur gazon et de croquet, qui sert aussi à résoudre les conflits dans les villages berbères.

"Nous l'avons hérité de nos ancêtres, il y a longtemps. Il est pratiqué par nos tribus berbères. Nous y jouons chaque année à l'arrivée du printemps, sept fois pendant le mois de mai", raconte fièrement à l'AFP Ahmed Yettou, 22 ans, un jeune villageois.

Il se joue avec le "medjghaf", mot berbère pour désigner la crosse en bois et une balle ("thakourth") balle taillée dans le bois dur de bruyère.

Ce jeu qui remonterait à l'Antiquité existe avec des variantes dans toute l'Afrique du nord, du Maroc jusqu'à la Libye. Il a aussi une connotation religieuse et la prière de la "Fatiha" est récitée avant chaque partie.

"Ce jeu, nous l'avons appris de nos pères et grands-pères dès notre enfance. Aujourd'hui nous cherchons à le faire connaître à la nouvelle génération", confie Rabeh Zaghmim, 68 ans, un joueur de thakourth.

Extension de la nature 

"Nous préparons manuellement les +Medjghaf+, ces bâtons utilisés pour jouer (de taille différente) selon les âges et (qui restent) légers afin que tout le monde puisse jouer confortablement. Si Dieu le veut, eux (les jeunes) et leurs proches continueront à s'entraîner et à jouer", explique M. Zaghmim.

"Nous préférons les petits troncs car ils sont faciles à manipuler, contrairement aux grands", explique Omar Darbal, 50 ans, un autre joueur, qui fabrique "six ou sept balles (par saison) selon le nombre de semaines de jeu".

Le but du jeu, qui se pratique avec une équipe se trouvant à l'est d'un terrain et l'autre à l'ouest, est de ramener la balle dans le camp adverse. Il exige une grande force physique pour courir et frapper fort avec le "Medjghaf" dans la balle en bois.

Le contact direct est interdit mais il est possible de frapper la crosse de l'adversaire. Si un joueur parvient à faire s'envoler la balle et à l'attraper pour l'envoyer dans le camp adverse, son équipe marque le point. Ainsi de suite jusqu'au score de sept points.

"Ce jeu est une extension de la nature, il symbolise l'accueil et la joie à l'arrivée du printemps", souligne l’historienne et chercheuse en patrimoine, Radhia Beljedoui.

Le jeu peut aussi servir à résoudre des problèmes entre des gens "qui passent parfois un an sans se voir", souligne Omar Hamadouch, 76 ans.


Le film Everybody Loves Touda, présenté à Cannes, est un brillant exemple du travail de Nabil Ayouch

Le film Everybody Loves Touda, réalisé par Nabil Ayouch et projeté dans le cadre du festival de Cannes, raconte l’histoire d’une mère célibataire (Photo, fournie).
Le film Everybody Loves Touda, réalisé par Nabil Ayouch et projeté dans le cadre du festival de Cannes, raconte l’histoire d’une mère célibataire (Photo, fournie).
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  • La projection du film s’est terminée par une standing ovation
  • Comme les autres films de Nabil Ayouch, Everybody Loves Touda fait preuve d’un réalisme fascinant qui peut parfois sembler un peu trop dur

CANNES: Le film Everybody Loves Touda, réalisé par Nabil Ayouch et projeté dans le cadre du festival de Cannes, raconte l’histoire d’une mère célibataire, Touda (Nisrin Erradi), qui estime que «tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir».

Dans la petite ville dans laquelle elle habite, elle apporte de la musique et de la gaieté, et ses danses répandent la bonne humeur parmi son public. Cependant, elle fait bientôt l'objet d'une attention non désirée.

La projection du film s’est terminée par une standing ovation et la quatrième participation de M. Ayouch au festival a semblé susciter bien plus d'intérêt de la part du public que les années précédentes. En 2012, son drame Les Chevaux de Dieu, acclamé par la critique, a été présenté dans la section «Un certain regard», deuxième en importance après la compétition principale et largement considérée comme une plate-forme pour le cinéma expérimental. Mais Nabil Ayouch a également présenté un film dans la section «En compétition» pour la très convoitée Palme d’or : sorti en 2021, son long-métrage Haut et Fort, le premier film marocain depuis 1962 à concourir pour cette distinction, a fait sensation.

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Maryam Touzani et Nabil Ayouch lors de la séance photo du film Everybody Loves Touda au 77e festival de Cannes. (Getty Images)

Comme les autres films de Nabil Ayouch, Everybody Loves Touda fait preuve d’un réalisme fascinant qui peut parfois sembler un peu trop dur. Bien que M. Ayouch ait écrit le scénario avec Maryam Touzani (Le Bleu du caftan), afin probablement d’adoucir son histoire, Touda se caractérise par une détermination exceptionnelle. Cherchant à s’installer à Casablanca, où son fils sourd aurait une meilleure scolarité et où elle pourrait elle-même trouver de meilleures opportunités, Touda se met à chanter dans les boîtes de nuit des villages, supportant avec un sourire le regard lubrique des hommes ivres d’illusion.

Ce n’est pas la première fois que Nabil Ayouch dépeint les femmes dans des situations aussi précaires. Son film Whatever Lola Wants, sorti en 2008, raconte les épreuves d’une employée des postes à New York qui rêve de devenir danseuse orientale en Égypte. Quant à Much Loved (qui a été présenté dans la section «La Quinzaine des cinéastes»), il a déclenché un tollé en raison de son exploration de la prostitution au Maroc.

La musique du film, composée par Flemming Nordkrog, est très entraînante, mais Touda chante aussi des chansons folkloriques sur la libération et sur d’autres formes de droits de la femme. La performance captivante de l’actrice fait briller le récit: Nisrin Erradi a une présence remarquable à l’écran, ce qui rend le film particulièrement agréable à regarder.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com