PARIS: Trois mois après la présentation de la réforme des retraites et le début d'une mobilisation "historique" scandée par bientôt douze journées de mobilisation, l'heure de vérité approche pour les syndicats, désormais suspendus à la décision du Conseil constitutionnel.
Les "Sages" doivent annoncer vendredi en fin de journée s'ils valident le projet décrié du gouvernement, ou s'ils le censurent en partie ou dans sa totalité. Ils jugeront aussi si la demande de référendum d'initiative partagée (RIP) de la gauche est recevable ou non.
Les syndicats ont prévu d'ici là une douzième journée de grève et de manifestations, jeudi, avec à Paris un parcours allant de la place de l'Opéra à celle de la Bastille.
La circulation des trains sera perturbée, la SNCF prévoyant en moyenne 4 TGV sur 5, 3 TER sur 5. Le trafic du métro et des RER en région parisienne devrait être lui "quasi-normal" quoique légèrement perturbé.
Des annulations de vols sont également programmés dans les aéroports de Nantes, Bordeaux et Toulouse.
Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, n'a pas exclu qu'il s'agisse de la dernière manifestation de l'intersyndicale au complet. "Vous attendrez le début de la semaine prochaine pour avoir une réponse à cette question", a-t-il répondu sur LCI mardi.
Un rassemblement est également prévu vendredi en fin d'après-midi, peut-être sur le parvis de l'Hôtel de Ville, la préfecture de police ayant refusé qu'il se tienne place de la Concorde.
En attendant la décision du Conseil constitutionnel, les responsables syndicaux retiennent leur souffle. Même si M. Berger avait espéré la semaine dernière une censure de "l'ensemble de la loi", ce scénario n'est pas celui que privilégient les leaders syndicaux.
En cas de censure partielle, M. Berger a suggéré que le président de la République se saisisse de l'article 10 de la Constitution, "pour aller vers une nouvelle lecture à l'Assemblée nationale". Cet article permet au président de la République, avant la promulgation de la loi, de proposer au Parlement une nouvelle délibération.
«Ca ne changera pas notre lutte»
Une censure partielle offrirait aux syndicats l'occasion d'interpeller à nouveau l'exécutif, au motif que "l'équilibre du texte que prétendait avoir le gouvernement n'est plus respecté", a expliqué la semaine dernière la numéro 2 de la CFDT, Marylise Léon.
Les syndicats espèrent à tout le moins que le Conseil constitutionnel valide le Référendum d'initiative partagé, ce qui permettrait de "créer des perspectives", selon Benoît Teste, de la FSU.
"Les 4,8 millions de signatures (nécessaires pour le RIP, ndlr), on ira les chercher. La réforme sera toujours injuste, on continuera à la combattre", assure Dominique Corona (Unsa).
Le troisième scénario, où la loi serait validée mais pas le RIP, est celui qui inquiète le plus les syndicats, qui craignent dans cette hypothèse d'être débordés par leur base.
Interrogé par l'AFP mardi, Christophe Aubert, coordinateur CGT Exxon Mobil, s'est dit prêt à aller "jusqu'au retrait de la réforme". "Que le Conseil constitutionnel valide ou pas, ça ne changera pas notre lutte", a-t-il affirmé, précisant que la raffinerie de Donges, près de Saint-Nazaire, appelait à 48H00 de grève jeudi et vendredi. Les éboueurs parisiens sont également appelés à reprendre la grève jeudi.
"On verra ce que dit l'intersyndicale. Mais nous, on sent bien sur le terrain que les salariés ne veulent pas de cette loi et donc, nous, on conservera notre outil syndical à disposition des salariés qui veulent continuer à se battre", a de son côté affirmé Fabien Dumas de Sud-Rail.
L'intersyndicale avait prévenu la Première ministre la semaine dernière, à la sortie d'une réunion à Matignon: pas question pour elle de "tourner la page" et de reprendre le dialogue avec le gouvernement comme si de rien n'était.
Mardi, lors de la séance des Questions au gouvernement à l'Assemblée, le ministre du Travail Olivier Dussopt a estimé que le texte arrivait "à la fin d'un cheminement", et redit que le gouvernement était prêt à renouer le dialogue.
"Nous avons reçu la semaine dernière l'intersyndicale pour dire à la fois qu'il y a toujours un désaccord sur la question de l'âge, mais aussi qu'il y a d'autres sujets sur lesquels nous devrons travailler et que lorsqu'ils y seront prêts, la porte de Matignon comme celle du ministère du Travail sont évidemment ouvertes pour continuer à avancer", a-t-il dit.