Au procès de l'attentat de la rue Copernic, les «doutes» d'un juge d'instruction

Ce croquis de salle d'audience réalisé le 3 avril 2023 montre diverses scènes au tribunal lors de l'ouverture du procès par contumace des accusés de l'attentat de 1980 contre la synagogue de la rue Copernic, au palais de justice de Paris (AFP).
Ce croquis de salle d'audience réalisé le 3 avril 2023 montre diverses scènes au tribunal lors de l'ouverture du procès par contumace des accusés de l'attentat de 1980 contre la synagogue de la rue Copernic, au palais de justice de Paris (AFP).
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Publié le Vendredi 14 avril 2023

Au procès de l'attentat de la rue Copernic, les «doutes» d'un juge d'instruction

  • Le dossier d'instruction compte déjà «50 tomes» et des «indices concordants» à l'encontre de Hassan Diab
  • En s'aidant de quelques notes, le magistrat évacue d'abord les éléments ayant impliqué Hassan Diab dans une organisation terroriste pro-palestinienne

PARIS: Trop de "doutes" et d'"incertitudes". Au procès de l'attentat de la rue Copernic à Paris, le juge d'instruction Jean-Marc Herbaut a expliqué jeudi pourquoi il avait ordonné en 2018 un non-lieu à l'égard de Hassan Diab, l'unique accusé finalement renvoyé devant la cour d'assises spéciale.

Juge d'instruction "depuis 33 ans", coordonnateur du pôle antiterroriste du tribunal judiciaire de Paris, Jean-Marc Herbaut, 59 ans, est un magistrat expérimenté et estimé des deux côtés de la barre.

Sa présence face à la cour est "un peu surprenante" et inconfortable, dit-il d'emblée, puisqu'il est l'un des deux juges ayant rendu, en janvier 2018, "une ordonnance motivée et susceptible d'appel", abandonnant les poursuites à l'encontre de l'universitaire libano-canadien Hassan Diab.

La cour d'appel avait infirmé cette ordonnance trois ans plus tard, et ordonné un procès pour le seul mis en cause dans cet attentat, qui avait fait quatre morts et des dizaines de blessés près d'une synagogue le 3 octobre 1980.

Quand le juge Herbaut "récupère" en 2015 ce dossier "grave", "ancien", il en fait sa "priorité absolue", bien que cette période soit "cauchemardesque" pour le pôle antiterroriste, mobilisé sur les attentats du 13-Novembre, assure-t-il, silhouette fine dans un costume bleu nuit.

Derrière lui, quelques magistrats et avocats se sont massés sur les bancs de la petite salle d'audience, tout près des rares parties civiles présentes.

«Contradictions»

Le dossier d'instruction compte déjà "50 tomes" et des "indices concordants" à l'encontre de Hassan Diab, poursuit Jean-Marc Herbaut, qui va les reprendre dans le détail, avant d'expliciter en quoi ils ne constituaient pas selon lui des "charges" suffisantes.

En s'aidant de quelques notes, le magistrat évacue d'abord les éléments ayant impliqué Hassan Diab dans une organisation pro-palestinienne, issus surtout de témoignages dont il soulève les "contradictions".

L'accusé, absent à son procès où il est jugé par défaut, peut-il par ailleurs être le faux Alexander Panadriyu, cet homme suspecté d'avoir posé la bombe qui avait laissé beaucoup de traces de son passage à Paris à l'automne 1980, dont cinq mots manuscrits sur une fiche d'hôtel.

Cette pièce, âprement débattue, a fait l'objet de quatre expertises judiciaires.

"Je vais me montrer assez direct avec la cour. Je n'apporte strictement aucun crédit à ces expertises en écriture", lâche Jean-Marc Herbaut.

La défense, qui avait sollicité une dizaine de spécialistes privés pour contrer les premières expertises, boit du petit lait.

Le juge d'instruction en vient au coeur de l'accusation: le passeport de Hassan Diab, retrouvé en 1981 à Rome sur un membre présumé de l'organisation à laquelle l'attaque de la rue Copernic a été attribué et comportant des tampons d'entrée et de sortie d'Espagne à des dates entourant cet attentat.

«Alibi»

Sur ce "seul élément de preuve réel" du dossier, Jean-Marc Herbaut invite à la prudence. Son existence n'avait été révélée que dix-huit ans après sa saisie, en 1999, alors que des renseignements, "pas sourcés" insiste-t-il, venaient de désigner Hassan Diab comme le poseur de la bombe.

