PARIS: Ultime démonstration de force des opposants à la réforme des retraites avant le verdict du Conseil constitutionnel: des centaines de milliers de personnes sont attendues dans les cortèges de l'Hexagone jeudi à l'appel de l'intersyndicale, toujours unie.
Après près de trois mois, la mobilisation devrait rester conséquente, bien qu'en décrue par rapport à la dernière journée d'action, il y a une semaine.
Les autorités prévoient entre 400 et 600 000 personnes dans les rues, à comparer avec les 570 000 recensés le 6 avril et 740 000 le 28 mars.
"Ce n'est pas le moment de craquer car c'est ce qu'attendent Macron et Borne, que ça s'essouffle. Il faut continuer à montrer que le peuple est contre la réforme", explique Johan Chivert, un étudiant interrogé dans la Creuse.
"La décision de vendredi" du Conseil constitutionnel - dont les abords ont été symboliquement brièvement bloqués jeudi matin par des manifestants - "peut mettre un terme à toute cette mobilisation", mais "j'ai un peu peur que ça se radicalise dans les prochaines semaines", renchérit Yves Juruard, retraité, également dans la Creuse.
Côté transport, 3 TER sur 5 et 4 TGV sur 5, et seulement 1 Intercités sur 5 circulent. En région parisienne, le trafic du métro et des RER est légèrement perturbé.
La Direction générale de l'aviation civile (DGAC) a demandé aux compagnies aériennes de renoncer à 20% de leurs vols à Nantes, Bordeaux et Toulouse.
«On va se revoir»
Jeudi matin, des lycées et universités sont à nouveau bloqués, par exemple sur des campus de l'Université de Lille.
Dans l'énergie, l’entrée de la raffinerie de Feyzin, près de Lyon, a été bloquée deux heures. Un barrage filtrant a aussi été mis en place à la centrale nucléaire de Gravelines.
Côté déchets, la CGT a annoncé à Paris un "acte 2" de la mobilisation des éboueurs avec un nouvel appel à la grève reconductible à partir de jeudi. Les éboueurs parisiens n'avaient pas ramassé les poubelles pendant trois semaines en mars.
"Ce n'est pas le dernier jour de mobilisation, on va se revoir encore beaucoup", a déclaré en tout début de journée la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, depuis l'incinérateur d'Ivry-sur-Seine, près de Paris, à nouveau bloqué.
Outre Ivry, des actions ont été menées sur plusieurs sites de Seine-Saint-Denis, avec notamment des barrages filtrants devant l'incinérateur de Saint-Ouen.
Des blocages sont également en cours autour de plusieurs villes de l'ouest, notamment à Caen, Brest et Rennes où le dépôt de bus est aussi bloqué.
A Paris, la manifestation partira à 14H00 de la place de l'Opéra pour se diriger vers Bastille.
L'exécutif et les opposants à la réforme attendent la décision du Conseil constitutionnel, prévue vendredi en fin de journée. Il semble peu probable que les Sages annulent la totalité de la réforme.
Mais ils pourraient élaguer le texte et renforcer les arguments de l'intersyndicale en faveur d'une suspension ou d'un retrait.
Depuis Amsterdam, où il était en visite, Emmanuel Macron a promis mercredi aux syndicats, "dans un esprit de concorde", un "échange qui permettra d'engager la suite et de tenir compte" du verdict du Conseil.
«Attitude nouvelle»
Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, suggère qu'en cas de censure partielle, le chef de l'Etat utilise l'article 10 de la Constitution pour permettre de proposer au Parlement une nouvelle délibération.
Une éventuelle validation par le Conseil constitutionnel du référendum d'initiative populaire lancé par la gauche pourrait également redonner aux opposants un nouvel objectif.
Dans un tel scénario, "on pourra s'engager sur une campagne, continuer la mobilisation sous des formes adaptées", expliquait mercredi Benoît Teste (FSU).
A gauche, la députée écologiste Sandrine Rousseau comme Manuel Bompard (LFI) ont appelé jeudi à "poursuivre" le mouvement.
Le président du Sénat Gérard Larcher (LR) a de son côté demandé jeudi qu'Emmanuel Macron adopte "une autre manière de gouverner".
Parmi les hypothèses envisagées pour la suite par les syndicats, des défilés unitaires le 1er mai, voire une vaste manifestation à Paris.
Ils doivent se réunir jeudi soir, selon des sources concordantes, pour préparer leur réaction aux décisions du Conseil constitutionnel.