ISLAMABAD : Peu avant l'aube, Noor ul Islam monte les marches d'une des plus grandes mosquées du monde à Islamabad, entre dans la monumentale salle et murmure pour lui-même une prière, à l'écart d'un microphone grésillant.
Puis ce muezzin de 32 ans inspire une longue bouffée d'air et entonne l'appel à la prière pour les croyants, un chant à la fois puissant et mélodieux qui résonne dans toute la capitale du Pakistan et marque le commencement du jeûne quotidien en ce mois de ramadan.
"La voix est un don de Dieu", explique-t-il à l'AFP dans la mosquée Faisal, un imposant monument en marbre symbole de la dévotion religieuse de la Nation pakistanaise. "Si vos intentions sont pures, votre voix aura le pouvoir de toucher le coeur des gens", estime-t-il.
Dans tout le monde musulman, les muezzins comme Noor ul Islam récitent cinq fois par jour l'adhan, l'appel à la prière, appelé azan au Pakistan. Pendant le ramadan, les fidèles y portent une attention encore plus grande.
La prière est psalmodiée en arabe et diffusée par des hauts-parleurs placés dans les minarets. Elle rappelle aux musulmans que "Dieu est le plus grand" et qu'il leur faut "se hâter de prier".
Dans les mosquées les plus renommées, la fonction de muezzin est hautement convoitée. Et il existe une hiérarchie implicite. Un récitateur à l'intonation particulièrement mélodieuse accroît le prestige d'une mosquée. Une personne à la recherche d'une maison peut ainsi juger de la qualité de l'adhan dans le voisinage avant de se résoudre à acheter.
Les trois postes de muezzins à la mosquée Faisal - un emblème national ouvert en 1986 qui peut accueillir théoriquement jusqu'à 300 000 fidèles - sont parmi les plus prisés au monde en dehors des lieux saints de La Mecque et Médine.
Quand Noor, encore adolescent et venu de sa ville natale située à une centaine de kilomètres de là, a visité pour la première fois Islamabad, il a été captivé par l'appel fervent émanant de la mosquée Faisal.
"Chaque musulman aspire à dire l'adhan, à mener la prière ou à donner un sermon dans une mosquée renommée", reprend-il. "Chaque musulman pieux rêve de cela."
«Un coeur pur»
Sa chance est arrivée en 2018, quand un poste s'est libéré et qu'il a battu près de 400 candidats pour l'obtenir. Lorsqu'il s'avance devant le micro, il bouche ses oreilles avec ses doigts, pour s'isoler de tous les sons autres que ceux émis par sa voix.
"L'adhan, quand il est rendu avec une prononciation belle et précise, trouve un écho auprès des gens", estime Aziz Ahmed, un homme d'affaires de 57 ans croisé devant la mosquée.
Certains muezzins couvent leurs cordes vocales comme des rock stars ou des chanteurs d'opéra, évitant de prendre froid, buvant des boissons aromatisées au miel ou s'abstenant de manger la grasse cuisine pakistanaise. "Je suis négligent là-dessus", convient en riant Noor. "Je ne peux pas résister." Mais il considère sa vocation avec gravité.
"La raison d'être fondamentale de l'adhan est d'inviter les gens auprès de Dieu. Vous ne pouvez réellement accomplir cela que si vous possédez un coeur pur", déclare-t-il. "Tout retard ou manque de sincérité en réalisant l'adhan pourrait éroder notre foi."
L'adhan est décevant quand les muezzins en font une simple "formalité". Alors qu'une récitation talentueuse peut le "toucher droit au coeur", poursuit-il.
Son rôle lui confère une certaine célébrité. Les croyants viennent parfois de loin pour entendre l'appel de la mosquée Faisal et n'hésitent pas à réclamer des selfies.
A Swabi, sa ville de naissance, Noor est un héros local. Mais quand il s'y rend, il mène simplement une "vie normale".
Il rêve maintenant de devenir muezzin de la grande mosquée de La Mecque. "Je ne peux pas expliquer ces sentiments", dit-il. "Chaque musulman devrait essayer de créer ce lien entre lui et Dieu (...) On y trouve la paix."