France: un Goncourt pas comme les autres, Hervé Le Tellier sacré pour «L'Anomalie»

L'écrivain français Hervé Le Tellier pose après avoir reçu le prix Goncourt, le prix littéraire le plus prestigieux de France, pour son roman «L'Anomalie», le 30 novembre 2020 à Paris. (Thomas SAMSON / AFP)
L'écrivain français Hervé Le Tellier pose après avoir reçu le prix Goncourt, le prix littéraire le plus prestigieux de France, pour son roman «L'Anomalie», le 30 novembre 2020 à Paris. (Thomas SAMSON / AFP)
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Publié le Mardi 01 décembre 2020

France: un Goncourt pas comme les autres, Hervé Le Tellier sacré pour «L'Anomalie»

  • L'écrivain Hervé Le Tellier a remporté lundi le prix Goncourt: son roman s'appelle «L'Anomalie»
  • Cette récompense a été décernée par visioconférence, chaque juré étant resté chez lui

L'écrivain Hervé Le Tellier a remporté lundi le prix Goncourt: son roman s'appelle L'Anomalie et ça ne pouvait mieux tomber dans une ère troublée par la Covid-19, qui a privé les jurés de leur traditionnelle annonce au restaurant Drouant à Paris. 

Il a obtenu huit voix contre deux pour L'Historiographe du royaume de Maël Renouard, un des quatre finalistes.

Cette récompense a été décernée par visioconférence, chaque juré étant resté chez lui. Pas de délibérations à table, donc, et pas de bousculade avec les journalistes à l'arrivée du lauréat. Et le Goncourt, tout un symbole, a donc été attribué quarante-huit heures après la réouverture des librairies.

Pour les journalistes littéraires interrogés par le mensuel spécialisé Livres Hebdo, dont celui de l'AFP, Hervé Le Tellier – 63 ans, mathématicien de formation, ancien journaliste, président de l'association de l'Oulipo (ouvroir de littérature potentielle) – tenait la corde pour le Goncourt. 

Ce livre, bâti comme un savant jeu de construction et au suspense haletant, a pour lui d'avoir déjà convaincu un large public.

L'Anomalie, huitième roman de son auteur, raconte les suites d'un événement apparemment inexplicable, à savoir qu'un vol Paris-New York se reproduit deux fois, avec les mêmes passagers, à quelques mois d'intervalle. Un récit qui convoque avec brio tous les genres, science-fiction, roman noir, récit littéraire classique, procès-verbaux d'interrogatoire, etc.

Adapté à l'écran? 

Didier Decoin, le président du jury, a d'ailleurs suggéré que ce roman devrait connaître une autre vie sous forme de série ou sur grand écran. «C'est vrai qu'il y a une vraie dimension cinématographique. Il y a une arche narrative, comme on dit dans le vocabulaire de la série. Ça ne me déplairait pas de voir ce livre incarné sur l'écran», a admis Hervé Le Tellier par visioconférence.

Marie-Hélène Lafon, pour Histoire du fils, a elle remporté le prix Renaudot, récompense littéraire traditionnellement remise le même jour que le Goncourt.

Mais, Covid-19 ou pas, ce qui ne change pas, c'est que les prix littéraires sont toujours accompagnés d'un petit parfum de soufre. Samedi, le New York Times dénonçait dans une enquête le jeu trouble des jurys littéraires français, où selon le quotidien, la qualité littéraire passe après des conflits d'intérêt flagrants et des intrigues difficilement lisibles pour le grand public. Le Goncourt est moins directement visé que le Renaudot.

Ces deux prix, remis par des jurys bénévoles, ne rapportent rien ou presque dans l'immédiat à un écrivain: 10 euros pour le premier, 0 euro pour le second. Mais ils constituent des enjeux économiques cruciaux pour les auteurs et éditeurs, car des dizaines voire des centaines de milliers de lecteurs font confiance à ces labels.

Jury renouvelé

Conscients de cet enjeu, les deux prix ont préféré attendre la réouverture des librairies, intervenue samedi après un mois de fermeture pour raisons sanitaires.