Ce dernier lui a toujours affirmé qu'au moment de l'attentat il passait des examens de sociologie à Beyrouth, qu'ils s'étalaient sur "17 jours" environ, "un alibi" dont le juge s'est attaché à contrôler la véracité en auditionnant notamment d'anciens étudiants.

Ils avaient corroboré, comme l'université, la tenue d'examens à l'automne 1980, des témoignages qui sans attester d'une présence "formelle" de Hassan Diab au Liban semblent exclure pour Jean-Marc Herbaut qu'il ait "pu partir pendant les dix-sept jours" de cette période d'examens.

Si ce n'est pas Hassan Diab, qui a utilisé ce passeport il y a quarante-trois ans ? Le juge se "perd en conjectures", "n'arrive pas à avoir de certitudes".

Ses "doutes sur la culpabilité de Hassan Diab", il aurait dû les "exprimer" plus tôt aux parties civiles, reconnaît Jean-Marc Herbaut.

Mais à celles qui avaient redit lors de leurs auditions dans la matinée leur "incompréhension" de ce non-lieu, il tient à assurer que ce n'était pas "une décision prise à la légère", mais bien "mûrement réfléchie" et "assumée encore aujourd'hui".


« La France doit produire plus pour manger mieux », affirme la ministre de l'Agriculture

Le président français Emmanuel Macron (G) s'adresse à la presse en compagnie de la ministre française de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire Annie Genevard  L'édition 2025 du SIA (Salon International de l'Agriculture) Agriculture se tient à Paris du 22 février au 2 mars 2025. (Photo par Thomas Padilla / POOL / AFP)
Le président français Emmanuel Macron (G) s'adresse à la presse en compagnie de la ministre française de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire Annie Genevard L'édition 2025 du SIA (Salon International de l'Agriculture) Agriculture se tient à Paris du 22 février au 2 mars 2025. (Photo par Thomas Padilla / POOL / AFP)
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  • la France doit affirmer sa souveraineté agricole comme un enjeu régalien et réarmer sa puissance alimentaire », a-t-elle déclaré, appelant à « sonner la mobilisation générale ».
  • « La France doit produire plus pour manger mieux. Produire plus pour reconquérir l’assiette des Français, produire plus pour importer moins et garantir les standards de production que nous exigeons de nos paysans », a-t-elle ajouté.

PARIS : « La France doit produire plus pour manger mieux », a affirmé dimanche, lors de l'inauguration du stand du ministère au Salon de l'agriculture, la ministre de l'Agriculture Annie Genevard, livrant sa vision de la souveraineté alimentaire.

« Dans ce moment de grand bouleversement de l'ordre international (...), la France doit affirmer sa souveraineté agricole comme un enjeu régalien et réarmer sa puissance alimentaire », a-t-elle déclaré, appelant à « sonner la mobilisation générale ».

« La France doit produire plus pour manger mieux. Produire plus pour reconquérir l’assiette des Français, produire plus pour importer moins et garantir les standards de production que nous exigeons de nos paysans », a-t-elle ajouté, suscitant des applaudissements dans le public, largement composé de représentants du monde agricole (producteurs, interprofessions, syndicats, chambres d'agriculture, etc.).

« Produire plus pour pouvoir investir et ainsi produire mieux. Produire plus pour rester une puissance exportatrice et jouer dans la cour des grands alors que de nouveaux équilibres de la géopolitique agricole se dessinent », a-t-elle poursuivi, au côté de son homologue marocain, Ahmed El Bouari, dont le pays est l'invité d'honneur du Salon.

« Produire plus et tourner le dos aux partisans de la décroissance et du repli sur soi », a ajouté Mme Genevard.

Tout en estimant qu'il est « un non-sens » d'opposer agriculture et environnement alors que les agriculteurs travaillent « avec la nature », elle a déclaré se battre « chaque jour pour qu'on ne bride pas l'alimentation au nom de la planète, alors qu'il n’y a aucun bénéfice objectif à ces entraves administratives ou réglementaires ».

La ministre s'en est ensuite vigoureusement pris aux « idéologues », « les procureurs qui mangent du paysan à tous les repas sans en avoir jamais vu, pour entretenir le fantasme d'une France agricole productiviste ».

« On invoque souvent la dette environnementale que nous pourrions laisser à nos enfants. Mais je ne veux pas non plus leur laisser une dette alimentaire », a-t-elle encore affirmé. 


À Washington, Macron veut faire entendre la voix de l’Europe sur l’Ukraine.

