KIEV : Le principal monastère orthodoxe d'Ukraine, la Laure des Grottes de Kiev, est au coeur de nouvelles tensions en pleine invasion russe, les autorités ukrainiennes exigeant que s'en retire la branche de l'Eglise orthodoxe ukrainienne qui jusqu'à récemment se réclamait du patriarcat de Moscou.
"Nous n'avons aucune intention de déménager et nous n'allons pas" le faire, a déclaré le chef du monastère, le métropolite Pavlo Lebid, dans une vidéo publiée lundi.
Mais une correspondante de l'AFP a vu mardi de nombreux véhicules quitter les lieux.
Un moine, vêtu d'une soutane noire et se présentant sous le nom d'Avel, a affirmé que des objets volumineux étaient déménagés au cas où "quelque chose d'inexplicable se produisait" et que l'expulsion avait lieu.
"Dans ce cas, nous sommes prêts. Voilà pourquoi les choses les plus lourdes sont retirées", dit Avel. Mais "nous laissons la plupart de nos affaires dans le monastère. Nous restons nous-même (...) et nous tiendrons".
"Beaucoup de pères, de moines, n'ont tout simplement pas d'autre endroit que la Laure. C'est notre maison. Et pour nous cette décision était un coup de tonnerre", ajoute-t-il.
Fondée au XIe siècle et classée au patrimoine mondial de l'UNESCO, la Laure de Kiev, qui surplombe les rives du Dniepr, héberge des moines qui font partie de la branche de l'Eglise orthodoxe ukrainienne soumise avant la guerre au patriarcat de Moscou.
Leur Eglise a néanmoins annoncé en mai la rupture de ses liens avec la Russie, car le patriarche russe, Kirill, a soutenu avec vigueur l'invasion russe du pays.
Mais le gouvernement ukrainien n'a pas reconnu cette rupture, estimant que cette Eglise reste de facto dépendante de Moscou.
Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, lui a d'ailleurs apporté son soutien lundi, jugeant "inadmissible" la décision des autorités ukrainiennes.
Quant au patriarche russe, Kirill, il a condamné samedi la "pression étatique" sur cette partie de l'Eglise orthodoxe en Ukraine, selon son service de presse.
Perquisitions et sanctions
Fin 2022, les autorités ukrainiennes ont mené plusieurs perquisitions dans des édifices religieux de cette Eglise et sanctionné des ecclésiastiques pour leurs prises de position jugées prorusses. La Laure de Kiev avait aussi été perquisitionnée.
Vendredi, le ministre ukrainien de la Culture Oleksandre Tkatchenko a annoncé la résiliation du bail qui permettait à cette Eglise de louer gratuitement une partie du monastère.
La décision a été prise au motif de "violations dans l'utilisation de biens d'Etat" par l'Eglise, a précisé le ministre sur Telegram, sans donner plus de détails.
Les locaux doivent être libérés avant le 29 mars, selon des médias ukrainiens.
Le président Volodymyr Zelensky a, lui, invoqué la nécessité de défendre l'"indépendance spirituelle" face à Moscou.
"Nous ne permettons pas que l'Etat terroriste (russe, NDLR) préserve des moyens de manipuler la spiritualité de notre peuple", a-t-il déclaré dans son adresse quotidienne dimanche soir.
L'Ukraine compte également une Eglise orthodoxe indépendante de la tutelle russe.
Mardi, certains passants interrogés par l'AFP à Kiev soutenaient la décision d'expulser les moines de la Laure.
"Nous avons notre propre Eglise, celle de Kiev et un Patriarche ukrainien. Nous ne devons rien avoir en commun (avec la Russie)", affirme Artiom, un homme de 37 ans.
Une paroissienne, Marina, appelait toutefois à proteger les moines. "Nous devons défendre notre clergé", dit cette femme de 53 ans. "Nous sommes prêts à y aller et les protéger jusqu'au bout, peu importe le prix."