«Dans cette rentrée, il y a eu 500 écrivains qui ont publié des textes (...) On est quatre finalistes, donc on voit bien qu'il y a eu beaucoup de blessés», relevait vendredi l'un des quatre auteurs en lice, Hervé Le Tellier, sur France Culture.

Outre des conditions inédites, le Goncourt se distingue cette année par un jury en partie renouvelé. Le journaliste Bernard Pivot a quitté la présidence de l'Académie fin 2019, et la romancière Virginie Despentes a démissionné début 2020. L'essayiste Pascal Bruckner et la romancière Camille Laurens ont fait leur entrée au sein du jury désormais présidé par l'écrivain Didier Decoin.

Au Renaudot, le journaliste et écrivain Jérôme Garcin avait démissionné en mars avec l'intention de susciter un renouvellement et de favoriser la présence de femmes au sein du jury. Il n'a pas encore trouvé de successeur.

En 2019, le Goncourt avait été remporté par Jean-Paul Dubois, avec Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon

Le Renaudot avait choisi le roman de Sylvain Tesson La Panthère des neiges, et l'essai d'Eric Neuhoff (Très) cher cinéma français.


Hoor al-Qasimi nommée directrice artistique de la Biennale de Sydney

Al-Qasimi a créé la Fondation d’art de Sharjah en 2009 et en est actuellement la présidente et la directrice. (Instagram)
Al-Qasimi a créé la Fondation d’art de Sharjah en 2009 et en est actuellement la présidente et la directrice. (Instagram)
Al-Qasimi a créé la Fondation d’art de Sharjah en 2009 et en est actuellement la présidente et la directrice. (Instagram)
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  • Créée en 1973, la Biennale de Sydney est l'une des expositions les plus anciennes du genre
  • Depuis 2017, Al-Qasimi préside l'Association internationale des biennales ainsi que l'Institut d’Afrique

DUBAÏ : La Biennale de Sydney a annoncé cette semaine la nomination de la commissaire d’expositions émiratie Hoor al-Qasimi au poste de directrice artistique de sa 25e édition, qui se tiendra du 7 mars au 8 juin 2026.

Créée en 1973, la Biennale de Sydney est l'une des expositions les plus anciennes du genre et s’affirme en tant que première biennale établie dans la région Asie-Pacifique.

En 2009, Al-Qasimi a créé la Fondation d'art de Sharjah, dont elle est actuellement la présidente et la directrice. Tout au long de sa carrière, elle a acquis une vaste expérience dans la conception de biennales internationales, notamment en tant que commissaire de la deuxième Biennale de Lahore en 2020 et du Pavillon des Émirats arabes unis à la 56e Biennale de Venise en 2015.

Elle a également cocuraté la sixième édition de la Biennale de Sharjah en 2003 et en assure la direction depuis.

Al-Qasimi préside l'Association internationale des biennales ainsi que l'Institut d’Afrique depuis 2017.  Elle a précédemment siégé au conseil d'administration du MoMA PS1 à New York et à celui du Ullens Center for Contemporary Arts (UCCA), à Beijing, entre autres fonctions.

Elle est également directrice artistique de la sixième Triennale d'Aichi, qui se tiendra au Japon en 2025.

 


Cannes: le conflit israélo-palestinien en filigrane

L'actrice française Leila Bekhti porte un badge en forme de pastèque palestinienne alors qu'elle arrive à la projection du film "Furiosa : A Mad Max Saga" lors de la 77e édition du Festival de Cannes à Cannes, dans le sud de la France, le 15 mai 2024. (Photo Valery Hache AFP)
L'actrice française Leila Bekhti porte un badge en forme de pastèque palestinienne alors qu'elle arrive à la projection du film "Furiosa : A Mad Max Saga" lors de la 77e édition du Festival de Cannes à Cannes, dans le sud de la France, le 15 mai 2024. (Photo Valery Hache AFP)
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  • Sur TikTok, le hashtag «blockout2024» fait florès et invite les internautes à bloquer les comptes de stars restées silencieuses sur la guerre à Gaza
  • Vendredi, une projection privée du film-témoignage monté par le gouvernement et l'armée israélienne sur les massacres du 7 octobre, «Bearing Witness», a été envisagée avant d'être annulée «pour raisons de sécurité »

CANNES, France : Un symbole palestinien ou un portrait d'otage: à l'heure où le conflit entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza embrase les campus et les réseaux sociaux, les stars présentes au 77e Festival de Cannes préfèrent afficher un soutien discret.