Le président français Emmanuel Macron (C), le président élu des États-Unis Donald Trump (G) et le président ukrainien Volodymyr Zelensky posent avant une réunion au palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 7 décembre 2024. (Photo de Sarah Meyssonnier / POOL / AFP)
Le président français Emmanuel Macron (C), le président élu des États-Unis Donald Trump (G) et le président ukrainien Volodymyr Zelensky posent avant une réunion au palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 7 décembre 2024. (Photo de Sarah Meyssonnier / POOL / AFP)
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  • L’entretien prévu entre le président français Emmanuel Macron et son homologue américain Donald Trump, à Washington ce lundi, est des plus délicats.
  • Les européens s’inquiètent que Washington et Moscou, ne scellent un accord de paix au détriment de Kiev, au regard des concessions faites gratuitement et d’entrée de jeu par l’administration américaine.

PARIS : L’entretien prévu entre le président français Emmanuel Macron et son homologue américain Donald Trump, à Washington ce lundi, est des plus délicats, puisqu’il s’agit de faire entendre la voix de l’Europe et de l’Ukraine, écartées des pourparlers avec la Russie sur le dossier ukrainien.

Le président français a pris soin de se préparer à cette rencontre tout au long des jours précédents, en organisant deux réunions successives avec plus d’une trentaine de dirigeants européens sur le sujet.

Ces rencontres lui ont permis de contourner les divergences et de s’assurer d’une relative unité sur le dossier au sein de l’Europe.

Parallèlement, il a aussi convoqué en urgence à l’Elysée les représentants des forces politiques françaises, pour les mettre au fait des implications au niveau de la France et de l’Europe, de la démarche américaine, sur le dossier ukrainien.

Le chef de l’Etat s’est également adressé aux Français, à travers la presse régionale et les réseaux sociaux, pour évoquer une partie de son plan, en vue de cette rencontre qui coïncide avec le troisième anniversaire de la guerre menée par la Russie contre le territoire ukrainien.

Depuis l’annonce de Trump, de pourparlers avec la Russie sur ce dossier et la rencontre qui a eu lieu récemment à Riad à ce sujet, entre de hauts responsables américains et russes, la France et l’Europe s’efforcent de faire entendre leur voix sur ce chapitre.

Les européens s’inquiètent que Washington et Moscou, ne scellent un accord de paix au détriment de Kiev, au regard des concessions faites gratuitement et d’entrée de jeu par l’administration américaine.

Cette dernière, doute de l’objectif de l’Ukraine de rejoindre l’alliance Atlantique, et n’accorde pas d’intérêts à la restitution par les Russes des régions ukrainiennes qu’ils ont occupé depuis le début de la guerre.

Par ailleurs, l’administration américaine ne se fait aucun souci au niveau des défis sécuritaires qui peuvent guetter le continent européen, de la part du président russe Vladimir Poutine.

Partant de là, la France tout comme l’Europe s’opposent à tout règlement auquel ils ne seraient pas associés ainsi que les Ukrainiens, et Macron compte faire entendre cela à Trump, déployant à cette fin un atout principal.

Dans les propos tenus lors de son échange avec les Français sur les réseaux sociaux, Macron a affirmé qu’il dira à Trump « Tu ne peux pas être faible face au président Poutine. Ce n’est pas toi, pas ta marque de fabrique, ce n’est pas ton intérêt ».

Une manière de faire plier Trump en le ramenant à sa propre vérité, un pari à tenter sans garantie de réussite, tant les réactions et positions du président américains semblent échapper à toute logique.

D’où le sentiment que l’entretien de Macron avec son homologue américain relève d’un saut dans le vide, d’autant plus que ce dernier s’affranchi de toute sorte de limites ou garde fou.

Il s’est montré prêt à sacrifier l’Ukraine au profit de la Russie et à laisser à l’abandon ses alliées européens, et il s’est lancé dans une campagne de critiques personnelles et gratuites à l’encontre du président ukrainien Vlodomir Zelenski le traitant de « dictateur non élu ».

En dépit de cela, le Palais de l’Elysée préfère tempérer et mettre l’accent sur ce qui rapproche et uni, en soulignant à la veille de la visite présidentielle que « la France partage l’objectif du président Trump de mettre fin à la guerre en Ukraine ».

Le président français, toujours selon l’Elysée « Va à Washington dans l’esprit de soutenir cet objectif », et qu’il y va avec « des propositions d’action » et « le souci de travailler en soutien de l’Ukraine, et au renforcement de la sécurité en Europe ». 


La question se pose : comment le blé français a-t-il perdu le chemin de l'Algérie ?

Champ de blé (Photo iStock)
Champ de blé (Photo iStock)
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  • Longtemps premier acheteur du blé français, l'Algérie boude désormais les chargements de la céréale du pain exportée par l'ancienne puissance coloniale
  • « l'origine du changement d'approvisionnement de la part de l'Algérie n'est pas politique », estime Edward de Saint-Denis, de la maison de courtage Plantureux & Associés.

