TAIPEI: Des étudiants se sont réunis comme à leur habitude samedi sur la place de la Liberté à Taipei pour y danser, malgré l'atmosphère menaçante créée par Pékin avec ses manoeuvres militaires pour encercler l'île.
"Bien sûr que j'ai un peu peur", explique Hong Xiang-yu, un étudiant de 23 ans, après la fin de l'entraînement. "Ici, nous sommes sur la place de la Liberté. J'espère rester libre, libre de faire ce que je veux et dire ce que je veux dire", ajoute-t-il.
Ces trois jours de manoeuvres sont présentés par Pékin comme un "sérieux avertissement" aux partisans de l'indépendance de Taïwan et à leurs alliés de l'étranger. Le but de la première journée, samedi, était de tester la capacité de l'armée chinoise à "prendre le contrôle de la mer, de l'espace aérien et de l'information (...pour) un encerclement total" de Taïwan, a affirmé la télévision chinoise.
Mais cette menace ne semble pas affecter la population, notamment les nombreux jeunes présents par petits groupes place de la Liberté, comme chaque week-end.
Cette place imposante, flanquée du grand Théâtre national et de la Salle de concert nationale, est devenue au fil des années le lieu aussi bien de rencontres et de réunions diverses que de manifestations.
Et des fanfares d'école ou des troupes de danseurs s'y retrouvent fréquemment. Ce samedi, des lycées participent à une cérémonie en l'honneur de Tchang Kaï-chek, le dirigeant chinois ayant amené son gouvernement et ses partisans en exil sur l'île après la victoire communiste en 1949.
Les lycéens non plus ne semblent pas impressionnés. "Je crois que la plupart des Taïwanais sont habitués maintenant, on se dit juste, et voilà, c'est reparti", explique Jim Tsai, 16 ans, en parlant des nombreuses manoeuvres chinoises proches de l'île ces dernières années.
Tchang Kaï-chek dirigeait la Chine jusqu'à la prise de pouvoir par les communistes en 1949. Fuyant le pays, il a emmené son gouvernement en exil et ses partisans vers Taïwan, se présentant pendant plus de 20 ans comme le seul gouvernement légitime de toute la Chine.
Ni lui ni ses successeurs n'ont donc jamais proclamé l'indépendance de Taïwan.
Le régime autoritaire militaire mené par Tchang Kaï-chek jusqu'à sa mort en 1975, avec ses milliers d'opposants exilés, emprisonnés ou exécutés, est vu aujourd'hui par beaucoup de jeunes taïwanais comme un régime relativement semblable à celui qui règne actuellement à Pékin.
Et la place de la Liberté, malgré le monument à Tchang Kaï-chek, est devenue un symbole de l'évolution de Taïwan vers une société démocratique.
Dans l'ensemble, les Taïwanais semblent s'être habitués à l'agressivité de Pékin, et ont confiance dans la capacité de leur gouvernement à préserver la liberté de Taïwan.
"Nous sommes un peu inquiets, mais il faut bien qu'on continue à avancer. Je crois que notre gouvernement ne nous laissera pas tomber", déclare encore Hong Xiang-Yu.
Les Chinois "semblent bien aimer faire ça, encercler Taïwan comme si c'était à eux. J'y suis habitué, maintenant", renchérit Michael Chuang, un ouvrier du bâtiment de 32 ans. Avant de conclure, un peu fataliste: "De toutes façons, s'ils nous envahissent, on ne peut pas s'échapper. Nous verrons bien ce que l'avenir nous réserve et on avisera à ce moment-là".