Ruban jaune accroché à la veste, l'acteur Philippe Torreton a gravi mardi les marches du Festival. Un symbole en soutien aux quelque 250 personnes prises en otage par le Hamas le 7 octobre.

L'actrice Leïla Bekhti, qui a récemment enregistré un message en faveur des enfants de Gaza pour l'Unicef, a arboré mercredi un pin's pastèque, l'un des symboles de la résistance palestinienne.

Des positionnements très discrets quant au conflit israélo-palestinien, au moment où sur TikTok, le hashtag «blockout2024» fait florès et invite les internautes à bloquer les comptes de stars restées silencieuses sur la guerre à Gaza. Beyoncé et Kim Kardashian figurent parmi les cibles de cette mobilisation propalestinienne et ont déjà perdu des centaines de milliers d'abonnés.

En réponse, des célébrités comme Omar Sy, membre du jury à Cannes, ont mis en ligne en début de semaine un appel au cessez-le-feu sur Instagram.

Sur le tapis rouge cannois, le message le plus fort à propos de ce conflit est venu jusqu'ici d'une survivante de l'attaque du Hamas le 7 octobre, Laura Blajman-Kadar, vêtue d'une robe jaune affichant des portraits d'otages israéliens et une écharpe noire «Bring them home» («Ramenez-les à la maison»).

Vendredi, une projection privée du film-témoignage monté par le gouvernement et l'armée israélienne sur les massacres du 7 octobre, «Bearing Witness», a été envisagée avant d'être annulée «pour raisons de sécurité, ont indiqué à l'AFP ses organisateurs.

Ce film, composé d'extraits des caméras et téléphones des assaillants du Hamas et d'images captées par des victimes et des secouristes, avait été diffusé le 14 novembre à l'Assemblée nationale en France. Des projections privées ont déjà eu lieu en marge de sommets comme Davos, selon les organisateurs.

- Haute surveillance -

Mais point de manifestation politique, ni côté public, ni côté montée des marches. Une discrétion à l'extrême, qui pourrait basculer avec la présentation vendredi à 18H00 de «La belle de Gaza», documentaire dans le milieu très fermé des femmes transgenres palestiniennes réfugiées à Tel-Aviv.

Même si le conflit israélo-palestinien, évoqué à travers la dureté des autorités pour les «clandestines» venues de Cisjordanie sans permis de travail, s'efface totalement dans ce film de Yolande Zauberman, supplanté par un autre type de conflit intime et universel.

Si aucun film palestinien n'est présent en sélection, «Vers un pays inconnu» du réalisateur danois d'origine palestinienne Mahdi Fleifel, suit deux jeunes cousins palestiniens se retrouvant en Grèce, après avoir fui un camp au Liban. Le film est présenté à la Quinzaine des cinéastes.

Au Marché du film, le plus grand au monde, le pavillon du «film arabe» a déroulé une grande banderole appelant à soutenir l'industrie des territoires occupés ou ses cinéastes en exil.

Le seul film israélien présenté cette année est le court-métrage d'Amit Vaknin, étudiante en cinéma à l'Université de Tel-Aviv. «It's no time for pop» s'attache à une jeune femme qui refuse de prendre part à des festivités patriotiques.

Le pavillon israélien a été maintenu, sous très haute surveillance, avec un filtrage sécuritaire drastique à l'entrée.

L'équipe de l'ambassade israélienne a déclaré à l'AFP avoir douté jusqu'au dernier moment du maintien de sa présence, moins d'une semaine après les manifestations monstre lors de l'Eurovision en Suède.

