PARIS: C’est un déplacement inédit, «une déambulation», selon les mots de l’Élysée, qu’effectue le président Emmanuel Macron ce jeudi 16 mars dans les services du Quai d’Orsay, temple de la diplomatie française.
Inédit, puisque c’est la première fois que Macron se rend au ministère des Affaires étrangères et européennes «pour parler de la diplomatie et des diplomates».
Depuis son premier mandat en 2017, le président s'est rendu deux fois au ministère: la première pour une réunion de soutien au Liban, et la seconde pendant la pandémie de Covid-19.
Ce nouveau déplacement intervient à l’invitation de la ministre des Affaires étrangères et européennes, Catherine Colonna, au lendemain de la remise du rapport du comité des États généraux de la diplomatie, par le rapporteur général du comité, l’ambassadeur Jérôme Bonnafont.
De quoi s’agit-il?
Les États généraux de la diplomatie ont été lancés à la suite de la colère et la défiance des agents diplomatiques à l’égard de la réforme instaurée par Macron et prévoyant la disparition de deux corps historiques de la diplomatie française, dont le corps des conseillers des affaires étrangères qui fut remplacé par un nouveau corps d'État.
Peur d’une perte de professionnalisation et de prestige
Redoutant une perte de professionnalisation et de prestige de la diplomatie française, les agents du Quai d’Orsay sont allés, contrairement à leur culture, jusqu’à faire grève pour faire entendre leur mécontentement, alors que plusieurs tribunes et pétitions signées par des diplomates et mettant en garde contre les méfaits de cette réforme ont été publiées par les médias français.
Face à ce mouvement de protestation et dans le droit fil de la méthode Macron qui consiste à garder les portes ouvertes et à privilégier le dialogue, Colonna a lancé en octobre 2022 les États généraux de la diplomatie.
Selon la porte-parole du Quai d’Orsay, Anne-Claire Legendre, «il s’agissait de formuler des recommandations opérationnelles sur l’évolution de notre outil diplomatique, en s’appuyant sur une consultation de grande ampleur».
Cette consultation menée sous la houlette de l’ambassadeur Bonnafont et s’appuyant sur une équipe d’une quinzaine de personnes a donné lieu à des travaux structurés, avec la participation de l’ensemble des agents du ministère, tous grades confondus, ainsi que de nombreuses personnalités extérieures.
L’impopularité de la réforme du corps diplomatique auprès des concernés est bien reconnue par l’Élysée qui, cependant, souligne une adhésion grandissante de leur part
S’inspirant «des réflexions et des milliers de propositions formulées par les participants», le rapport remis à Colonna propose «un état des lieux et des recommandations relatives à l’organisation des métiers de la diplomatie», affirme Legendre.
Même son de cloche du côté de l’Élysée qui affirme qu’il s’agit «d’adapter notre outil diplomatique aux besoins d’aujourd’hui» dans un monde très volatile, et de le doter de nouveaux moyens humains et matériels, pour faire face à des crises de natures de plus en plus variées.
«Cette transformation de l’action diplomatique est une nécessité et requiert de la vision politique et de nouvelles compétences techniques» indique l’Élysée, pour faire face aux crises politiques mais aussi climatiques, humanitaires et alimentaires.
Lors de sa «déambulation» au Quai d'Orsay, Macron compte confirmer «sa volonté de réarmer notre diplomatie» pour faire face aux défis, mais il veut également affirmer qu’il est «attentif aux arguments des agents et leurs besoins», assure l’Élysée.
Le climat reste lourd
L’impopularité de la réforme du corps diplomatique auprès des concernés est bien reconnue par l’Elysée qui, cependant, souligne une adhésion grandissante de leur part «puisque nombreux parmi eux ont déjà basculé dans le nouveau corps d'État ou exprimé le souhait de le faire».
Le déplacement au ministère des Affaires européennes et étrangères n’est pas une offensive de charme de la part du président pour mieux faire passer sa réforme auprès des agents, affirme l’Élysée.
Le climat reste lourd du côté des diplomates, résignés, nombre d’entre eux affirmant vouloir être constructifs sans pour autant se délester du sentiment que c’est bien le métier de diplomate qui est menacé
Bien au contraire, «il occupe pleinement le domaine réservé qui est le sien, et c’est celui de la diplomatie», et il veut s’assurer «que le ministère a bien les moyens de notre politique».
On est bien en plein cœur de la méthode présidentielle: écouter sans céder et, dans le meilleur des cas, accepter certains aménagements.
Dans ce cadre, lors de la conférence des ambassadeurs de cet automne, Macron a garanti le maintien du très sélectif «concours d’Orient» pour le recrutement des profils diplomatiques polyglottes.
Il a par ailleurs annoncé la création d’une centaine de nouveaux postes au ministère, et cela pour la première fois depuis trois décennies.
Cependant le climat reste lourd du côté des diplomates, résignés, nombre d’entre eux affirmant vouloir être constructifs sans pour autant se délester du sentiment que c’est bien le métier de diplomate qui est menacé.