PINGTAN: La Chine organise lundi des manœuvres à tirs réels dans le détroit de Taïwan, au troisième jour d'un exercice "d'encerclement total" pour protester contre la rencontre de sa présidente avec un haut responsable américain.
Durant le weekend, des avions de chasse et des navires de guerre avaient simulé des bombardements ciblés contre l'île, dans le cadre de cette opération baptisée "Joint Sword" et dénoncée par Taïwan. Les États-Unis ont eux appelé Pékin à la "retenue".
L'objectif ? Simuler un "encerclement total" du territoire de 23 millions d'habitants revendiqué par Pékin.
La Chine a ainsi envoyé des avions, navires et troupes dans "les espaces maritime et aérien" tout autour de l'île, a indiqué l'armée.
De quoi inquiéter la population : "Nous, les gens ordinaires, on veut juste une vie simple et stable", a confié à l'AFP Lin Ke-qiang, habitant de 60 ans de l'île Beigan, sur l'archipel de Matsu, qui appartient à Taïwan, mais visible depuis la côte chinoise.
"Si une guerre arrive, maintenant que leurs missiles sont si avancés, nous n'avons aucune chance de résister, on sera écrasés", ajoute l'homme, qui travaille comme cuisinier.
«Expansionnisme autoritaire»
Dimanche, l'armée chinoise a simulé des "frappes de précision" contre des "cibles-clés sur l'île de Taïwan et dans les eaux environnantes", impliquant des dizaines d'avions et des troupes au sol, selon la télévision d'État, précisant que ce déploiement "continuera à maintenir un encerclement rapproché de l'île".
Les forces aériennes ont aussi envoyé des dizaines d'aéronefs pour "survoler l'espace aérien visé" et, au sol, l'armée a lancé des manœuvres pour des "tirs de précision vers plusieurs cibles", selon la même source.
Samedi, la présidente Tsai Ing-wen a dénoncé l'"expansionnisme autoritaire" de la Chine et assuré que Taïwan "continuerait à travailler avec les États-Unis et d'autres pays (...) pour défendre les valeurs de liberté et de démocratie".
Les manœuvres chinoises ont justement été lancées après une rencontre mercredi dernier en Californie de la présidente avec le président de la Chambre des représentants, Kevin McCarthy.
Le Département d'État américain a réitéré samedi son appel à "ne pas modifier le statu quo", tandis que le Pentagone a dit lui "suivre les événements de près".
La Chine voit avec mécontentement le rapprochement ces dernières années entre les autorités taïwanaises et les États-Unis qui, malgré l'absence de relations officielles, fournissent à l'île un soutien militaire substantiel.
Et elle considère Taïwan comme une province qu'elle n'a pas encore réussi à réunifier avec le reste de son territoire depuis la fin de la guerre civile chinoise en 1949. Elle vise cette réunification, par la force si nécessaire.
«Sérieux avertissement»
Les exercices à tirs réels de lundi se tiendront dans le détroit de Taïwan à proximité des côtes du Fujian (est), la province qui fait face à l'île, selon les autorités maritimes chinoises locales. Elle est située à 80 kilomètres au sud de l'archipel de Matsu et à 190 kilomètres de Taipei.
Selon la même source, ils seront menés entre 07h00 (23h00 GMT dimanche) et 20h00 (12h00 GMT lundi), autour de Pingtan, une île qui constitue le point le plus proche entre la Chine et Taïwan.
Les manœuvres "servent de sérieux avertissements contre la collusion entre les forces séparatistes recherchant 'l'indépendance de Taïwan' et les forces extérieures, ainsi que leurs activités provocatrices", a averti un porte-parole de l'armée chinoise, Shi Yi.
Tôt lundi, une équipe de l'AFP sur place à Pingtan ne constatait pas d'activité militaire accrue. Un petit nombre de bateaux de pêche et de navires de transport étaient visibles depuis la côte, mais les navires plus lointains n'étaient pas identifiables à l'œil nu.
Dimanche, le ministère de la Défense taïwanais avait indiqué avoir détecté 11 navires de guerre et 70 avions chinois autour de l'île, une armada globalement similaire à celle recensée samedi.
Il a précisé que 45 aéronefs avaient franchi la ligne médiane séparant Taïwan et la Chine continentale samedi, le chiffre le plus élevé depuis le début de l'année, selon des données compilées par l'AFP.
Durant le weekend, le ministère a détecté environ 150 bateaux et aéronefs chinois, dont des avions de chasses, des drones, des bombardiers et des engins de transport.
Le dernier déploiement important autour de l'île avait eu lieu en août dernier : la Chine avait engagé des manœuvres militaires sans précédent autour de Taïwan et tiré des missiles en réponse à une visite sur l'île de la démocrate Nancy Pelosi, alors présidente de la Chambre.