 


Pour sa nouvelle création, Angelin Preljocaj livre son «Requiem(s)»

Le chorégraphe et danseur français Angelin Preljocaj participe à une répétition de sa chorégraphie, le ballet «Le lac des cygnes» du compositeur russe Tchaïkovski, avec les danseurs du «Ballet Preljocaj», au Théâtre de l'Archeveche à Aix-en-Provence, dans le sud de la France, le 23 juillet 2020. (Clement Mahoudeau AFP)
Le chorégraphe et danseur français Angelin Preljocaj participe à une répétition de sa chorégraphie, le ballet «Le lac des cygnes» du compositeur russe Tchaïkovski, avec les danseurs du «Ballet Preljocaj», au Théâtre de l'Archeveche à Aix-en-Provence, dans le sud de la France, le 23 juillet 2020. (Clement Mahoudeau AFP)
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  • Dans la salle du Grand Théâtre de Provence d'Aix, 300 personnes ont assisté à la répétition générale, la veille de la première, et les deux premières dates de «Requiem(s)» étaient annoncées complètes
  • Cette mosaïque d'émotions jaillit aussi de la musique qui accompagne les 19 danseurs, avec des ruptures aussi rapides qu'un claquement de doigts, passant brutalement du +Lacrimosa+ du requiem de Mozart à une chanson de métal

AIX-EN-PROVENCE, France : De la tristesse, de la rage parfois mais aussi des moments de joie, le chorégraphe français Angelin Preljocaj présente ce week-end à Aix-en-Provence, en première mondiale, «Requiem(s)», un spectacle autour de toutes les facettes de la mort et du deuil.

«C'est un thème magnifique et puis l'année 2023 était une année assez dure pour moi personnellement. J'ai perdu beaucoup d'amis, mes parents aussi. Je me suis dit que c'était peut-être le moment de faire un requiem», confie M. Preljocaj à l'AFP.

Basé avec son ballet à Aix-en-Provence, dans le sud de la France, au Pavillon noir, le chorégraphe d'origine albanaise est connu notamment pour ses ballets «Le Parc» et «Blanche-Neige», et ses collaborations fréquentes avec des artistes issus de la musique électro comme Air, le DJ Laurent Garnier et les Daft Punk.

Dans la salle du Grand Théâtre de Provence d'Aix, 300 personnes ont assisté à la répétition générale, la veille de la première, et les deux premières dates de «Requiem(s)» étaient annoncées complètes.

Pour ce spectacle, Angelin Preljocaj dit s'être longuement documenté, allant piocher des références entre autres chez le sociologue Émile Durkheim, qui expliquait que les hommes ont fait société quand ils ont commencé à donner une cérémonie pour leurs morts.

Les facettes de ce cérémonial ressortent tout au long du ballet, tantôt langoureux, tantôt très rythmé, parfois complètement frénétique, les danseurs jouant avec les différentes émotions liées au deuil.

«Ce n'est pas toujours triste, il y a beaucoup de joie dans le spectacle aussi, de la rage parfois, de la mélancolie», énumère le chorégraphe.

- De Mozart au métal -

Cette mosaïque d'émotions jaillit aussi de la musique qui accompagne les 19 danseurs, avec des ruptures aussi rapides qu'un claquement de doigts, passant brutalement du +Lacrimosa+ du requiem de Mozart à une chanson de métal.

«Les musiques m'apportaient des nuances d'émotions différentes et j'avais envie de travailler avec ces choses-là, par exemple les cantates de Bach (1685-1750), Ligeti (1923-2006), Mozart (1756-1791)... et du métal. Je me suis beaucoup amusé avec ça», sourit Angelin Preljocaj.

Des décors aux costumes en passant par la lumière, les danseurs se retrouvent plongés dans une bichromie noire et blanche pudique, seulement troublée par quelques très rares touches de rouge.

Après une heure trente de danse, le public a applaudi de longues minutes.

«Un spectacle, c'est comme une photographie qu'on met dans le révélateur; le révélateur c'est le public, et ce soir c'était très très chaleureux», souffle le chorégraphe à l'issue de la générale.

Après les deux dates inaugurales au Grand Théâtre de Provence vendredi et samedi, une tournée à Paris et dans plusieurs autres villes de France, le spectacle reviendra au mois d'octobre à Aix puis sera joué le 4 décembre à Modène (Italie) puis en 2025 à Athènes, Madrid et Fribourg (Suisse).