PARIS: Les atteintes aux droits et les "entailles" aux principes qui fondent la société française se multiplient, notamment pour les étrangers, en matière d'accès aux services publics ou de protection de l'enfance, s'inquiète la Défenseure des droits dans son rapport annuel publié lundi.
"Depuis presque trois ans que je suis en poste, je constate des atteintes aux droits qui portent atteinte à la cohésion et à la démocratie. On a une augmentation dans tous les domaines", a expliqué Claire Hédon.
L'autorité indépendante qu'elle dirige, chargée notamment de défendre les citoyens face à l'administration, a reçu en 2022 plus de 125 000 réclamations, soit 9% de plus que l'année précédente.
Les réclamations traitées par les 570 délégués, présents dans les 96 départements métropolitains et 5 départements d'outremer, concernent majoritairement les relations avec les services publics: plus de 82 000 réclamations, en hausse de 14% sur un an.
Plus spécifiquement, la Défenseure des droits déplore "l'état dramatique" de la protection de l'enfance, dont les réclamations sont en hausse de 20% sur un an pour atteindre 3 586.
"Comme ce qu'il se passe dans les Ehpad, cela concerne aussi la petite enfance. On manque de moyens pour les personnes vulnérables", commente Mme Hédon.
Ses services alertent par ailleurs sur les atteintes aux droits fondamentaux des étrangers, premier motif de saisine de l'institution: elles représentent près d'un quart des 125.456 réclamations enregistrées en 2022.
De 6.540 en 2019, le nombre de réclamations est passé à 21.666 en 2022, soit une hausse de 231%. Cette augmentation est même de 450% en Île-de-France.
Rendez-vous en préfecture
En cause dans de très nombreux cas, l'impossibilité pour les ressortissants étrangers de prendre un rendez-vous en préfecture pour demander ou renouveler un titre de séjour, obtenir une réponse des services de l'Etat ou des délais d'instruction extrêmement longs pour les obligations de quitter le territoire français (OQTF).
Claire Hédon déplore à ce titre les suppressions d'effectifs dans les services publics, qui ont un impact sur l'accueil des personnes, en rappelant que l'institution n'a pas "vocation à devenir le 'Doctolib' de la prise de rendez-vous en préfecture".
Comme les années précédentes, l'année 2022 a été marquée par les questions de relations entre police et population: la Défenseure des droits a enregistré une légère hausse (+2%) des dossiers liés à la "déontologie de la sécurité", avec 2.455 réclamations, dont la majorité concerne l'action des forces de l'ordre.
Statistiquement, les manquements à la déontologie de la sécurité représentent 3% des réclamations reçues par l'institution l'an dernier.
La mobilisation contre la réforme des retraites a donné lieu à "115 saisines depuis le début des manifestations sur les retraites, et dans l'immense majorité sur les trois dernières semaines ou le dernier mois", a indiqué lors d'une conférence de presse Mme Hédon, qui a suivi le 6 avril le cortège intersyndical parisien depuis la salle de commandement de la préfecture de police.
Ces dernières semaines, la gauche, des syndicats et des ONG de défense des droits humains ont sévèrement critiqué le recours à leurs yeux excessif à la force par les policiers et gendarmes lors de la mobilisation contre la réforme des retraites ou la manifestation contre les mégabassines à Sainte-Soline (Deux-Sèvres) le 25 mars.
Dans son rapport, la Défenseure des droits note par ailleurs une légère hausse (+2%) des réclamations en matière de lutte contre les discriminations, pour atteindre 6 545 l'an dernier, dont 20% concernaient des discriminations en raison du handicap.
Les réclamations concernant l'orientation et la protection des lanceurs d'alerte ont enfin bondi de 51% en un an, passant de 89 à 134, après la promulgation de la loi du 21 mars 2022 renforçant leur protection.