WASHINGTON: La banque américaine First Citizens va racheter l'essentiel des restes de sa compatriote Silicon Valley Bank (SVB), une opération vue comme une nouvelle étape vers une sortie de la crise qui secoue le secteur bancaire depuis plusieurs semaines.
First Citizens, dont le siège se situe à Raleigh (Caroline du Nord), va reprendre "l'intégralité des dépôts et prêts" de SVB, et "les 17 agences de SVB ouvriront en tant que First Citizens" dès lundi, a annoncé dans la nuit de dimanche à lundi le régulateur bancaire américain (FDIC) dans un communiqué.
Les autorités américaines auront mis plus de deux semaines à trouver un repreneur pour la dépouille de SVB, dont le régulateur avait pris le contrôle le 10 mars pour éviter son implosion.
SVB est la plus grosse faillite bancaire aux Etats-Unis depuis 2008, la deuxième de tous les temps. Elle a déstabilisé l'ensemble du secteur bancaire, rappelant à certains les débuts de la crise financière de 2008 et ses conséquences mondiales.
C'est une opération majeure pour First Citizens (FCB), 30ième banque américaine, dont les actifs ne pesaient fin 2022 que la moitié de ceux de Silicon Valley Bank. L'enseigne est connue pour ses reprises en série de banques en difficulté ces dernières années.
L'acquisition faisait sens dans la mesure où FCB a des relations privilégiées avec les entreprises du secteur technologique, à l'instar de SVB, notamment via le Research Triangle Park, un énorme campus dédié aux technologies de pointe situé entre Raleigh et Durham, en Caroline du Nord.
Dans le détail, First Citizens va récupérer quelque 72 milliards de dollars d'actifs, des prêts et des crédits-bail, avec une décote majeure de 16,5 milliards consentie par la FDIC pour faciliter la transaction.
La banque, qui compte 550 agences dans 22 Etats, reçoit également 56 milliards de dollars de dépôts. Ce n'est qu'une fraction des 174 milliards de SVB fin 2022, l'établissement californien ayant été depuis victime d'une vague de retraits massifs.
La faillite de SVB est «un cas d'école de mauvaise gestion» selon le vice-président de la Fed
La faillite de la banque américaine SVB est "un cas d'école de mauvaise gestion", selon le vice-président de la Fed chargé de la régulation bancaire Michael Barr.
Par ailleurs, "l'échec de SVB montre la nécessité d'aller de l'avant dans nos travaux pour améliorer la résilience du système bancaire", doit dire ce responsable de la banque centrale américaine mardi devant le Congrès, selon son discours publié lundi.
"Par exemple, il est essentiel que nous proposions et mettions en œuvre les réformes finales de Bâle III, qui refléteront mieux les risques commerciaux et opérationnels dans nos évaluations des besoins en fonds propres des banques", doit préciser le vice-président de la Fed.
"Bâle III", vaste éventail de réformes internationales du secteur bancaire, a été engagé après la crise financière de 2008-2009 afin de renforcer la solidité des banques. De nombreuses mesures ont été prises mais certaines réformes doivent encore être finalisées, tout particulièrement aux Etats-Unis.
Parmi les mesures à mettre en place, Michael Barr doit également mentionner le fait que la Fed prévoit de proposer "une exigence de dette à long terme" pour les grandes banques ne faisant pas partie du club des trente établissements systémiques, aussi appelées "too big to fail" ("trop grosses pour faire faillite").
Cela leur permettrait de disposer "de ressources absorbant les pertes pour soutenir leur stabilisation et permettre une résolution d'une manière qui ne pose pas de risque systémique", doit-il ajouter.
Par ailleurs, "les événements récents ont montré que nous devons faire évoluer notre compréhension du secteur bancaire à la lumière de l'évolution des technologies et des risques émergents", devrait encore indiquer le vice-président de la Fed.
La Fed mène une analyse de la faillite de SVB et compte publier ses conclusions le 1er mai.
Regards vers First Republic
Outre la décote, First Citizens a obtenu de la FDIC la mise en place de plusieurs mécanismes de protection pour consentir à absorber SVB.
L'Agence de garantie des dépôts va notamment mettre en place un fonds dédié de 70 milliards de dollars, dans lequel First Citizens pourra puiser en cas d'accélération des retraits de clients. La FDIC a également accepté de prendre en charge une partie des pertes éventuelles que la banque pourrait enregistrer sur le portefeuille de crédits de SVB.
"Cette acquisition est intéressante financièrement, stratégiquement et sur le plan opérationnel", a commenté Frank Holding, directeur général de First Citizens, lors d'une conférence téléphonique. "C'est aussi une belle illustration de la collaboration des régulateurs et des banques pour protéger les déposants."
La FDIC prévoit que le mécanisme américain de garantie des dépôts encaissera quelque 20 milliards de dollars de pertes liées à la faillite de SVB. Il est alimenté par des cotisations obligatoires de banques qui bénéficient du mécanisme de garantie des dépôts.
L'agence conserve un portefeuille de titres financiers hérités de SVB d'une valeur estimée à 90 milliards de dollars, qu'elle va gérer directement jusqu'à extinction.
L'annonce a été saluée à Wall Street, où l'action de First Citizens gagnait près de 50% lundi en début de séance. Les titres de nombreuses autres banques régionales s'affichaient également en nette hausse.
"C'est un signe positif du fait que les banques ne sont pas vues comme abîmées au point que personne n'en voudrait plus", a commenté Alexander Yokum, de CFRA Research.
Après la défaillance de SVB, un autre établissement américain, Signature Bank, a fait faillite.
En Europe, Credit Suisse, fragilisée depuis plusieurs années, a été la plus secouée par le séisme. La deuxième banque suisse a été rachetée en urgence par sa compatriote UBS pour éviter une faillite.
Pour tenter de contenir la contagion, les autorités américaines ont mis en place un dispositif pour prêter massivement, si besoin, aux banques qui ne pourraient pas faire face à d'éventuels retraits importants.
La semaine passée, la FDIC a annoncé un accord similaire à celui dévoilé dans la nuit, pour la reprise d'une partie de Signature Bank par Flagstar Bank, une filiale de New York Community Bancorp.
Après le rachat de SVB et de Signature Bank, "tout le monde a le regard tourné vers First Republic", souvent considérée comme le nouveau maillon faible du système bancaire américain et qui a été martyrisé en Bourse depuis deux semaines, a indiqué Alexander Yokum.
"L'industrie bancaire et le gouvernement ne veulent pas les voir tomber", a-t-il poursuivi. "Cela pourrait provoquer encore plus de retraits dans les banques régionales."