PARIS : Longtemps premier acheteur du blé français, l'Algérie boude désormais les chargements de la céréale du pain exportée par l'ancienne puissance coloniale, un désamour antérieur à la récente crise diplomatique entre Paris et Alger, expliquent des acteurs du marché.

Il fut un temps où les courtiers racontaient que « les meuniers algériens écrasaient plus de blé français que les meuniers français », relate Arthur Portier, analyste du marché céréalier chez Argus Media France.

« La France a exporté jusqu'à 5 millions de tonnes de blé tendre par campagne à destination de l'Algérie, soit la moitié de ses exportations hors Union européenne », explique-t-il.

Des échanges importants, nourris par la proximité géographique des deux pays, leurs liens historiques et l'augmentation des besoins alimentaires d'une population algérienne ayant quadruplé depuis l'indépendance.

La France, premier producteur et exportateur européen de blé tendre, y trouvait un débouché naturel. « Il y avait un vieil accord tacite : nous achetions du gaz algérien et l'Algérie du blé français. Ça a bien marché pendant 50 ans », affirme un opérateur actif sur le marché européen.

En 2018, les exportations de blé français vers l'Algérie représentaient plus de 5,4 millions de tonnes ; en 2023, ce chiffre était tombé à moins d'un million de tonnes, selon les données des douanes françaises consultées par l'AFP.

Entre juillet et décembre 2024, seul un bateau transportant 31 500 tonnes de blé tendre a pris la direction de l'Algérie, selon la même source.

Ce tarissement des échanges intervient en pleine crise diplomatique : les tensions entre Paris et Alger se sont brutalement aggravées après la décision, cet été, du président français Emmanuel Macron de reconnaître la « souveraineté marocaine » sur le Sahara occidental — alors qu'Alger soutient les indépendantistes sahraouis du Front Polisario depuis plus d'un demi-siècle.

En octobre dernier, les acteurs français du marché ont même discrètement exprimé leur étonnement de ne pas avoir reçu d'appel d'offres de l'office public algérien des céréales (OAIC), pourtant envoyé à tous les autres acteurs habituels.

Le ministère algérien de l'Agriculture avait alors démenti l'exclusion volontaire d'un de ses « partenaires européens habituels » et évoqué une « consultation restreinte (...) régie par des critères techniques spécifiques », dans un communiqué consulté par l'AFP.

- « Grains punaisés » -

Si, selon toute personne interrogée, la crise actuelle n'arrange pas les choses, « l'origine du changement d'approvisionnement de la part de l'Algérie n'est pas politique », estime Edward de Saint-Denis, de la maison de courtage Plantureux & Associés.

« À un moment donné, la France n'a pas pu servir le marché algérien, qui s'est tourné vers la mer Noire. Les meuniers ont apprécié la qualité des grains russes », explique-t-il.

C'est en effet en 2016, année pluvieuse où la production de blé a chuté de 20 % en France, que l'Algérie a importé pour la première fois de blé russe, selon un acteur européen du marché.

Cette année-là, la Russie, qui a massivement investi dans sa production céréalière, est devenue le premier exportateur mondial de blé. En mars 2024, les céréaliers français réunis à Paris s'inquiètent de voir la Russie « envahir le terrain de jeu des acheteurs de céréales dans le monde et principalement en Afrique », selon l'expression de Jean-François Loiseau, président de l'interprofession.

Les importations algériennes de grains russes, modestes à l'origine, augmentent considérablement à partir de 2022-2023, essentiellement au détriment des blés français, mais aussi allemands ou argentins.

Ce gonflement des achats à la Russie est rendu possible par un changement majeur : l'OAIC a modifié son cahier des charges en 2021, augmentant son taux acceptable de grains punaisés, jusqu'à tolérer 0,5 % de grains endommagés par des insectes contre 0,2 % auparavant, afin de correspondre aux qualités du blé de la mer Noire, explique Edward de Saint-Denis.

L'Algérie s'est donc mise à acheter régulièrement du blé russe, moins cher que le blé français et dont la caractéristique est aussi un taux de protéine plus élevé, ce qui lui confère une qualité de panification appréciée par les meuniers algériens.

Peu dommageable en 2024, car la France a peu à vendre après une récolte de blé médiocre, l'absence d'Algérie sur le marché français risque toutefois de devenir problématique, car cette absence, que les opérateurs espèrent « temporaire », n'est pas compensée par l'augmentation des importations du Maroc ni par la Chine, « actuellement aux abonnés absents », relève Arthur Portier.