PARIS: Revers pour le gouvernement: l'Assemblée nationale a rejeté mercredi en première lecture la réforme controversée de la sûreté nucléaire, quelques voix de la majorité rejoignant la gauche pour s'opposer au "démantèlement" de l'Institut dédié à la sûreté (IRSN).
L'exécutif voudrait fondre l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), expert technique, au sein de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), le gendarme des centrales.
Mais les députés ont approuvé à main levée un amendement de Benjamin Saint-Huile, du groupe indépendant Liot, pour préserver une "organisation duale" entre l'Institut et l'Autorité de sûreté, détricotant l'ensemble de cet article sensible du projet de loi de relance du nucléaire.
Le sujet n'est toutefois pas clos. Le gouvernement peut encore recourir à une deuxième délibération. Et le projet de loi, en cours d'examen à l'Assemblée, doit poursuivre sa navette parlementaire.
"Nous avons proposé au Sénat, compte tenu de l'importance du sujet, d'avoir une deuxième lecture", a prévenu la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher.
Les salariés de l'IRSN sont prudents. "Je suis très content, mais je me méfie de ma joie car ce n'est pas encore gagné. Le gouvernement doit entendre ce rejet", souligne François Jeffroy, représentant de l'intersyndicale.
Lundi, lors d'une troisième journée de grève, des centaines de salariés de l'IRSN avaient défilé près de l'Assemblée, avec des slogans comme "IRSN démantelé, sûreté nucléaire bradée".
«Précipitation»
Dans l'hémicycle, la gauche a protesté contre la "précipitation" d'une réforme "à la hussarde", une "proposition dangereuse" selon l'écologiste et ancienne ministre Delphine Batho.
C'est un "démantèlement en règle. Nous avons besoin de cette indépendance de la recherche, au sein de l'IRSN", a insisté l'Insoumise Aurélie Trouvé.
Quelques voix de la majorité, dont l'ancienne ministre Barbara Pompili (Renaissance), sont aussi montées au créneau.
"Sans aucune étude d'impact", "c'est une folie de nous balancer ça comme ça", a-t-elle lancé. "Je suis choquée".
Agnès Pannier-Runacher lui a directement répondu en la tutoyant: "tu sais parfaitement que cette réforme et cette interrogation étaient engagées déjà il y a quelques mois".
Et "il n'y a aucun changement, à aucun moment, d'aucune ligne de nos procédures de sûreté nucléaire", a-t-elle martelé.
La rapporteure macroniste Maud Bregeon a aussi souligné qu'après l'éventuelle fusion, "la décision et l'expertise au sein de l'ASN continueront à être disjointes exactement comme elles le sont aujourd'hui".
Le MoDem, divisé sur le sujet, voulait proposer un amendement de compromis avec un comité de suivi parlementaire de la réforme.
Les LR, "un peu surpris sur la forme", regardent plutôt la fusion d'un bon oeil, "gage d'efficacité" pour "fluidifier les procédures", selon le député Jérôme Nury. "Le ciel ne va pas s'abattre sur la sûreté nucléaire", rassure-t-il.
"Pas opposé par principe", le RN avait mentionné une abstention en estimant le sujet "pas abouti".
La disparition de l'IRSN a été décidée pendant un "conseil de politique nucléaire" autour d'Emmanuel Macron le 3 février. Elle a été annoncée le 8 février puis introduite par un simple amendement adopté en commission à l'Assemblée.
Objectif: "fluidifier les processus d'examen et prises de décision de l'ASN pour répondre au volume croissant d'activités lié à la relance de la filière".
Cette fusion ne figurait pas dans le texte, lors de la large adoption au Sénat du projet de loi de relance du nucléaire fin janvier.
Ce système dual ASN/IRSN a été créé au début des années 2000. A l'IRSN et ses 1.800 ingénieurs, médecins, géologues..., l'expertise et la recherche sur la sûreté. A l'ASN et ses 500 agents, la décision, nourrie des expertises de l'IRSN, par exemple quand un défaut est constaté sur une centrale ou qu'un site doit être autorisé.